En vieux français le « guimberlet » est un instrument viticole, une sorte de foret pour mettre les tonneaux en perce. Son usage dans la chanson n'a pourtant pas d'intérêt œnologique, malgré la proposition de boire du vin clairet. Son emploi est purement métaphorique. L'image de la clef de barrique est suffisamment explicite pour bâtir une histoire qui allie les plaisirs de la boisson avec ceux du sexe.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
De guimberlet en guiberlet, en passant par les martinet, pistolet, joberlet...la métaphore viticole permet d'associer encore une fois l'amour et la boisson. Les dénominations peuvent bien changer, l'esprit persiste. Dans nos contrées productrices de vins ou de cidre, l'habitude dispense de trop se poser de questions sur le sens de cette anecdote.
La chanson, et son refrain, est en effet bien connue dans tout l'ouest : Haute-Bretagne, Anjou, Poitou...Avec cette particularité de s'adapter aux situations locales puisque le retour de la foire nous vaut pratiquement une destination différente pour chaque interprète. C'est d'ailleurs l'avantage de ce type de chansons que d'être aisément transposable aux lieux fréquentés par l'interprète. Il suffit de changer le nom du village ; peu importe qu'il s'y tienne ou non une foire. Dans notre exemple, la foire en question pourrait être celle de Saint André des Eaux, proche de Saint Joachim, lieu de la collecte. Les versions les plus anciennes que nous ayons pu consulter sont celles publiées par Ballard (1) en 1724. Que le joyeux luron vienne de Charonne ou de la Villette, il s'arrête à Bagnolet. Les thèmes en sont très proches bien qu'il n'y soit pas question de guimberlet. Toutes les versions plus récentes ont pourtant conservé cette assonance. Ce qui situe l'action dans des endroits comme La Dorée (53) Piermé (Ploermel – 56) Gouray (22), etc. En Poitou c'est encore plus évident quand on revient « de Bayonne en Bayonnais » qui paraît être une adaptation de « Bagnolet ». Même quand on vient de « Chailloune en Chaillounais » (2). Est ce à dire que l'origine du texte est à rechercher dans la capitale ?
Le refrain qui accompagne l'histoire est le plus fréquent dans toute la Haute-Bretagne. Il renforce le caractère grivois. Cependant on trouve aussi ce thème associé à d'autres refrains, comme
Vous qui connaissez l'horloge
Savez vous quelle heure il est
La fin de la chanson présente des similitudes avec d'autres thèmes grivois. Voyez par exemple l'histoire du mal de dents (chanson n° 383 – septembre 2021). Non seulement la jeune fille remercie du plaisir qu'elle a eu, mais invite le garçon à s'intéresser à d'autres membres de la famille, sœur, cousine, servante. Un collectage du sud de la Mayenne (3) y ajoute même :
Et ma grand' tante qu'a 90 ans
On ne recule devant aucun sacrifice !
Quand à ce vin clairet qui sert de prétexte aux ébats des deux protagonistes, il semble associé, pour les auteurs du 17ème et d'avant, à l'esprit de paillardise. Rappelons nous les paroles de ce tourdion :
Quand je bois du vin clairet
Tout tourne, tourne, tourne...
Ce qui n'empêche pas dans notre région d'entendre des versions du « guiberlet » où le chanteur a remplacé ce rouge léger par le muscadet. Quand on vous dit que cette chanson se prête aux adaptations !
notes
1 - Les rondes, chansons à danser ; suite des dix volumes d'Amusements, recueillis , mis en ordre par le sieur Ballard,...Paris 1724 – tome 1 pages 24 et 206
2 - Marc Leclerc - Sur l'air angevin, (1947) page 91, version recueillie au Longeron (49)
3 – chansons traditionnelles recueillies dans la Mayenne par l'association Recherche et Sauvegarde des Coutumes mayennaises (1983) page 104
interprète : Martine Lehuédé
source : Félix Aoustin, de Saint-Joachim (Loire-Atlantique), enregistré le 25 et le 28 septembre 1982 par Raphaël Garcia – complétée par les paroles d'autres interprètes.
catalogue P. Coirault : La barrique percée à l’endroit qu’il fallait (Grivoises - N° 11819)
catalogue C. Laforte : I, O-20, la vieille qui vendait du vin clairet
Le guiberlet
M’en revenant de la foire
De la foire de Saint-André
J’ai rencontré une bergère
Qui vendait du vin clairet, ohé
Je lui retipe, tipe, tape
Je lui retape son bonnet
J’ai rencontré une bergère
Qui vendait du vin clairet
Dans une petite barrique
Qui n‘avait pas de fausset
Je lui retipe, tipe, tape…
Je fouillis dans ma pochette,
j’attiris mon guiberlet
Elle disait va l' mise en perce
Dans l’bon endroit qu’il fallait.
Elle me dit merci monsieur
Du grand plaisir que vous m'avez fait
Si vous passez par notre village
N'oubliez pas votre guiberlet
Notre servante est en prière
En prière pour le guiberlet
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