Voilà le sort des enfants
obstinés...la morale habituellement associée au dénouement de
cette chanson résonne encore dans nos oreilles d'enfants. L'histoire
des danseurs noyés est de celles qui ont connu un retentissement
bien au delà du seul domaine de la chanson traditionnelle. Elle a
été enregistrée à plusieurs reprises par des artistes dits « de
variété » et ainsi bénéficié d'une propagation sur les
ondes. Elle est aussi un classique du répertoire enfantin. Comment
mieux faire passer aux jeunes générations l'intérêt d'obéir à
ses parents !.
Mais pourquoi avoir choisi une version
de Loire-Atlantique qui ne met pas en scène les fameux pont de
Nantes, théâtre habituel de cette mésaventure ?
Pour lire la suite et écouter la
chanson :
Même si une grande majorité des
versions de cette chanson situent l'action à Nantes, il semble bien
qu'à l'origine c'est d'un pont du Nord qu'il est question. Les ponts
de Nantes sont présents dans un grand nombre de chansons types et la
contamination a pu se faire d'une chanson à l'autre. C'est une
hypothèse, pas une certitude. Rappelez vous que ce qu'on désigne
sous le terme de pont n'est pas seulement l'ouvrage d'art qui enjambe
une rivière en lui-même, mais l'ensemble d'arches, de rues, de
terrains, de faubourgs, etc qui se trouvent au point de
franchissement d'un fleuve. Nous l'avons déjà évoqué dans ce blog
à propos des ponts de Nantes et d'autres aussi célèbres dans la
chanson : Lyon, Avignon. N'imaginez pas un bal organisé sur une
chaussée étroite, encombrée, fragile et suspendue au dessus d'une
rivière. Aujourd'hui à Nantes les ponts se comptent à la dizaine.
Jadis, une seule ligne de ponts permettait de franchir la Loire et
ses divers bras. En revanche, entre ces ponts existaient des espaces
peu urbanisés et propices à organiser des réjouissances ; des
quartiers parfois mal famés ; ce qui peut justifier la
réticence des parents à laisser une jeune fille y aller danser.
Voilà pour la réalité géographique,
passons maintenant à la fiction. Cette chanson nous parle le plus
souvent du ou des ponts de Nantes. D'autres localisations existent :
Le pont du Nord, que personne n'arrive
à situer exactement puisqu'on en parle dans des chansons d'origines
très différentes. Et il arrive parfois qu'après la noyade les
cloches de Nantes se mettent à sonner !
Le pont des Morts, qui est une variante
locale adaptée d'après un pont de la ville de Metz
Le pont de Londres, pour un certain
nombre de chansons canadiennes alors que le pont de Nantes est cité
lui aussi dans un pas mal de textes collectés outre-Atlantique. La
présence des anglais au Canada justifie sans doute cette référence
à Londres
Le pont de l'Anse, variante québécoise
assez rare, adoptée en raison de son assonance proche de Nantes.
L'origine de cette chanson remonte fort
loin. Le premier texte y faisant allusion est une romance du 12ème
siècle, citée par Martine David et Anne-Marie Delrieu dans leur
ouvrage « aux sources des chansons populaires » :
C'est la jus c'on di ès prés
Jeu et bal i sont criés
Emmelos i veut aller,
A sa mère en acquiert grés
par Dieu ma fille, vous n'irés
Trop y a de bachelers au bal
Emmelos est passé de mode depuis
longtemps et c'est plus couramment Adèle, Hélène, Agnès ou
Jeannette qui arrivent à convaincre le frère de leurs servir de
chaperon.
Depuis ces temps lointains la chanson a
suivi une carrière qui l'a fait passer de la tradition populaire aux
rondes enfantines, adaptées comme souvent au 19ème siècle. Avec la
naissance des ondes radiophoniques et du disque elle a connu son
heure de gloire chantée par Guy Béart et Nana Mouskouri, sous le
titre « les ponts de Nantes ».
Pour ne pas faire preuve d'un
chauvinisme excessif, notre interprétation de cette semaine laisse
de coté les ponts de Nantes pour celui du Nord. Elle a été
entendue de Marie Barthélémy, l'une des chanteuses du pays de
Chateaubriant qui possédait un répertoire des plus étendu.
interprète : Daniel Lehuédé
Source : Marie-Josèphe
Barthélémy, de Limèle, en Sion-les-Mines (Loire-Atlantique)
collectée le 20 mars 1991 par Patrick Bardoul, Robert Bouthillier,
Lydie Pécot et Pierre Guillard
catalogue P. Coirault : Le
pont du Nord (Petites aventures au bord de l’eau - N° 01725)
catalogue C. Laforte : La
danseuse noyée (I-B-02)
Sur le pont du nord
Sur le pont du Nord un bal est assigné
(bis)
Adèle demande à sa mère à y aller
Luron lurette, maluron de luré
La belle demande à sa mère à y aller
(bis)
Oh non, ma fille, tu n'iras pas danser
Luron lurette, maluron de luré
Oh, non, ma fille...
Les routes sont larges mais les ponts
sont étrèt’s1
Elle monta dans sa chambre, elle se mit
à pleurer
Son frère arrive dans un bateau doré
Qu'as-tu, qu'as-tu donc ma sœur à
pleurer
C'est maman qui ne veut pas que j'aille
danser
Prends ta robe blanche et ta ceinture
dorée
Le frère, la sœur, tous deux s'y sont
noyés
Les cloches du Nord se mirent toutes à
sonner
La mère demande qu'est ce qu'il est
arrivé
Ce sont vos fils qui sont morts et
enterrés
Voilà l'histoire des enfants entêtés
Qui vont au bal sans y avoir songé.
Merci de ces explications et de cette belle version qui est bien meilleure que celle des chanteurs de variété (ce qui n’est pas étonnant).
RépondreSupprimerMerci pour cette explication et ces quelques mots d'histoire! Très intéressant!
RépondreSupprimerenfin une explication complète de cette chanson qui a accompagné mon enfance et me laissait songeuse ; Merci
RépondreSupprimerVoici une chanson que je ne peux entendre sans avoir les larmes aux yeux, car j ai un fils aîné .... et une fille qui se nomme Adèle 😕. Merci pour cette analyse claire et instructive.
RépondreSupprimerQuel triste écho avec le drame qui a conduit à la mort de Steve.
RépondreSupprimerUne résonance bien particulière qui n'a pas échappé à certains artistes qui se sont déjà emparés de cette chanson pour en faire une version actualisée !
SupprimerHeureusement, dans la chanson trad. on n'a pas besoin de lacrymogènes pour verser une larme.
merci pour l"histoire
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