Nous vous avions laissés ébahis et perplexes devant la quantité de refrains différents accompagnant la chanson où une jeune fille voue son père et sa maison au feu si elle ne peut épouser l'élu de son cœur. Nous n'en avons pas fini avec cette histoire. Le second exemple que nous avons choisi abandonne le feu pour l'eau. Le fond de l'affaire reste le même et elle aboutit à la même conclusion : rien ne peut arrêter une amoureuse bien décidée.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Est-ce la proximité de l'océan qui influe sur le contenu de la chanson ? Ce serait sans doute présomptueux de l'affirmer. Il n'empêche que toutes les versions existantes de ce « chant des rameurs » ont été notées sur la façade maritime, du Morbihan aux Charentes. N'en concluons pas non plus trop vite qu'il s'agit d'un chant de travail, même si son rythme, et une cadence adaptée, pourraient fort bien aider à la manœuvre.
Pour vous rafraîchir la mémoire, reportez vous à notre précédente publication. La jeune fille en colère contre son géniteur les voyait déjà, lui et son cadeau empoisonné de maison, se réduire en cendres. Cette fois elle étend son ressentiment aux quatre vingt maçons, appelés à être submergés avec la maison et le paternel. Ici le texte présente la curiosité de les faire manger comme du jambon par le père transformé en poisson carnivore. Le plus souvent c'est le père qui est destiné à nourrir les petits poissons. On donne même parfois la recette :
C'est
pour nourrir les petits poissons
Quand ils seront grands nous les
mangerons
A la sauce blanche au court bouillon
L'eau et le feu ne sont que deux aspects du châtiment réservé par une amoureuse déçue à un père trop rigide. L'amour doit rester le plus fort ; les deux derniers vers sont, là dessus, sans équivoque.
Toujours dans notre précédente publication (n° 425) nous avions détaillé une partie des refrains accompagnant ce thème. Nous vous avions promis une suite et nous tenons parole.
En restant dans le domaine alimentaire, c'est dans le recueil de Jérôme Bujeaud (1) qu'on trouve :
Mon cœur est au court bouillon, vos beaux yeux l'ont fait cuire
une façon de parler d'amour qui plaira aux cuisinières. Outre-Atlantique un refrain noté dès le 19è siècle, a été popularisé par plusieurs chansonniers québécois :
Le
beau temps s'en va, le mauvais revient
Je n'ai pas de barbe au
menton mais il m'en vient
Nous avions donné quelques exemples de refrains à caractère énumératif. En voici un autre, dans le genre virelangue, qui ne laissera pas indifférent les amateurs d'exploits vocaux (2)
Jacques
Métrique me ron dondon :
Toqueye, bobeye, fosseye, Trebaye
,
Carotte, brocotte, Petenaille, jollaille,
Collin, Mertin,
brochons les navets
Jacques Métrique me ron don daine,
Jacques Métrique me ron don don
Et pour finir une liste qui pourrait être bien plus longue, voici une preuve que la chanson n'échappe pas au répertoire grivois :
Goudrille,
nousille, chapeau rabattu
Ta bouche, ta langue, ton nez dans mon
cul
repéré par François Simon (3) dans les Mauges.
Nous n'avons pas la prétention d'avoir fait le tour de la question. D'autant que, comme nous l'avons indiqué précédemment, d'autres versions du père qui a fait bâtir maison font allusion à un pâté de trois pigeons, d'une manière bien plus énigmatique. Ce sera pour une autre fois.
notes
1 – Chants et chansons populaires des provinces de l'ouest : Poitou, Saintonge, Aunis et Angoumois – J. Bujeaud 1895
2 – extrait de : chansons populaires recueillies dans le pays Messin – Th. Puymaigre – Paris 1865
3 – Chansons populaires de l'Anjou – François Simon – Angers 1929
interprètes : Jeannette Lebastard,avec Jade Daslstein-Jidkoff, Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard, Isabelle Montoir, Armelle Petit,
source : 80 chansons du Pays de Retz – recueil du violoneux Poiraud à Pornic (44) compilé par Michel Gautier – 26
catalogue P. Coirault : Mon père a fait bâtir maison II / N'épousez jamais garçon (106 - lyriques)
catalogue C. Laforte : I, N-12 Mon père a fait bâtir maison sur le bout d'un pont
Mon père a fait bâtir maison ) bis
Tire va donc sur les avirons )
Par quatre vingt jolis maçons
Tire tire, marinier tire ) bis
Tire va donc sur les avirons )
Par quatre vingt jolis maçons
Mon père à qui cette maison ?
A vous ma fille Jeanneton
Mais c'est à la condition
Que vous n'aim'rez point les garçons
J'aim'rais mieux que tous les maçons
Seraient dans la mer jusqu'au fond
Et vous mon père le gros poisson
Qui les mang'rait pour du jambon
Alors les filles et les garçons
S'aimeraient sans opposition
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