Profiterions nous de cette période de vacances pour relancer les chantiers de construction et la vente de maisons individuelles ? Notez bien que celle-ci doit être un sacré monument pour occuper quatre vingt maçons. Cependant, le propos de la chanson n'est pas de mettre en valeur les artisans du bâtiment. Elle illustre encore une fois les désaccords entre parents et enfants au sujet du mariage. Comme elle est très répandue nous allons lui consacrer deux versions, parmi tant d'autres. Voici la première :
pour écouter la chanson et lire la suite:
La négociation, si ce n'est le chantage, est habituel dans la tradition chantée. Ma fille renoncez à vos amours si vous voulez profiter de mes richesses. Comme l'explique Conrad Laforte (1) cette attitude s'explique parce que le père « est le pater familias, le maître, et la jeune fille vit dans son ombre jusqu'au mariage...la jeune fille a toujours dépendu financièrement de son père ». Il profite donc de cette situation pour choisir ou refuser un prétendant. Ce qui n'est, bien sur, que rarement du goût de l'intéressée. La maison peut aussi bien être assimilée à la dot, coutume qui a perturbé bien des relations amoureuses au profit de relations plus intéressées.
La jeune fille échappe ici aux arguments contraignants du genre enfermement dans un couvent ou une tour. Mais pour autant elle n'est pas décidée à se laisser faire. Le conflit de génération est particulièrement exacerbé. Le feu dans la maison ne serait-il pas une façon d'envoyer au diable le vieux père et ses principes.
Cette histoire de père qui fait bâtir maison est très répandue, et pas seulement dans nos environs. Elle se décline en deux thèmes différents. Dans le premier il est question d'un pâté de trois pigeons, ce qui nous éloigne un peu du propos de celle-ci qui tient essentiellement dans le refus d'un prétendant. Le déroulé de l'histoire est identique à toutes les versions que nous avons pu consulter. Cette semaine nous nous contenterons de celles entendues ou recueillies en Loire-Atlantique ou à proximité. Mais, c'est promis, il y aura une suite.
Si la chanson semble invariable dans son texte, c'est le refrain qui va nous occuper d'avantage. C'est le cas de tous les textes les plus répandu et adaptés aux circonstances (mélodies, danse, marche...) que d'offrir un panel de refrains très diversifiés. Il en est pourtant quelques uns qui reviennent plus souvent. Le joli vert tinton...est assez courant dans l'ouest. On trouve aussi parmi les plus entendus:
Ah ah ah petit bonnet grand bonnet tout rond
qui devient parfois :
Ma jolie ma jolie veste veste mon joli, mon joli gilet rond
Et au hasard des découvertes :
- Vigneron dondaine vigneron dondon
- Mon peloton dévide, dévide va donc
- Sur le verduron dondaine, Sur le verduron dondon
– Viens tu Marion diguedaine diguedon
– Trimousez vous belle, trimoussez vous donc (également noté à Pornic)
- Je me roule, je me roule en filant ma quenouille
-
J'entends le moulin, tiquetiquetaque, J'entends le moulin taqueter
–
Haut le piquet la vache à Biron
– La vache à Biron
madondaine, ma dondon
- Je suis entre deux ânes, d'une main je tiens l’ânon, et l'autre main l'âne
indique une utilisation pour une ronde ou danse-jeu, tandis que :
Vive la jeunesse, vive les gars de Campbon,
Ils sont toujours les maîtres...
est associé à un chant de marche de conscrits
- Je regrette nom de
nom mes vingt ans qui s'en vont
Je regrette nom de d'la mon biau
temps qui s'en va
bien connu dans le pays de Loudéac
- je remue ma voisine / je remuerons nos cotillons
- Tant que les gueux dansent / les guenilles vont au vent
...pour n'en citer que quelques uns.
Cette chanson est souvent associée à des refrains énumératifs. Par exemple celui recueilli aussi dans le Pays de Retz, au Pellerin, par J. Couffon de Kerdellec'h (2) :
Bon bon vigneron
Des
concombres et des melons, des châtaignes et des marrons,
Des saucisses et des
boudins, des anguilles et des marguins (3)
Des gentilles
guernoiselles et du bon vin d'l'Anjou,
Des boudins et du bon vin d'l'Anjou
Mais, dans le genre, la palme revient à celui noté à Baulon (35) par Esquieu (4)
Sur le vertibi, sur le barbari,
Sur le culorum, sur le salorum,
Beneficarum duton dutin
La belle à Pontavi
Les amourettes en Argenton
Lirlaliron, flonflon lariflon
Des châtaignes, des biscuits,
Des macarons
Tintin, du boudin,
J’aime le goût du vin
Quatre andouilles et mille andouillettes
Cinq andouilles, un demi cent d’oignons.
Ouf ! La semaine prochaine (ou la suivante) une autre version de cette chanson nous rapprochera du répertoire maritime. A suivre...
notes
1 – survivances médiévales dans la chanson folklorique – C. Laforte - presses de l'Université de Laval (1981)
2 – 30 vieilles chansons du Pays de Retz – Jeanne de Couffon de Kerdellec'h – Heugel, Paris 1920
3 - petites anguilles – cf. le vieux langage du Pays de Retz – Eloi Guitteny
4 – chansons populaires recueillies en Ille et Vilaine – Louis Esquieu – Brest 1907
interprètes : Jade Daslstein-Jidkoff avec Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard, Jeannette Lebastard, Isabelle Montoir, Armelle Petit,
source : 80 chansons du Pays de Retz – recueil du violoneux Poiraud à Pornic (44) compilé par Michel Gautier – 72
catalogue P. Coirault : Mon père a fait bâtir maison II / N'épousez jamais garçon (106 - lyriques)
catalogue C. Laforte : I, N-12 Mon père a fait bâtir maison sur le bout d'un pont
Mon père a fait bâtir maison ) bis
Sur le vert joli vert, vert )
Par quatre vingt jolis maçons
Sur le vert tintaine, sur le vert tinton
Sur le vert joli vert, vert ) bis
Sur le joli tinton vert, vert, vert )
Par quatre vingt jolis maçons
Sur le vert joli vert, vert
Le roi passa aux environs
Sur le vert tintaine, sur le vert tinton
Sur le vert joli vert, vert
Sur le joli tinton vert, vert, vert
Demande à qui cette maison ?
Elle est à ma fille Jeanneton
Ma fille promettez moi donc
Que jamais vous n'aim'rez garçon
J'estimerais mieux que la maison
Serait en cendres ou en charbon
Et vous mon père sur le pignon
A vous échauffer les talons
La barbe ainsi que le menton
Que d'renoncer à mon mignon
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