La semaine dernière nous vous avons
livré une chanson “utilitaire”. Cette semaine attendez vous à
réceptionner une chanson “en kit”. Comment définir autrement un
assemblage de couplets semblant provenir chacun d'une autre source ?
Seul le refrain assure le lien entre ces quatre couplets qui ne
parviennent pas à raconter une histoire.
Et quel refrain ! Une serinette qu'on
ne saurait trop vous recommander d'éviter de chanter le soir si vous
ne voulez pas qu'elle vous reste en tête et vous réveiller avec le
lendemain matin. Une de ces rengaines dont on n'arrive plus à se
défaire.
Pour écouter la chanson et lire la
suite
A vrai dire, ce refrain est bien
régulièrement associé à l'un des couplets: le troisième. Les
collecteurs ont recueilli à plusieurs reprises en différents
endroits de notre secteur une version de “l'anguille dans la gerbe
de blé” avec ce refrain. Nous reviendrons prochainement sur cette
histoire qui met en scène la dispute entre une mère et sa fille à
propos d'une anguille. L'affaire allant même jusqu'au tribunal.
Le deuxième couplet présente des
similitudes avec la chanson du”gueux qui va son train”,
insouciant des problèmes matériels et des richesses accumulées par
d'autres (1). Mais le premier et le dernier couplet ont une toute
autre origine. On les retrouve épisodiquement dans une chanson
populaire où il est question de la Bretagne et d'un accessoire
vestimentaire de ses habitants: les chapeaux ronds. Cette rengaine
est à la fois du domaine de la chanson paillarde et de celui des
enfantines ! L'existence de nombreux couplets scatologiques a en
effet assuré son succès dans les cours de récréation. C'est
d'ailleurs ce qui définit le mieux cette chanson: une succession de
couplets sans lien les uns avec les autres qui peuvent être ajoutés
ou retranchés sans que l'ensemble y gagne du sens ou perde en
intérêt. Exactement comme celle que nous vous proposons
aujourd'hui.
Le premier couplet - celui qui parle du
coq et de la poule - n'est pas le plus courant. En voici une autre
version:
Sur l' clocher l' coq du village
A toujours la queue au vent,
J'en connais qui dans la ville
Voudraient bien en faire autant...
Le dernier couplet – celui du petit
frère – a, en revanche, une existence plus indépendante. Il a
parfois été entendu ainsi:
Si mon père couche avec ma mère
Ce n'est pas pour le plaisir
C'est pour me faire un p'tit frère
Car y'a la ferme à tenir
On en trouve trace dans les collectes
effectuées dans la partie est du secteur (Ancenis, Chateaubriant...)
comme note d'avant-deux ou d'autres danses. C'est à dire qu'il a
servi d'aide mémoire à des chanteurs ou musiciens, et ce sur
plusieurs airs différents. Ce fut le cas pour Antoinette Perrouin,
enregistrée par Pierre Guillard à Couffé, et aussi Thérèse
Delage (Ancenis) pour une gigouillette, ainsi que Serge Pasquier,
accordéoniste (Riaillé) pour le Horsey. Comme on le voit, il s'agit
de danses folkloriques plutôt récentes.
On serait donc en présence d'une forme
d'hybridation entre deux sources: “vivent les Bretons” et
“l'anguille dans la gerbe”, donnant au final une chansonnette à
caractère festif.
Pour compléter cette approche du
sujet, nous vous emmènerons donc prochainement à la pêche à
l'anguille, avec ou sans Marie-Margoton. En attendant, tous en chœur: “Ils ont des chapeaux ronds...” (2).
notes
1 – bien que la coupe soit différente
: F7M7 pour l'anguille dans la gerbe, F6M6 pour Le gueux qui va son
train (références: Coirault 6221 - Laforte II, O-92)
2 – on aura vraiment tout entendu sur
ce blog ! Nous avons évoqué pour la chanson précédente le
complexe de Bécassine. Cette fois on est en plein dedans.
interprète: Janick Péniguel,
avec Dominique et Janig Juteau, Jean-Louis Auneau, Christine
Dufourmantelle, Dominique Garino (guitare)
source: Hortense Gabé, de
Châteaubriant (Loire-Atlantique) enregistrée en août 1987 par
Patrick Bardoul
pas de référence dans les catalogues
de la chanson – voir: L'anguille dans la gerbe (Laforte :
L'anguille adjugée à la jeune - I, H-08 & Coirault : L'anguille
dans la gerbe - 11801)
refrain
Marie-Margoton tirelire / Prends garde
à ton tirelirelire
Marie-Margoton tirelon / Prends garde à
ton tirelirelon
Y'a un coq sur notre église qui a la
queue tournée au vent
S'il était avec nos poules, il
l'aurait en rabattant
Y'en a qui portent des bretelles pour
tenir leur pantalon
Moi je mets un bout de ficelle que
j'attache à mon caleçon
Ma fille qui est jeune et belle a de
l'amour tout ce qu'elle en veut
Moi qui ne suis qu'une pauvre vieille
je n'en ai que par charité
Si mon père couche avec ma mère ça
n'est point par agrément
C'est pour nous faire un petit frère
qui gardera les vaches au champs
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