vendredi 8 mai 2015

104 - C’était un jeune dragon

Trop tard ! C'est le titre donné à cette histoire dans plusieurs recueils de chansons. Il résume bien l'essentiel puisque le soldat en permission revient au pays après l'enterrement de sa bien aimée. Mais d'autres détails nous intriguent dans cette complainte, comme le dialogue entre la morte et le soldat, ou encore cette conclusion sur l'engagement du jeune homme pour oublier son chagrin.
La trame de cette chanson est identique pour les nombreuses collectes réparties dans toute la francophonie, et au delà. Seuls quelques détails diffèrent qui retiendront toute notre attention. Elle a été notée de nombreuses fois en Haute Bretagne. La version qui nous a servi de base cette semaine est celle enregistrée dans le double CD « Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique » (1), chantée par Odile Jannault et Hélène Chaplais dans le pays de Chateaubriant.
pour lire la suite et écouter la chanson

Vous pouvez entendre bien d'autres versions enregistrées de cette complainte en allant sur la base de données de Dastum. La plupart des ouvrages publiés sur le répertoire local en citent au moins une version (Guériff, Guéraud, Soreau, Dréan...). Les catalogues de la chanson traditionnelle (Laforte, Coirault) la répertorient par dizaines. Voilà qui nous incite à tenir notre comparatif habituel.
Si l'histoire ne change guère, ses héros varient d'une chanson à l'autre. Le dragon, archétype du vaillant soldat, cède parfois la place au simple soldat, au cadet, au conscrit ou au jeune homme. De nombreuses versions mettent en scène un marin ; et pas seulement dans les régions côtières. Les dragons vont fréquemment par trois, le plus jeune ayant la vedette.
Passons maintenant au premier rôle féminin. Elle s'appelle Jeannette dans cette version de Loire-Atlantique. On trouve aussi par chez nous des Hélène. Le prénom le plus répandu dans toutes les régions est Nannette ou Annette. Il devance Gilberte, Deline, Céline, Julie...sauf pour la version avec les marins où la fille s'appelle systématiquement Adèle (2). Enfin cet état civil ne serait pas complet si nous oublions de mentionner Prospère (3), un prénom plutôt rare au féminin qui apparaît dans une version collectée par Guéraud à Bouguenais, près de Nantes, mais qu'on retrouve aussi dans l'est et dans le sud ouest.
Venons en aux deux étrangetés de cette chanson. Tout d'abord, on a peut être eu tort d'enterrer si vite Jeannette. La preuve c'est qu'elle parle encore. Des esprits moins sarcastiques, ou plus romantiques, verront dans ce dialogue une sublimation de l'amour plus fort que la mort. Les deux amants arrivent encore à communiquer après le trépas. Les paroles de la morte sont elles la cause du retour de l'amant au régiment ?
Toujours est-il que les derniers couplets voient le garçon, dragon ou marin, rempiler. Quelle belle propagande pour les armées si on veut bien considérer que cette chanson date d'une période bien antérieure à la conscription obligatoire, où l'art du recrutement était poussé à l’extrême. Le dernier couplet est particulièrement édifiant. Pour récompense, après une période de repos, le dragon se voit élevé au grade d'officier. Quelle promotion rapide et quelle situation idyllique ! On peut douter de sa réalité. Certaines versions ne sont d'ailleurs pas si optimistes et se terminent sur des regrets :
...Y'a t'il plus malheureux que moi
Passer sa vie sur terre au service du roi
Enfin, la version notée par Fernand Guériff à Quimiac propose au dragon une autre solution pour oublier sa belle :
Le capitaine lui dit
nous partons pour Bayonne
où il y a des filles assez
des petites et des grandes
des bonnes à marier

Notes
1 – chanson n° 1-09 du double CD publié par Dastum 44 (voir page nos éditions) que vous allez vous offrir prochainement. Si vous l'avez déjà, pensez y pour vos cadeaux.
2 – d'après Simone Morand (anthologie de la chanson de haute Bretagne) ce serait à cause du calembour « elle est morte Adèle ».
3 – Yop la boum ! Maurice, on t'a reconnu.

source : collectage de Patrick Bardoul, chanté par Odile Jannault et Hélène Chaplais, à La Touche, en Erbray (Loire-Atlantique) le 18 septembre 1992
interprètes : Janick Peniguel & Séverine Bourdeau
catalogue P. Coirault : Le soldat qui trouve sa mie morte (N° 01406)
catalogue C. Laforte : Le retour du soldat : sa blonde morte (II, I-13)

C’était un jeune dragon

C'était un jeune dragon regrettant sa maîtresse (bis)
Regrettant sa maîtresse car il avait raison
C'était la plus belle fille
Qu’y’avait dans tout l'canton (bis)

Le jeune dragon s'en va trouver son capitaine (bis)
Bonjour mon capitaine, signez-moi mon congé
Pour aller voir Jeannette
Jeannette, ma bien-aimée (bis)

Le jeune dragon s'en va tout droit de chez son père (bis)
Bonjour, cher père et mère, frères et sœurs et parents
Où est-elle donc Jeannette
Jeannette que j'aime tant (bis)

Son père lui répond : Jeannette n'est plus ici (bis)
Son corps porté en terre, son âme en paradis
Voilà déjà longtemps
Qu’Jeannette n’est plus ici (bis)

Le jeune dragon s'en va tout droit au cimetière (bis)
Ah, parle-moi, Jeannette, Jeannette, parle-moi
Ah, parle-moi, Jeannette
Pour la dernière fois (bis)

Jeannette lui répond : t'en trouveras bien d'autres (bis)
T'en trouveras bien d'autres vingt fois, cent fois, mille fois
T'en trouveras bien d'autres
Cent fois plus belles que moi (bis)

Le jeune dragon s'en va tout droit de chez son père (bis)
Au r’voir cher père et mère, frères et sœurs et parents
Puisque Jeannette est morte
J'm’en r’tourne au régiment (bis).

Le jeune dragon s'en va trouver son capitaine (bis)
Bonjour, mon capitaine, m'y voilà revenu
Puisque Jeannette n'est plus
J'vous servirai toujours (bis)

Le capitaine lui répond : va t-en au corps de garde (bis)
Va t-en au corps de garde, va t-en t'y reposer
Et tu prendras la garde
Comme sous officier (bis).


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