A mi chemin entre la fête des mères
et celle des pères, nous vous proposons une chanson qui contribuera
à mettre de l'ambiance dans vos repas de famille. Ces couplets
dialogués nécessitent deux protagonistes bien entraînés. Plus
qu'un dialogue c'est une dispute qui va se dérouler entre un ivrogne
et son épouse. La chanson traditionnelle nous a habitué au sort
fatal de la ménagère qui va de taverne en taverne pour chercher son
poivrot de mari. C'est tout différent ici avec un match qui se joue
à domicile. L'issue est incertaine ; les arguments sont
retournés. Une seule certitude : il va y avoir du sport.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
De nombreuses chansons traditionnelles
sont basées sur le dialogue, le plus souvent entre deux amants. Plus
rares sont les chansons où ce dialogue tourne au débat entre deux
protagonistes. Nous vous avons déjà proposé sur ce même thème la
dispute entre l'ivrogne et le pénitent (1). Une autre chanson connue
dans cette catégorie met en scène l'eau et le vin.
Ici c'est un mari et sa femme qui
personnifient les deux éléments : le vin sous les traits du
mari ivrogne, l'eau, qui finit par l'emporter, sous les traits de sa
femme. Mais la comparaison s'arrête là. Quand d'habitude les
chansons sur l'excès de boisson nous présentent la pauvre femme
victime du buveur impénitent, de son mauvais caractère ou de son
indifférence, celle ci renverse la situation. Le buveur n'y est plus
en position de force. Il cherche à raisonner sa moitié, mais on
finit par découvrir qui dans ce ménage porte la culotte, selon
l'expression consacrée. Un mari battu, dans la chanson
traditionnelle, voilà qui est inhabituel !
Ces chansons sont assez rares dans
notre répertoire, même si deux versions différentes ont été
notées en Loire-Atlantique, et d'autres en Vendée. Elles ont
semble-t-il mieux survécu outre atlantique. Conrad Laforte y a
recensé une douzaine d'exemplaires. Les tournures de phrases
utilisées dans ces versions canadiennes suggèrent bien une origine
commune, que nous n'avons pu identifier.
L'original de cette chanson, interprété
par Constance Crusson, est sur le disque « chant et veuze en
Presqu'ile guérandaise » publié par Dastum en 1994 (2).
Elle aurait pu figurer en bonne place
dans notre CD sur les plaisirs de la table. Bien sur, le plaisir
c'est celui que vous prendrez à la chanter.
Notes
1 – chanson n° 129 de ce blog, en
novembre 2015
2 – et aujourd'hui épuisé. Vous
pouvez encore l'écouter par l'entremise de quelques médiathèques.
Aucune réédition n'est envisagée, pour de simples raisons
financières.
interprètes : Martine et
Daniel Lehuédé
source : collectage de
Roland Brou (avec Robert Bouthillier et Pierre Guillard) chez
Constance Crusson, à La Baule, le 10 avril 1991
catalogue Laforte : Dispute
de l’ivrogne et sa femme (III, F-03)
DISPUTE DE L’IVROGNE ET SA FEMME
Ne cesseras-tu donc jamais
Oh, dis-moi donc méchant ivrogne
D’aller toujours au cabaret
Tu te soucies guère de ta femme
De tes enfants pareillement
Il faut que je te donne blâme
Puisque tu n’es qu’un libertin
Tu nous feras mourir de faim
Mon petit cœur, mon cher amour
Que la colère vous emporte
N’avez-vous donc guère de raison
De m’y traiter là de la sorte
Je vous en prie, de dites rien
Sans quoi j’vous fais passer la
porte
Je vous en prie, ne dites rien
Je n’ai dépensé que mon bien
Veux-tu m’empêcher de parler
Oh, va, tu n’en es pas capable
Je vais te dire devant ton nez
Comme tu nous fais misérables
Pendant qu’tu es à te saouler
Le dos au feu, le ventre à table
Pendant qu’tu es à te saouler
Nous n’avons pas de pain à manger
Que fais-tu donc-e de l’argent
Que je te donne la semaine
Le pain est bon marché à présent
Oserais-tu te plaindre, vilaine
Fais-donc travailler les enfants
Au lieu d’laisser courir dans la
plaine
Un peu du tien, un peu du mien
Et tu verras tout ira bien
Mais en présence de tous ces gens
Oserais-tu m’dire que tu travailles
Que tu me donnes de l’argent
Tu es menteur, tu es canaille
Tu as tout mangé et tout bu
Et tes enfants iront tout nu
Les gens, ne faites pas attention
A tout ce que vous dit ma femme
C’est un serpent, c’est un démon
Elle est plus méchante que le diable
Elle en aura des libera
A grands coups de règle neuve
Elle en aura des libera
Plus de quinze jours elle s’en
sentira
Oh va, je n’ai pas peur de toi
Y’a longtemps que j’connais tes
forces
Te rappelles-tu, un jour chez nous
Comme je t’y bats, comme je t’y
rosse
Mais en présence de la compagnie
Oserais-tu m’y contredire
Oh va, je suis bien convaincu
Je vous en prie de vous taire ma femme
Ne dites pas plus que je suis battu
Je préfère porter le blâme
Quand on est en compagnie
On n’voudrait pas passer pour lâche
Un homme saoul et sans raison
Fait le tapage à la maison.
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