Pour écouter la chanson et lire la
suite:
Les 3 épisodes correspondent à trois
parties de la complainte. D'abord ses faits et gestes dans le sud de
la France; puis son périple à travers l'ouest; enfin ses derniers
forfaits en pays nantais et son arrestation.
Un peu d'histoire: Jules Grand avait 26
ans quand a été écrite la complainte. Né en 1885 à Port-de-Bouc
(Bouches-du-Rhône), c'est comme soldat déserteur qu'on le situe à
Grasse, où ses parents sont commerçants. Le premier couplet passe
rapidement sur son enfance dont, à vrai dire, on ne sait pas grand
chose. On le dépeint déjà comme une brute cherchant querelle.
“Scélérat” est le terme qui revient le plus souvent dans le
texte. L'énumération de ses méfaits nous donne, en effet, le
portrait d'un individu peu recommandable.
Déjà condamné à 17 ans à la prison
avec sursis pour des blessures par arme à feu, il est incorporé
dans un régiment de chasseurs alpins. Deux ans plus tard il est
surpris à cambrioler la cantine du régiment. En s'enfuyant, il tue
le caporal Ferminier, d’un coup de fusil. Traduit devant le conseil
de guerre, il simule la folie, et s’échappe de l’hôpital
militaire. S’arrêtant dans un café de Peymeinade pour voler la
caisse, il poignarde une employée, Valentine Giraud. Sa cavale se
poursuit dans le sud de la France: Marseille, Martigues, Bordeaux. En
mai 1909, pour ces crimes d’assassinat, tentative d’assassinat et
vol, le conseil de guerre le condamne, par contumace, à la peine de
mort. C'est la première de trois condamnations ! Mais Jules Grand
est toujours en fuite. Dans les prochains épisodes nous le
retrouverons dans l'Ouest.
Le timbre sur lequel elle se chante est
l'un des plus utilisés pour ce type de complainte: “le juif
errant”. Pas autant qu'ont pu l'être l'air de Fualdès au 19è ou
la Paimpolaise depuis sa création par Botrel. Mais avec une
constance qui s'explique sans doute par la popularité de la chanson
originelle. Non seulement l'air du juif errant a servi de base à des
complaintes criminelles, mais il a aussi influencé les mélodies de
plusieurs autres chansons traditionnelles.
La chanson que nous avons choisi
d'interpréter n'est pas la seule composée sur ce fait divers. Elle
est la plus complète, donnant à peu près fidèlement un aperçu
des tribulations du criminel depuis son premier forfait jusqu'à ses
derniers jours. Pour découvrir les autres chansons sur ce thème, il
faut, bien sur, rechercher la base de données des complaintes
criminelles sur Criminocorpus, un site remarquable que nous vous
encourageons à consulter. Voici la liste des complaintes recensées
par “Maxou” Heintzen:
- Complainte en souvenir des victimes:
sur l'air de Béranger à l'académie (4 couplets)
- Ce que disent les victimes :
également sur l'air du juif errant (13 couplets et une morale)
- une Complainte, sur l'air de Fualdès,
signée Daran (8 couplets)
- La condamnation à mort du bandit
Jules Grand
- Le satyre du Pouliguen : complainte
collectée par Guy Belliot chez Marie-Edith Rialland qui la tenait de
sa grand-mère Marie Loyer
- Chant dramatique sur la troisième
condamnation à mort de Jules Grand : sur l'air de Ça vous coupe la
gueule à quinze pas (7 couplets)
- Chanson sur Jules Grand : sur l'air
des Les Pioupious d'Auvergne (4 couplets et 2 refrains)
Comme on le voit, l'affaire Jules Grand
a eu un tel retentissement que ce sont 8 complaintes, au moins, qui
ont été écrites sur le sujet. Peu de criminels ont eu droit à une
telle notoriété chantée.
Notre interprétation se réfère a
plusieurs sources, dont certaines collectées en Brière; nous
verrons pourquoi la semaine prochaine. Le texte le plus complet nous
a été communiqué par Vincent Morel, dans son étude sur Le
phénomène de la complainte criminelle locale en Haute-Bretagne,
(maîtrise d'histoire inédite, Rennes, 1995).
Les illustrations et portraits de Jules
Grand sont extraits de journaux d'époque disponibles sur Gallica, le
site de la BnF.
interprète: Jean-Louis Auneau
sources: Gisèle Bourreau
enregistrée le 21 mars 2003 à Oudon par Hugo Arribart - Lucie
Rastel enregistrée le 29 mai 1981 par Raphael Garcia à Kerbourg en
St Lyphard – Texte communiqué par Vincent Morel d'après M.
Piquet, enregistré à la Meilleraye de Bretagne par Patrick Bardoul
– autre collecte: François Baholet, enregistré en Brière par
Joseph Gervot
les douze premiers couplets...
Jules Grand dans sa jeunesse
N'était qu'un polisson
Brutalisant sans cesse
D'autres jeunes garçons
Il était tapageur
Brutal et querelleur
Jules Grand étant à Grasse
Dans les chasseurs alpins
Il y marqua ses traces
Par de nombreux larcins
Une nuit il fut surpris
Par le sergent de nuit
Chez une cantinière
Un courageux sapeur
Voulut, sans plus de manières
Arrêter le malfaiteur
Jules Grand, le scélérat
Fit feu sur le soldat
Il fit une blessure grave
Au courageux sergent
Féminier, autre brave
Fut blessé mortellement
Pour ces crimes sanglants
On emprisonna Grand
Grand, conduit à Marseille
Pour y être jugé
Par devant le conseil
De guerre sans tarder
Mais Grand en vint à bout
Qu'on le soupçonne fou
Trompant la surveillance
De ses gardiens la nuit
De ses gardiens la nuit
Grand part sans prévenance
Par la rue de Lodi
Ses traces furent perdues
On ne le revit plus
Mais le conseil de guerre
Condamna Grand à mort
Condamna Grand à mort
Depuis l'année dernière
On n'trouva pas d'abord
On n'trouva pas d'abord
Les traces du brigand
On réclame Jules Grand
Jules Grand eut une maîtresse
Plus tard, le scélérat
Un enfant il lui laisse
Un jour de sur les bras
Car un gosse à nourrir
Vaut mieux le laisser mourir
Tout près de Peymeinade
Dans le café Cauvin
Il marqua sa passade
Il demanda du vin
On lui sert à manger
Comme à tout étranger
Il finit sa chopine
Et puis le scélérat
Sur la bonne Valentine
Sans raisons il frappa
La blessant sans égard
A grands coups de poignard
Quittant cette contrée
Grand, précipitamment
Il vola le livret
De gens biens innocents
A Gabriel Demay
L'un même appartenait
Du coté de l'Espagne
Aussi du Bordelais
Jules Grand dans les campagnes
Commit quelques méfaits
Il y sema partout
Des traces de mauvais coups
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