vendredi 14 février 2014

42 - Meunier, tu dors

Quel est le point commun entre la dramatique complainte publiée la semaine passée et notre ritournelle de la semaine ? Elles ont toutes deux été collectées et publiées par Abel Soreau, à la fin du 19ème. A part ça rien de commun entre elles. On mesure toute l'étendue des répertoires traditionnels en passant de l'une à l'autre. Une vraie douche écossaise ; ce qui nous changera un peu des douches bretonnes qui ont fait dangereusement monter le cours de nos rivières ces derniers temps.
Meunier tu dors est une des comptines enfantines les plus connues. Même dans les milieux les plus imperméables à la tradition, rares sont les bambins qui n'y ont pas eu droit. Mais encore une fois limiter cette chanson à cette seule version est quelque peu réducteur.
Pour le seul territoire de la Loire-Atlantique, nos références habituelles en signalent plusieurs autres. Celle de Soreau a été entendue à Saint Nazaire. Fernand Guériff en propose un rond du pays paludier avec un refrain de circonstance : « au bal, la meunière, au bal ». Armand Guéraud en donne deux variantes de Bouguenais et de Pontchateau, la première avec l'habituel «  meunier tu dors, ton moulin va trop fort » mais sur des airs complètement différents.
Cette chanson doit-elle vraiment être classée dans les enfantines ? La version que vous entendez 
lire la suite et écouter la chanson


que vous écoutez cette semaine pourrait encore le laisser supposer. Ses paroles sont assez anodines pour être fredonnées aux tot petits. Mais la plupart des autres versions comportent des couplets destinés aux adultes. Pendant que le meunier prolonge sa sieste, il ne voit pas « le curé qui embrasse sa femme » ou le moine qui l'emporte. Dans le Berry (1) comme en Haute Bretagne et ailleurs le meunier a peur d'aller trouver le galant et de se faire battre.
C'est là le sort de bien des comptines et autres chansons pour les enfants. Quand elles ne sont pas pleines de double sens, elle se dédoublent de versions compréhensibles des seuls adultes. En attendant qu'ils soient en âge d'en saisir toutes les subtilités, continuez à les chanter à vos enfants, ils vous en seront reconnaissants.

notes
1 - Barbillat et Touraine – chansons populaires dans le Bas Berry – tome 1 page 45

Meunier, tu dors

Meunier, meunier, tu dors, tu n’vois pas ton dommage (bis)
Réveillons là, réveillons là, réveillons là
Réveillons là ce meunier là

Tu ne vois pas ton chat qui t’a pris une saucisse (bis)
Réveillons là, réveillons là, réveillons là…

Mais si je vois mon chat mais j’ai peur qu’il me griffe…

Tu ne vois pas ton chien qui t’emporte une cot’lette…

Mais si je vois mon chien mais j’ai peur qu’il me morde…

Tu ne vois pas le loup qui va manger ton âne…

Mais si je vois le loup, mais j’ai peur qu’il me mange…

Tu n’vois pas ton voisin qui te vole tes poules…

Mais si j’vois mon voisin mais j’ai peur qu’il me batte…

Tu ne vois pas le feu qu’est dans ta maisonnette…

Mais si je vois le feu mais j’ai peur qu’il me brûle…

Tu ne vois pas le vent qui déchire tes toiles…

Mais si je vois le vent mais j’ai peur qu’il m’emporte.


source : Mme Boué, à Saint-Nazaire, le 20 septembre 1895 – collecte d'Abel Soreau
interprètes : Jean-Louis Auneau, Bruno Nourry et Daniel Lehuédé 
catalogues – Coirault : 7812 – Laforte : 5F137


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