Maréchal ! Nous voilà replongés dans le monde d'avant. Celui où la race chevaline ne servait pas qu'à promener les citadines en week-end. Mais la chanson développe un thème fort répandu du mari qui rentre à l'improviste et ne peut même pas profiter du flagrant délit, tant sa femme est experte à le manipuler. Ce type de chanson fait le pendant aux nombreuses chansons de maumariées. Elle est un sujet de moquerie pour le bonhomme dont on voit bien qu'il n'est pas le maître chez lui. Un défaut impardonnable dans l'ancienne société rurale.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Si on remonte assez loin dans l'étymologie, le maréchal est à l'origine le domestique chargé de s'occuper des chevaux ; les soigner, les ferrer. Par spécialisation, il est devenu une profession à part entière : le maréchal-ferrant, que les moins jeunes d'entre nous ont encore connu dans les campagnes avant que la généralisation du machinisme agricole lui porte un coup fatal.
Alors on se demande bien pourquoi celui ci s'arme d'une pelle et d'une pioche qui sont les instruments des travailleurs de la terre. Peut-être une double occupation, paysan et artisan ? Ou bien tout simplement le refrain se désolidarise du reste du texte. Ce ne serait pas la première fois qu'on rencontre ce phénomène. Ce refrain a le mérite de l'originalité. Dans la grande majorité des versions, les refrains se contentent d'onomatopées guillerettes sur le mode : Youp, youp traléri déra, ou Zim boum boum tra lala.
Cette chanson type est très répandue en toutes régions. Le plus souvent le « petit bonhomme » s'en va fagoter du bois. La plupart des textes l'appellent « Petit-Jean » quand la narration ne se fait pas à la première personne, comme ici. Voilà qui nous explique les titres retenus par Coirault et Laforte pour leurs catalogues. L'histoire est vieille comme le monde et met en scène le trio infernal : le mari, la femme, l'amant.
L'épilogue de la chanson pourrait se prêter à diverses interprétations. Dans bien des versions, l'intervention du chat est caractérisée par un vol de nourriture. Le mari est sensé trouver sur la table la soupe et du lard ; mais le marcou s'est déjà servi en emportant la viande. On peut imaginer que, par analogie, le chat personnifie l'amant qui lui a volé sa femme. Le terme « dangère » utilisé ici doit être pris dans le sens de « répugnance » (1). Il ne craint pas tant de se faire griffer par le chat s'il court après lui pour récupérer son déjeuner. En revanche, s'il se rebelle contre le minet qui partage son lit, il craint de se prendre des coups. Le jeune homme, selon les versions, est un « cousin », un voisin et plus souvent un curé, un gros moine ou un avocat. Dans tous les cas il craint de ne pas avoir le dessus.
Il existe aussi des versions où le mari est moqué par d'autres animaux, des escargots (lumas) qui lui montrent les cornes et des grenouilles qui le traitent de cornard. Il existe tant de variantes de ce thème et tant de fins possibles qu'on peut même en trouver où le mâle retrouve sa supériorité :
Le fessit su la bonn' femme,
Et sans pitié à tor de bras... (2)
Mais c'est une toute autre histoire.
En plus de Francine Lancelot, le
répertoire de Marie-Louise Tattevin a également été collecté par
Fernand Guériff. Trente cinq chansons, dont celle ci, apparaissent
dans le tome 1 du « Trésor des chansons populaires
folkloriques recueillies au pays de Guérande ». Les
différences sont minimes par rapport à l'enregistrement de 1974. Le
grand moine est devenu un jeune homme et les mouches sont recensées
au nombre de 500. Un couplet supplémentaire noté par Guériff
apparaît en italique dans le texte suivant.
Marie-Louise
Tattevin, née à Mesquer, était institutrice. Son répertoire lui
venait de son milieu familial de paysans-paludiers.
Notes
1 – d'après « N'en v'la t'i des rapiamus » - patois du pays nantais – Georges Vivant ed. Reflets du passé (1980)
2 - recueillie par Abel Soreau, en 1905 à La Bénate et à Haute Goulaine.
interprètes : Yannick Elain et Roland Guillou
Source : Marie-Louise et E. Tattevin enregistrées à Saint-Nazaire (Loire-Atlantique)
le 7 mai 1974 par Francine Lancelot
catalogue P. Coirault : Le mari qui revient du bois (Maris trompés - N° 05912)
catalogue C. Laforte : Jean, petit Jean (I, E–03)
Je me suis levé matin
Plus matin que matina (bis)
J’ai pris ma pelle et ma pioche
A mon travail je m’en vas
Je suis maréchal, mesdames
Je connais bien mon état
J’ai pris ma pelle et ma pioche
A mon travail je m’en vas (bis)
J’ai laissé ma femme au lit
Lève-toi quand tu voudras (bis)
Je suis maréchal, mesdames…
… Quand il s’ra dix heures sonnée, mon déjeûn' tu m’apport’ras…
… Il était dix heures passée, le déjeûner n’venait pas…
…J’ai pris ma pelle et ma pioche, à la maison, je m’en vas…
…J’ai trouvé ma femme au lit un jeune homme entre ses bras…
…Ta soupe est là sur la table, mange-la quand tu voudras…
…Il y avait des pattes de mouches et autant de poils de chat…
… J’ai pas trop dangère des mouches, mais j’ai grand dangère des chats…
… Car les mouches embrassent les filles, et les chats n' les embrassent pas...
… Car les mouches vont à la messe mais les chats ils n’y vont pas…
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