vendredi 4 octobre 2019

312 - Marie Margoton


La semaine dernière nous vous avons livré une chanson “utilitaire”. Cette semaine attendez vous à réceptionner une chanson “en kit”. Comment définir autrement un assemblage de couplets semblant provenir chacun d'une autre source ? Seul le refrain assure le lien entre ces quatre couplets qui ne parviennent pas à raconter une histoire.
Et quel refrain ! Une serinette qu'on ne saurait trop vous recommander d'éviter de chanter le soir si vous ne voulez pas qu'elle vous reste en tête et vous réveiller avec le lendemain matin. Une de ces rengaines dont on n'arrive plus à se défaire.
Pour écouter la chanson et lire la suite


A vrai dire, ce refrain est bien régulièrement associé à l'un des couplets: le troisième. Les collecteurs ont recueilli à plusieurs reprises en différents endroits de notre secteur une version de “l'anguille dans la gerbe de blé” avec ce refrain. Nous reviendrons prochainement sur cette histoire qui met en scène la dispute entre une mère et sa fille à propos d'une anguille. L'affaire allant même jusqu'au tribunal.
Le deuxième couplet présente des similitudes avec la chanson du”gueux qui va son train”, insouciant des problèmes matériels et des richesses accumulées par d'autres (1). Mais le premier et le dernier couplet ont une toute autre origine. On les retrouve épisodiquement dans une chanson populaire où il est question de la Bretagne et d'un accessoire vestimentaire de ses habitants: les chapeaux ronds. Cette rengaine est à la fois du domaine de la chanson paillarde et de celui des enfantines ! L'existence de nombreux couplets scatologiques a en effet assuré son succès dans les cours de récréation. C'est d'ailleurs ce qui définit le mieux cette chanson: une succession de couplets sans lien les uns avec les autres qui peuvent être ajoutés ou retranchés sans que l'ensemble y gagne du sens ou perde en intérêt. Exactement comme celle que nous vous proposons aujourd'hui.
Le premier couplet - celui qui parle du coq et de la poule - n'est pas le plus courant. En voici une autre version:
Sur l' clocher l' coq du village
A toujours la queue au vent,
J'en connais qui dans la ville
Voudraient bien en faire autant...
Le dernier couplet – celui du petit frère – a, en revanche, une existence plus indépendante. Il a parfois été entendu ainsi:
Si mon père couche avec ma mère
Ce n'est pas pour le plaisir
C'est pour me faire un p'tit frère
Car y'a la ferme à tenir
On en trouve trace dans les collectes effectuées dans la partie est du secteur (Ancenis, Chateaubriant...) comme note d'avant-deux ou d'autres danses. C'est à dire qu'il a servi d'aide mémoire à des chanteurs ou musiciens, et ce sur plusieurs airs différents. Ce fut le cas pour Antoinette Perrouin, enregistrée par Pierre Guillard à Couffé, et aussi Thérèse Delage (Ancenis) pour une gigouillette, ainsi que Serge Pasquier, accordéoniste (Riaillé) pour le Horsey. Comme on le voit, il s'agit de danses folkloriques plutôt récentes.
On serait donc en présence d'une forme d'hybridation entre deux sources: “vivent les Bretons” et “l'anguille dans la gerbe”, donnant au final une chansonnette à caractère festif.
Pour compléter cette approche du sujet, nous vous emmènerons donc prochainement à la pêche à l'anguille, avec ou sans Marie-Margoton. En attendant, tous en chœur: “Ils ont des chapeaux ronds...” (2).

notes
1 – bien que la coupe soit différente : F7M7 pour l'anguille dans la gerbe, F6M6 pour Le gueux qui va son train (références: Coirault 6221 - Laforte II, O-92)
2 – on aura vraiment tout entendu sur ce blog ! Nous avons évoqué pour la chanson précédente le complexe de Bécassine. Cette fois on est en plein dedans.

interprète: Janick Péniguel, avec Dominique et Janig Juteau, Jean-Louis Auneau, Christine Dufourmantelle, Dominique Garino (guitare)
source: Hortense Gabé, de Châteaubriant (Loire-Atlantique) enregistrée en août 1987 par Patrick Bardoul
pas de référence dans les catalogues de la chanson – voir: L'anguille dans la gerbe (Laforte : L'anguille adjugée à la jeune - I, H-08 & Coirault : L'anguille dans la gerbe - 11801)

refrain
Marie-Margoton tirelire / Prends garde à ton tirelirelire
Marie-Margoton tirelon / Prends garde à ton tirelirelon

Y'a un coq sur notre église qui a la queue tournée au vent
S'il était avec nos poules, il l'aurait en rabattant

Y'en a qui portent des bretelles pour tenir leur pantalon
Moi je mets un bout de ficelle que j'attache à mon caleçon

Ma fille qui est jeune et belle a de l'amour tout ce qu'elle en veut
Moi qui ne suis qu'une pauvre vieille je n'en ai que par charité

Si mon père couche avec ma mère ça n'est point par agrément
C'est pour nous faire un petit frère qui gardera les vaches au champs


Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire