vendredi 1 août 2014

65 – Les filles de Saint-Etienne

Après les filles du Croisic, il y a quinze jours, c'est aux filles de Saint Etienne que la chanson traditionnelle rend hommage cette fois. Certes, le nombre de chansons qui vantent les qualités (ou les défauts) des filles de tel ou tel endroit est incalculable. La pluspart d'entre elles sont des chansons à la dizaine où on se contente d'une affirmation « y'a cor' dix filles à Nantes qui sont bien élégantes » ou « y'a dix filles du Haut Bergon qu'ont des culottes et pas de boutons ». Le couplet est ensuite décompté de dix à un.
Ici nous avons affaire à un texte qui pour être court n'en est pas moins intéressant, à divers titres. Le premier c'est la localisation de cette chanson. Inutile d'espérer un refrain du style « allez les verts ». Notre Saint Etienne est situé dans le pays nantais ; pour être précis, Saint Etienne de Montluc, où ont été collectés ces vers (1) est à mi chemin entre Nantes et Savenay. La chanson a été publiée par Claude Pavec, auteur d'un recueil fin 19ème siècle, reprise par Armand Guéraud et Fernand Guériff dans leurs ouvrages respectifs. Et c'est tout. Le répertoire des chansons traditionnelles de Patrice Coirault n'en mentionne aucune autre version. Les « filles qui guérissent de la courte haleine » sont elles donc uniques au pays nantais ?
Mais d'abord, de quelle chirurgie s'agit-il ?
Ecouter la chanson et lire la suite
En quoi les filles de St Etienne ont elles une si grande expertise ? La courte-haleine pouvait autrefois définir des difficultés respiratoires, un grand essoufflement...que nous définirions aujourd'hui comme de l'asthme. Il est curieux de constater le nombre d'asthmatiques parmi les membres du clergé à cette époque : trois moines, un chanoine, qui récompensent les filles de cadeaux symboliques.
Une seconde version citée par Guéraud ajoute d'autres récompenses
Qu’ont-elles donc eu pour leur peine
de beaux souliers de prunelle
un tablier de futaine
un bouquet de marjolaine...
Le tissu d'indienne, un coton imprimé, était autrefois une spécialité nantaise.

Mais, si on recherche un peu plus avant l'origine de la courte-haleine on finit par découvrir que l'expression, en argot du 19ème siècle, avait une toute autre signification. Un sens caché qui nous paraît plus approprié pour tous ces personnages. En effet un dictionnaire de l'argot classique (2) assimile la courte haleine à un manque d'ardeur amoureuse : « Être petit baiseur, se contenter de tirer un coup ou deux et dormir après ».
Armand Guéraud ne s'y trompe pas qui la classifie dans les chansons plaisantes, au même titre que les filles de la Rochelle qui veulent apprendre le pilotage avec leurs amants ou celles qui veulent un mat dans leur navire.
Les filles du pays nantais n'ont pas fini de nous surprendre.


Notes
1 – allez les vers ! - le recueil de Pavec publié en 1884 à Savenay s'intitulait : chants populaires de la Haute-Bretagne
2 – ne cherchez pas; voici le lien :


Les filles de Saint-Etienne

Ce sont les filles de Saint-Etienne, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
On dit qu’elles sont sirugiennes, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

On dit qu’elles sont sirugiennes, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Elles guérissent d’la courte haleine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

Elles guérissent d’la courte haleine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Elles en ont guéri trois mouaines, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

Elles en ont guéri trois mouaines , léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Trois moines et un chanouaine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

Trois moines et un chanouaine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Qu’ont-elles donc eu pour leur peine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

Qu’ont-elles donc eu pour leur peine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Un bouquet de marjolaine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon

Un bouquet de marjolaine, léridon, léridondaine, léridon, léridondon
Et un tablier d’indienne, léridon, léridondaine, léridon, léridondon


source : non précisé, Saint-Etienne-de-Montluc
collectage : Claude Pavec, publié par Fernand Guériff « Le trésor des chansons populaires… » - P. 75 et par Joseph Le Floc’h « Recueil de chants populaires du Comté Nantais et du Bas-Poitou », p.556
Interprète : Françoise Bourse



Catalogue Coirault. : Les filles qui guérissent de la courte haleine (02404)

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