« Ah, le sot berger ! ». Voici encore une figure emblématique de cette catégorie de chansons qu'on répertorie sous le terme d'occasions manquées. Elles sont assez nombreuses et nous vous en avons déjà proposé.(1). Celle ci, recueillie dans le pays nantais, est bien connue et répandue dans des versions à la fois proches par le texte et la mélodie et adaptées à des danses en rond de différentes région. Un bel exemple de folklorisation d'un texte ancien.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
En ces temps où toute activité dansante est prohibée c'est donc encore une danse, une ronde, que nous vous proposons. Le refrain ne laisse aucun doute sur la raison d'être de cette chanson. D'origine ancienne, elle s'est répandue à peu près partout, avec de nombreuses versions dans tout l'ouest de la France, Bretagne et Normandie en particulier.
Sur l'ancienneté de la chanson nous laissons la parole à George Delarue, qui remarque le peu de variantes entre les textes et la grande parenté des mélodies. Ces mélodies s'apparentent toutes au timbre célèbre « dans notre village » (Théâtre de la Foire, tome II, air 101) qui vient lui même d'une chanson publiée en 1703 par Ballard dans ses Brunettes (tome 1, page 135).
Ne pouvant déterminer exactement l'origine de ce texte nous ne nous prononcerons pas sur l'authenticité des paroles du refrain qui, selon les versions, les régions , les époques... se répartissent en deux catégories. La première comme dans notre exemple :
Haut le pied, mes compagnes, qu'il fait bon danser !
Et aussi
Lève le pied, ma compagne, oh qu'il fait bon danser !
Ou encore
Allons! gai, mes compagnes, qu'il fait bon danser
Un second groupe utilise une autre formule :
Dans les prés, mes compagnes, qu'il fait bon danser
qui aujourd'hui en pays guérandais est devenue :
Dans les prés de la campagne qu'il fait bon danser
peut-être sous l'influence d'une version collectée par Roland Brou chez Constance Crusson (2).
Le terme « Haut le pied » évoque bien la danse et sa légèreté et non pas une partie de jambes en l'air que pourrait suggérer la conclusion de cette histoire. Qu'il s'agisse de manger l'anguille ou de plumer la caille, ces formules reviennent avec insistance dans toutes les chansons d'occasions manquées : quand on tient la fille, il faut l'embrasser !
Certes ce coté gaillard de la chanson ne vous aura pas échappé. Ce qui ne l'empêche pas d'avoir intégré le répertoire des enfantines, en oubliant parfois opportunément les couplets finaux !
Bien que nous ayons insisté sur le caractère dansant de cette chanson, il faut bien reconnaître que nous ne pouvons plus savoir à quelle danse particulière elle se rapportait. Sauf en de rares endroits, les danses en rond ont disparu en même temps que les pratiques sociales qu'elles accompagnaient. En pays nantais les danses qui ont pu être répertoriées sont celles qui survivaient au début du vingtième siècle : avant deux et autres parties de quadrilles, danses en couple...Par analogie à d'autres nous ne pouvons donc qu'imaginer une ronde correspondant à la structure chantée. Probablement un déplacement latéral sur le couplet et un déplacement dans l'axe sur le refrain. Mais c'est ainsi : les danses ont disparu, les chansons sont restées. A nous d'en profiter.
notes
1 – dans cette catégorie entrent les chansons 43, 119, 192, 200, 300, 337 et 347
2 – Une chanteuse au grand répertoire à qui nous devons un certain nombre de chansons présentes sur de blog (voir chansons n° 73, 128,136, 139, 140, 149, 155, 168, 185, 187, 254)
interprètes : Liliane Berthe
Source : « Cueillette Musicale au Pays de la Mée – Fernand Guériff » Chanté par Francis Savary, Le Cellier, 1943
catalogue P. Coirault : Ah ! Le sot berger (1901 – occasions manquées)
catalogue C. Laforte : I, K-9 – l'occasion manquée par le berger
Nous étions trois filles, trois filles à marier
Nous nous en allâmes dans un pré danser
Refrain :
Haut le pied, ma compagne
Qu’il fait bon danser !
Nous nous en allâmes dans un pré danser
Nous fîmes la rencontre d’un jeune berger
Nous fîmes la rencontre d’un jeune berger
Il prit la plus jeune, voulut l’embrasser
Il prit la plus jeune, voulut l’embrasser
Nous nous mîmes toutes pour l’en empêcher
Nous nous mîmes toutes pour l’en empêcher
Le berger timide la laissa aller
Le berger timide la laissa aller
Nous nous écriâmes : Oh ! Le sot berger !
Nous nous écriâmes : Oh ! Le sot berger !
Quand ont tient l’anguille, il faut la manger.
Quand on tient l’anguille, il faut la manger
Quand on tient la fille, il faut l’embrasser.
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