Avec
un titre pareil on pourrait croire à une nouvelle supplique d'une
jeune fille pressée de se marier. Pourtant, dès le troisième
couplet, il parait évident que la belle va se passer de
l'autorisation des parents pour s'offrir un avant goût de nuit de
noces. Hélas ses espoirs seront déçus par la faute d'un galant qui
tombe de sommeil. D'après certains informateurs, cette chanson
moqueuse aurait eu un certain succès dans les repas de noces, à un
moment ou la morale officielle s'estompe dans les plaisirs de la fête
et les vapeurs de l'alcool !
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Pratiquement
toutes les collectes de cette chanson présentent des constantes. Ce
sont d'abord des mélodies très proches, issues d'un timbre ancien,
ainsi que des refrains qui utilisent les tideli lala ou
traderi ou lideri...C'est surtout un dernier couplet
auquel on ne peut échapper, comparant la jeune fille amoureuse à la
caille qu'il faut plumer. Intéressante métaphore cynégétique qui
n'est pas particulière à cette seule chanson, mais est ici
incontournable.
En
dehors de ces caractéristiques, ce qui est remarquable dans la
version que nous vous présentons ce n'est pas tant ce qui est chanté
que ce qui est omis. Expliquons nous.
Que manque-t-il donc dans
notre chanson ? Ne se serait-il rien passé entre le coucher du
galant et son réveil ? Certes, au grand regret de la jeune
fille il ne s'est rien passé d'intéressant. Mais est ce parce
qu'on n'a rien à dire qu'il faut éviter de le chanter ? Il
manque au moins deux couplets pour avoir un compte-rendu complet et
éviter ainsi de laisser trop de part à l'imagination. D'autres
versions de la chanson (1) nous aident à combler ce vide. On
pourrait résumer pudiquement l'(in)action ainsi :
La nuit passit et le
jour vint
Sans qu'il lui parle rien
Sans qu'il lui parle rien
D'autres
sont plus explicites :
Quand ce fut devers
minuit, la belle s'y réveilla,
Elle passa la main
dessus, l'amant n'y a rien su !
Quand ce n'est pas encore
plus brutal de la part du garçon :
Belle laissez moi
dormir !
Evidemment,
au lendemain matin, le petit déjeuner se transforme en soupe à la
grimace. Les reproches fusent et les promesses du garçon n'y font
rien. Le vocabulaire utilisé est intéressant. Là où le plus
souvent la fille se contente d'un :
Tu n'a pas eu / tu
n'auras pas mes amours
C'est
d'une autre façon qu'est décrite la nuit passée :
Tu n’as pas eu le
pouvoir
Ce qui met carrément en
doute la virilité du garçon. Dans d'autres interprétations de
cette histoire, le galant exprime ainsi ses regrets :
Si j'ai pas bien fait
mon devoir je reviendrai ce soir
La notion de devoir, qui
n'a encore rien de conjugal, est habituellement traduite par la
formule :
Quand tu tenais la
fille au lit fallait la divertir
Dans
le genre occasion manquée il est évidemment difficile de faire
mieux (ou pire).
La
chanson a été collectée par Fernand Guériff en dehors de son
secteur habituel (2). Elle a été publiée en 1984, avec d'autres,
dans les cahiers de l'académie de Bretagne, regroupant des textes
d'auteurs différents sous le titre « Nantes et le Pays de la
Mée ». La contribution de Gueriff y est intitulée
« cueillette musicale au pays de la Mée ». Un titre
qu'il faut sans doute relativiser. Tout d'abord parce que la
« cueillette » d'une douzaine de chansons a plutôt été
réalisée sur les bords de la Loire, en pays Nantais où il était
réfugié pendant la guerre (1943), comme beaucoup de Nazairiens.
Ensuite, parce que cette chanson a été apprise de Mlle Jacobert,
habitante de Puceul, mais probablement d'origine nazairienne. En
effet, Mme Jacobert, de Prézégat en Saint-Nazaire
était la grand mère de Gaston Le Floch, autre collecteur dont
Gueriff a publié les chansons.
notes :
1 – qui nous viennent de
Loire-Atlantique, mais aussi du pays de Loudéac et de la Mayenne
2 - les collectes de
Fernand Gueriff ont été publiées en 5 tomes sous le titre « le
trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande ».
Cinq volumes disponibles à Dastum 44 (voir rubrique nos éditions)
Interprètes :
Liliane Berthe, avec Armelle Petit et Christine Dufourmantelle
Source :« Cueillette
Musicale au Pays de la Mée – Fernand Guériff » Mlle
Jacobert à Puceul – publiée dans Nantes et le Pays de la Mée –
cahier 1984 de l'Académie de Bretagne.
catalogue P. Coirault :
Le galant endormi ou je reviendrai demain soir (1910 –
occasions manquées)
catalogue C. Laforte :
II, C-16 – le galant endormi
Mariez-me
donc
Papa, maman, mariez-me
donc, Tideli Tidela Tidelalala
Papa, maman mariez-me donc
Voici la raison pourquoi :
Vous l’avez fait à
quatorze ans
Vous l’avez fait à
quatorze ans
Je voudrais bien en faire
autant,
« Mon bel amant
,venez donc m’y voir
Mon bel amant, venez donc
m’y voir
Quand papa ne sera pas
là »
Mon bel amant n’y a pas
manqué
Mon bel amant n’y a pas
manqué
Un beau soir après
souper.
Mon bel amant,
déshabillez-vous,
Mon bel amant
déshabillez-vous,
Et dans mon lit,
couchez-vous.
Mon bel amant s’est
déshabillé
Mon bel amant s’est
déshabillé
Et dans mon lit s’est
couché.
Mans quand ce fut le point
du jour,
Mais quand ce fut le point
du jour,
Mon amant me dit bonjour.
Je me moque bien de tes
bonjours
Je me moque bien de tes
bonjours
Tu n’as pas eu le
pouvoir
Et quand la caille était
au blé
Et quand la caille était
au blé
Fallait savoir la plumer.
Et quand la fille était
couchée
Det quand la fille était
couchée
Fallait savoir
l’embrasser.
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