Si
l'amour prenait racine j'en planterais dans mon jardin...la formule
est magnifique. Elle a sans doute beaucoup fait pour le succès de
cette chanson d'amour très répandue dans la tradition.
Ça
commence par une petite brouille entre amoureux, suivie d'une
réconciliation nocturne à l'insu des parents. Le décor étant
dressé, on en vient aux réflexions philosophiques sur la brièveté
des bons moments et la manière de les faire durer. Ce qui nous donne
une des plus belles chansons d'amour de la tradition orale ; et
qui, pour une fois, a le bon goût de ne pas finir tragiquement.
Voyons cela en détail.
pour lire la suite et écouter la chanson
Cette
romance est un véritable tube de la chanson traditionnelle. Elle est
très répandue. Elle a été collectée à peu près partout dans
notre département, du pays d'Ancenis à celui de Chateaubriant, en
Brière ou sur le littoral, au nord comme au sud de la Loire. On la
retrouve également dans toute la tradition francophone, des Pyrénées
au Québec, en passant par la Lorraine...
Ce
qui est le plus remarquable c'est que malgré des mélodies variées,
le texte n'a pas subi de transformations notables. Tout au plus
quelques détails comme l'identité du garçon. Il a souvent bonne
mine ;Il est parfois artilleur, voltigeur, marinier (1), fait le
fier, mais revient toujours à minuit pile.
Un
des personnages principaux de cette histoire est une de nos vieilles
connaissances : l'alouette. Un oiseau matinal bien commode pour
symboliser la brièveté de l'étreinte amoureuse que les amants
voudraient prolonger indéfiniment. Notre petit réveil matin se
charge de siffler la fin de la partie. Ce n'est pas une raison
suffisante pour vouloir la plumer (2) mais parfois on essaye de la
soudoyer :
— Que
me donnerez-vous, la belle, Je n'y chanterai pas le jour.
— Je
te donnerai une plume Pour fair' ton nid,
Et
quelques grains de mon froment Pour tes petits.
D'autres
fois, c'est le coq qui s'en mêle, comme, par exemple,dans la version
du pays de Redon chantée par Jeannette Maquignon (3). Mais la
réponse est cette fois plus catégorique :
Tout
petit coq chantant minuit sera rôti.
Enfin,
voici le couplet qui reste dans toutes les mémoires : « si
l'amour prenait racine.... ». C'est parfois cette formule qui
sert de titre à la chanson. Quelle que soit la version recueillie ce
couplet est conservé intact. Exceptionnel pour un couplet final
d'une chanson dont les sources les plus anciennes remontent au 15ème
siècle. C'est dire si cette formule a impressionné tous les
interprètes. Quelques auteurs modernes s'en sont même emparés,
comme Julos Beaucarne et d'autres avant lui (4).
La
chanson qui a servi de base à l'interprétation de cette semaine
avait été collectée par Pierre Guillard à Ligné. L'original se
trouve sur le double CD « anthologie du patrimoine oral de
Loire-Atlantique » que nous avons publié pour fêter les vingt
ans de l'association Dastum 44 (5).
notes
1 -
dans des versions collectées en Basse Loire comme beaucoup plus haut
dans la vallée du fleuve. Ce qui donne une idée de l'importance de
cette corporation dans la propagation des chansons.
2 –
sur le strip-tease de l'alouette, voir la chanson n° 33, décembre
2013
3 –
Disque consacré à J. Maquignon par Dastum dans la série grands
interprètes de Bretagne. Une autre version est sur le CD plus récent
des chansons de Clémentine Jouin, dans la même collection. Le lien
pour la boutique est ici.
4 -
Charles Fuster et Cécile
Chaminade, dans les année 1920 : Ah! si l'amour prenait racine
/ J'en planterais dans mon jardin / Pour que ma petite voisine /
Respirant la fleur assassine / Sentît son cœur battre soudain.
5
– Toujours disponible en s'adressant directement à Dastum 44 ;
voir page « nos éditions ».
interprète
: Isabelle Maillocheau
source :
Joseph Rousseau, enregistré le 31 janvier 1967 à La Pilevanière,
en Ligné(Loire-Atlantique) par Jean Renaud
catalogue
P. Coirault : Le rendez-vous de nuit (Rendez-vous - N°
00607)
catalogue
C. Laforte : Le rendez-vous de nuit (II, C-11)
Je
suis garçon de bonne mine
Et
je fréquente la beauté
Pour
une seule fois que j’ai manquée
D'aller
la voir
La
belle m’y a reproché
Plus
de cent fois
Et
moi, et moi qui n'aime pas les reproches
Je
pris mon sac et je m'en vas
Je
pris mon sac et je m'en vas
D'un
air bien doux
En
lui disant : la belle
T'en
trouveras tant à ton goût
Oh
va, oh va, amant volage
Tu
reviendras quand tu voudras
Tu
reviendras quand tu voudras
Mon
bel ami
La
porte t'y sera ouverte
Jusqu’à
minuit
L’amant
ne manqua pas l’heure
Que
sa belle lui avait dit
Il
est parti sur les onze heures
Pour
arriver juste à minuit
Oh,
dormez-vous, sommeillez-vous
Petit
cœur joyeux
A
votre porte est arrivé
Votre
bien aimé
Oh,
non, je n’y dors ni je n’y sommeille
Toute
la nuit, je pense à vous
Toute
la nuit, je pense à vous
Mon
bel ami
Causez
plus bas, marchez plus doux
Mon
tendre amant
Car
si papa, il m’entendait
Morte,
je s’rais
Il
n'y avait pas deux heures qu'ils étaient ensemble
Que
l'alouette chanta le jour
Oh,
chante, chante, belle alouette
Tu
as menti
Tu
chantes là le point du jour
Il
n'est ‘core que minuit
Oh,
si l'amour avait racine
Comme
un laurier dans mon jardin
J'en
planterais, j'en sèmerais
Dans
tous les coins
J'en
ferais part à mes voisins
Qui
n'en ont point.
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