Vous connaissez notre goût pour les complaintes criminelles. Un goût partagé par nombre d'entre vous. Alors nous vous en proposons à nouveau une, et non des moindres. Mis à part la complainte de Jules Grand, que nous avons eu le plaisir de vous détailler l'été dernier, peu d'événements ont donné lieu à la publication d'autant de complaintes. Certes, les affaires Dupont de Ligonnès ou Troadec ont fait couler beaucoup d'encre. Mais de nos jours ce sont les média qui s'emparent de ces faits divers avec plus ou moins de bonheur. Le temps des complaintes criminelles est révolu.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
S'il faut résumer en quelques mots cette tragique affaire, il est bien difficile de le faire d'une manière tout à fait objective. Plus d'un siècle après, le souvenir de cette tuerie est encore présent dans la commune et dans certaines familles. Pourtant quelques explications sont nécessaires car la chanson aborde le sujet sous un aspect commun à toutes ces complaintes : crime et châtiment. Pour vendre des feuilles volantes, les auteurs n'ont jamais hésité à forcer sur le morbide et à flatter l'indignation du public.
Le jeune adolescent de quinze ans, nommé dans la chanson, travaillait pour une famille de viticulteurs au village du Bas-Briacé, sur la commune du Landreau, en Loire-Atlantique (1). Probablement vexé de se faire rabrouer à l'issue d'une longue journée de travail, il lui prend un coup de folie qui l'amène a tuer son patron à coup de serpe. Voulant sans doute supprimer tous les témoins du drame, il exécute successivement toute la famille et une autre domestique. Trois enfants sont massacrés, seul le petit dernier de quatre ans, qui dormait à l'écart, échappe à la tuerie. L'assassin est retrouvé le lendemain dans un pavillon abandonné proche du domicile de ses parents, à 500 mètres du lieu du crime.
Cette affaire a donc bouleversé toute la région. La jeunesse du criminel, l'aspect familial du crime, le sort réservé aux enfants...ont provoqué une émotion considérable. Plusieurs chansons ont été composées, utilisant les timbres habituels. Trois d'entre-elles sur celui de la Paimpolaise, avec pour titres : « Le plus horrible crime qu'on ait jamais vu », « Chant dramatique sur le carnage de Bas-Briacé (Loire-Inférieure) », « Le plus affreux des crimes, assassinat de 7 personnes par un bandit de 15 ans, complainte d'actualité ». Une « Complainte en souvenir des victimes », égraine 18 couplets sur l'air de Fualdès, et encore trois autres paraissent sur des airs à la mode. Pour comparer toutes ces complaintes reportez vous au site Criminocorpus, que nous avons déjà eu l'occasion de recommander. Il recense toutes les complaintes criminelles. C'est une source incontournable aussi bien pour les amateurs de chansons que pour les personnes s'intéressant aux affaires judiciaires.
Toutes ces chansons, composées avant le jugement, prennent le parti de la plus grande sévérité à l'égard du criminel. Pourtant, eu égard à son jeune âge, celui ci échappe à la peine de mort pour une condamnation à vingt ans de colonie pénitentiaire, où il meurt quelques années plus tard.
Cette chanson a été enregistrée sur notre CD « Nantes en chansons » publié en 1998 (2). Elle y était chantée par Rachel Peigné, accompagnée par Pétrica Radu à l'accordéon.
Notes
1 – qui à l'époque se contentait d'être Loire-Inférieure
2 - ce disque n'est plus disponible à la vente. Consultable à Dastum 44 ou à la médiathèque de Nantes (entre autres)
interprète : Christine Dufourmantelle, accompagnée par Jean-Louis Auneau (concertina)
source : Composition de Francis Izenic, sur l'air de : Non tu ne sauras jamais (mus. Joseph Rico) - chanson éditée sur feuille volante, à Paris le 14 novembre 1913 – conservée à la BnF.
Le portrait illustrant cette chanson est tiré d'une des complaintes sur le sujet. Source : Gallica
C’est dans un hameau,
À 20 km de Nantes
Placé tout près du Landreau
Où régnait hélas l'épouvante
À Bas‐Briacé
Un enfant gamin misérable
A d'une façon effroyable
Tué, assassiné
Son infortuné patron
Est sa première victime
Alors se perd notre raison
À vouloir expliquer son crime
ivre désormais de sang
Dont la vue maint'nant l'excite
À présent il se précipite
Même sur des tout petits enfants
Son arme levée
Sur la malheureuse servante
Est à présent retombée
Un nouveau crime le hante
Il voit le regard
De sa maîtresse terrifiée
À son tour elle est égorgée
Mais lui les yeux hagards
Sur la pauvre grand'maman
Il continue le carnage
Va‐t‐il épargner les enfants
Dont il aperçoit l'doux visage
Elles dorment les petites sœurs
Rêvant à des anges comme elles
Une plainte un cri de gazelle
Que d'horreurs est dans notre cœur
Marcel Redureau
Tel est le nom du misérable
Mériterait l’échafaud
S’il est vraiment responsable
Assez d'assassins
Au non plus de ces tristes tombes
Assez d'horribles hécatombes
Faites par ces gamins
Il faut sévir à présent
Contre l'enfance criminelle
Car nous voyons bien trop souvent
Ces enfants à l'âme si cruelle
Qui pour oui pour un non
Tue sans pitié sans conscience
Armons‐nous pour notre défense
D’une nouvelle loi sans pardon
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