Pas sympa pour la « jolie ville de Brest », cette chanson ! On peut aisément comprendre que le trouffion qui vient d'y passer deux ans sous les drapeaux ait mieux à faire que de vanter les charmes d'une cité où il était contraint et forcé de rester. Mais son attitude est encore moins sympa pour la pauvre fille qu'il laisse là en mauvaise posture. D'autant plus surprenant que toutes les chansons de ce type se terminent d'ordinaire sur une promesse de retour.
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Paris, Lyon, Bordeaux, La Rochelle, Versailles, Saint-Etienne, Vannes, Privas, Montbrison...sont dans la liste des villes où cette chanson a été adaptée, sinon adoptée (1). Que regrettes-tu en partant ?, demande habituellement le texte de cette chanson. Si le garçon répond qu'il n'a aucun regret pour la ville elle même ni pour « les bourgeois qui sont dedans », c'est pour mieux nous tirer des larmes sur sa séparation d'avec une jeune fille qui justifie son fort désir de revenir.
La version que nous vous proposons reprend le même schéma, tout en dérapant vers une finale beaucoup moins romantique. Laissant son amoureuse dans la situation de devenir fille-mère, le garçon fait preuve d'une réelle absence de sentiments, si ce n'est l'indifférence. Maigre consolation, il prédit à l'enfant un avenir tout tracé vers une carrière militaire que lui-même ne semble guère apprécier.
De tous ces textes où le refrain est invariablement « Adieu la belle que j'aimais tant », celui-ci fait donc un peu tache par rapport au caractère sentimental qui prévaut dans cette chanson-type. Les promesse du galant y sont explicites :
Si je reviens un jour à XXX
Je l'aimerai tout comme avant
Je lui verserai du vin à boire
dans un beau verre de cristal blanc
Je lui dirai trinquons la belle
A la santé de nos vingt ans
On sait ce que valent parfois ces promesses. Mais il est aussi souvent question d'épousailles.
La chanson appartient vraisemblablement au répertoire des conscrits. Certains des refrains qui accompagnent cette histoire ne laissent aucun doute sur les raisons du départ :
Naviguant, ma brunette, ou encore
Le tambour bat, adieu je m'en vas
Au cas présent, il s'agit d'un soldat ou marin qui vient de finir son temps ; d'où une situation un peu différente. Quand la chanson est entonnée par un garçon qui part pour l'armée elle a évidemment un tout autre sens. Éloigné de sa belle pour un temps long ou incertain, il ne peut qu'envisager un retour dans l'allégresse.
Cette chanson est connue dans toutes les régions, avec bien des noms de villes, notre liste n'ayant aucun caractère limitatif. Elle a été publiée dès le milieu du 18è siècle et est citée dans des ouvrages de Vadé et Favart, avec le timbre : quand je partis de la Rochelle.
J-L. A.
notes
1 – mais, curieusement, pas Nantes, à notre connaissance. D'ailleurs comment pourrait-on ne pas regretter de quitter Nantes ; ceci dit sans aucun chauvinisme, bien entendu !!!
interprètes : Liliane Berthe, avec Jeannette Lebastard et Josiane Brétéché
source : collecte d'Hervé Dréan, à Herbignac (Loire-Atlantique)
catalogue P. Coirault : Que regrettes-tu en partant ? (6514 – conscription, départs)
C'est dans la jolie ville de Brest (bis)
Là où j'ai passé mes deux ans
Adieu la belle que j'aimais tant
Je n'y regrette pas la ville
Ni les amants qui sont dedans
Là j'y regrette une pauvre fille
Âgée de dix huit à vingt ans
J'y ai laissé qu'un souvenir
Qui lui durera neuf mois de temps
Mais au bout de trente six semaines
La a-t-eu un bel enfant
Il grandira d'un age en age
Il s'en ira-t- au régiment
Il battera les campagnes
Les campagnes de l'orient
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