vendredi 22 mai 2015

106 - Le charbonnier galant

Il n'y a pas de sot métier. Il en est pourtant qui rendent les relations galantes difficiles. Nous ne parlerons pas aujourd'hui du couturier refusé à cause de son aiguille, mais du charbonnier à la chemise noire. Il ne s'agit pas du marchand de charbon qui traîne son métier comme un boulet, mais du « bougnat » fabricant de charbon de bois.
Ce métier rural a périclité avec la commercialisation du charbon puis du gaz butane en bouteilles. Il ne reste plus à cette profession que la vogue des barbecues pour survivre. Une chanson, connue dans bien des régions, a célébré les aventures de ces « goules noires » cuiseurs de bois. Notre version vient de Saint Nazaire où elle a été collectée par Gaston Le Floc'h (1).
pour écouter la chanson et lire la suite


Vivant dans les bois, et donc considérés comme des rustres par la population, les charbonniers se regroupaient dans des hameaux de huttes avec les sabotiers ou les bûcherons. Ils ne fréquentaient villes et villages que pour la vente de leurs produits à des professions comme les boulangers ou les maréchaux mais aussi aux particuliers qui possédaient un fourneau à charbon. C'est là que se situe la chanson.
Le charbon de bois était généralement livré en sacs de vingt kilos. Selon les versions de la chanson il est marchandé de un écu à douze francs. A quoi correspond donc ici la livre annoncée à cent écus ? Peut être ne faut-il pas s'attacher à ces détails matériels qui restent des symboles. En revanche, il est un détail auquel on ne peut échapper c'est la noirceur du personnage. Vivre en permanence auprès de mulons de bois enfumés (2) devait donner un joli teint, vraisemblablement assorti d'une odeur particulière.
Sur le même thème, Soreau avait noté à Campbon une version énumérative (3) :
Charbonnier mon ami
que ta figure est noire
Sans ça je t'aimerais
suivent : la barbe, les mains, la chemise, la veste, la culotte
Malgré ses remarques déplaisantes la dame note parfois que si son teint était noir ses dents étaient bien blanches. La transaction se conclut tout de même dans la chambre. D'autres interprétations sous entendent un paiement en nature : pas d'argent mais un « doux baiser » !
Mais ici, il est bien question d'argent pour la femme du charbonnier. Il est vrai que l'argent n'a pas d'odeur, sauf peut être dans les huttes de charbonnier.
Enfin il existe de cette chanson des versions en breton du pays vannetais, comme celle enregistrée sur le disque Dastum « mille métiers, mille chants » dont nous avons déjà parlé la semaine dernière.

notes
1 – publiées par Fernand Guériff, dans le tome 3 du « trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande » édité par Dastum 44 et le parc naturel régional de Brière
2 – la cuisson du charbon de bois « à l'ancienne » durait de 36 à 48 heures.
3 – Soreau ; vieilles chansons du pays nantais ; fascicule 1

collectage : Gaston Le Floc’h auprès de Madame Jacobert, à Prézégat (Saint-Nazaire), en 1937 - publié par Fernand Guériff : Le Trésor des chansons…, vol. 3, page 208
interprète : Jean-Louis Auneau
catalogues : Coirault :6410 le charbonnier galant – Laforte : le charbonnier et la dame VII – Malrieu : 0367 ar glaouer hag an itro

LE CHARBONNIER GALANT

Charbonnier qui s'en va, faire un tour à la ville (bis)
Et il s'en va, criant à haute voix : j'ai du charbon d'un nouveau bois (bis)

Charbonnier, mon ami, combien vends-tu la livre (bis)
Ah, ah, Madame, je la vends cent écus, autant le gros que le menu (bis)

Charbonnier, mon ami, monte jusqu'à ma chambre (bis)
Lève le pied, monte bien doucement, Je vais te compter ton argent (bis)

Quand l'argent fut compté et rangé sur la table (bis)
Ah, ah, Madame, la femme du charbonnier ne veut que d'l'argent blanche (bis)

Charbonnier, mon ami, que ta chemise est noire (bis)
Ah, ah, Madame, c'est l'état du métier : chemise noire au charbonnier (bis).


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