vendredi 20 septembre 2013

22 – le vingt et un de mars


De l’île d'Yeu au Berry en passant...par la Lorraine ou les Alpes, le héros blessé de cette chanson retrouve sa blonde avant de mourir. Colonel, quartier-maître, capitaine, contremaître ou porte-enseigne, ses avatars suffisent à montrer la diversité des chansons rapportant cette anecdote. Porte-enseigne dès qu'on s'éloigne des côtes, il est logiquement quartier-maître dans une région qui a donné tant d'hommes à la marine à voiles. 

L'original de cette chanson figure sur le deuxième CD de l'anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique, publiée par Dastum 44 (cf. rubrique éditions). Elle est ici interprétée par des chanteurs de Dastum 44, dans la version harmonisée pour le spectacle « Pour entendre chanter ». Créé pour les vingt ans de l'association ce concert reprend quelques uns des meilleurs extraits de l'anthologie, avec des arrangements innovants par rapport aux versions traditionnelles. La prochaine occasion d'écouter ce concert sera le 28 septembre prochain à Pornic.
Mais revenons à notre quartier-maître. La version qui nous a été chantée par Mme Gouesmat (1) de Saint Lyphard, dans la Brière, est certes incomplète, mais sa mélodie soutient bien l'aspect dramatique de l'événement. Le quartier-maître n'est là que pour annoncer la mort du capitaine. Dans d'autres versions « maritimes » comme celles notées dans les iles anglo-normandes par Peter Kennedy (2), c'est le contraire. Ces variantes...
Pour lire la suite et écouter la chanson



... des bords de mer sont nettement moins nombreuses que celles qui mettent en scène l'agonie du porte-enseigne. Quel que soit le trépassé tout débute par un accrochage avec le même ennemi. Les anglais ont débarqué ; ça va saigner.

Quand et où a eu lieu cette bataille ? En consultant les archives, celles de Dastum, ainsi que différentes versions imprimées ou enregistrées, on obtient des renseignements contradictoires. Tout d'abord, la localisation nous emmène de Bruges ou des côtes de Hollande au nord à Gibraltar au sud et de Brest à Lyon. Et puis, le moins qu'on puisse dire c'est qu'on vous laisse le choix dans la date (3). Sont ainsi répertoriées :
le 21 janvier dans des chansons collectées en Ile et Vilaine et à St Guyomard (56), le 31 janvier à Brest et à Séné (56), le 21 mars à St Lyphard (c'est notre version) et dans le Périgord, le 2 avril en Suisse, Valais et Vaud, mais aussi à Questembert (56), le 3 avril pour d'autres versions du Morbihan, le 10 avril à Rémilly, en Lorraine ainsi qu'au Québec, les 14 ou 15 avril en Gaspésie et sur les bords du St Laurent. Le 21 avril remporte un certain nombre de suffrages, à Noirmoutier (85) Plouguerneau et Penmarch (29), St Martin sur Oust (56) et Loudéac (22). La version chantée par Jeannette Maquignon de Peillac (56) opte pour le 22 avril, avis partagé par un habitant de Ceyzeriat (01) mais pas par un de ses voisins du Valais suisse qui penche pour le 23. Le 25 avril est une piste sérieuse qui est citée à St Carreuc (22), dans le Vercors (38), le Jura (39), la Haute Savoie (74) à Séez, dans la Tarentaise (73) et jusqu'en Acadie. La bataille a été reportée au lendemain 26 avril dans le Doubs et est encore notée le 28 avril dans le Vercors. On termine le mois d'avril le 31 à Ploemeur (56). Mais l'année est loin d'être finie. Le 27 septembre a été chanté en Bresse, le 10 et le 25 octobre à Guernesey et le 26 à Sark, ile voisine ou l'information doit parvenir avec 24 heures de retard. En Franche Comté on trouve encore trace du 27 novembre. Finalement une version fait état du « 18 du mois dernier »...en Normandie ! Bien sur, cette liste est loin d'être exhaustive.
Tout ceci pour dire que toute tentative de trouver l'origine d'un événement réel est vouée à l'échec. La vraisemblance du combat ne fait pourtant pas de doute tant les occasions de se friter avec des armées anglaises n'ont pas manqué, depuis la guerre de cent ans jusqu'aux campagnes napoléoniennes. La version imprimée par Jérôme Bujeaud (4) situait l'action à Bruges ce qui pourrait correspondre à la bataille de l'Ecluse (Sluis, en flamand) qui débuta les hostilités franco-anglaises du 14ème siècle par un désastre naval. Mais nous étions le 24 juin 1340, ce qui n'arrange pas nos affaires. Si quelqu'un a une idée sérieuse qu'il nous la donne.

Enfin, pour ajouter au coté romanesque, l'un des auteurs consultés trouve que cette blonde dont parle le mourant apporte comme un vague souvenir d'Iseut la blonde et de Tristan (5).

notes
1 – aux dernières nouvelles, Mme Gouesmat, à qui ont doit nombre de belles chansons, approche les 99 ans et continue à chanter dans sa maison de retraite.
2 – Peter Kennedy : Folksongs of Britain & Ireland – Oak publications 1975
3 – J'avais promis de laisser tomber les jeux de mots faciles et les contrepèteries douteuses, mais cette fois c'était vraiment trop tentant. Et puis les promesses n'engagent que ceux qui y croient ! (note du rédacteur)
4 – Jérôme Bujeaud : chants et chansons populaires des provinces de l'ouest T. 2 - 1895
5 – Puymaigre : chants populaires dans le pays messin - 1881

le vingt et un de mars

C’était le vingt-et-un de mars, le premier jour de mon départ (bis)
J’ai marché trois jours et trois nuits entières
Sans avoir pu jamais rien faire

Quartier-maître, oh, mon ami, y’a-t-il pas un malade ici (bis)
Il y a que notre capitaine
Qui est là-bas sur la dunette

Capitaine, oh, mon ami, n’auriez-vous pas regret de mourir (bis)
Tout le regret que j’ai au monde
C’est de mourir sans voir ma blonde

Capitaine, oh mon ami, faut-il vous la faire revenir (bis)
La faire venir de l’Angleterre
Par quatre officiers de la guerre

Mais quand il la voit venir, de pleurer ne peut se tenir (bis)
La voici donc la jolie fille
Celle que mon cœur désire
La voici donc la jolie blonde
Celle que mon cœur regrette au monde

J’engagerai bagues et ceinture, amant pour guérir ta blessure (bis)
Oh non, oh non, ma jolie blonde
Car ma blessure est trop profonde

Vous me verrez demain à midi, vous me verrez enseveli (bis)
Enseveli, porté en terre
Par quatre officiers de la guerre
Vous me verrez enseveli
Par quatre officiers d’la marine.

source : Antoinette Gouesmat, enregistrée le 3 octobre 1991 par Yves Maurice à St Lyphard (44)
Catalogues: La mort du colonnel - Coirault 01411 – Laforte II A-6
interprètes : Hervé Dréan, Rachel Goodwin, Annick Mousset, Françoise Bourse, Oona Hengoat, Nolwen Le Dissez, Jean-Louis Auneau

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