« Cré vains dieux, voila l'été, les vacanciers
vont arriver ». C'est les vacances, c'est la transhumance
(1)...et c'est le moment pour nous de glisser parmi les trésors de
la tradition populaire quelques petites - et parfois intéressantes -
compositions à la gloire des plages de notre littoral. C'est ainsi
que nous passons, depuis notre publication de la semaine dernière,
d'une chanson immémoriale et diffusée au loin, à une chansonnette
plaisante mais d'un intérêt purement local. La tradition orale est
loin d'être uniforme. C'est même ce qui fait tout son intérêt.
Elle parle de la vie des gens : leurs amours, leurs drames,
leurs aventures et aussi leurs loisirs !
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Si la mode des bains de mer est relativement récente,
les chansonniers se sont aussitôt emparés du phénomène pour
célébrer sur tous les tons les loisirs estivaux et les charmes de
nos stations balnéaires. Cette chanson est extraite de l'ouvrage de
Marcel Baudry « florilège du Pouliguen ». L'ancien maire
avait compilé tout ce qui mettait à l'honneur sa commune en
chansons. Cela va de la complainte traditionnelle aux chansons
d'auteurs, certains connus, d'autres moins. Cette petite plaisanterie
musicale est due à l'abbé Dérideau. Encore un ecclésiastique
versé dans le folklore qui vient allonger une liste déjà longue
que nous avons détaillée dans un précédent article (2). La
chanson narre une particularité de la vie locale due à l'influence
d'une variété particulière d'habitant : le parisien.
Dans les stations balnéaires dont la population est
parfois multipliée par dix en période estivale, les envahisseurs
saisonniers sont désignés sous des vocables divers :
vacanciers, estivants, touristes, voire « étrangers ».
Ils sont parfois simplement appelés « parisiens », même
si certains d'entre eux viennent de beaucoup moins loin. Il faut dire
que la création de la liaison ferroviaire Paris – La Baule – Le
Croisic a permis très tôt de favoriser le développement des
résidences secondaires. Cette population invasive et parfois imbue
de sa supériorité sur les locaux a souvent été affublée du
sobriquet de « parigots ».
Parisiens, têtes de chiens
Parigots, tête de veaux
comme le dit l'adage (3)
Boum ! Le canon dont il est question dans la
chanson n'a rien à voir avec les nombreux souvenirs extraits des
épaves de navires coulés en novembre 1759 lors de la bataille des
cardinaux et dont chaque port de la côte s'est servi comme
décoration. Il s'agit plus surement d'un de ces canons utilisés
pour donner le départ des régates. Sauf que son utilisation,
rappelée par la chanson, est ici bien plus utilitaire. Il remplit un
office d'habitude délégué aux cloches d'église : donner
l'heure. Mais il ne s'agit pas de n'importe quelle heure. Dans une
période où beaucoup vivaient à l'heure solaire, ou heure ancienne,
sans se soucier de l'heure officielle, le canon permit à la commune
et à ses parisiens vacanciers de se caler une fois par jour sur
l'heure de la capitale. Voici les explications données par M.
Baudry: “Pendant l'été, vers les années 30, un petit canon était
placé dans le square sur le port, à l'emplacement de l'actuel
calvaire (érigé en 1935). Tous les jours à midi, il annonçait
l'heure de la Tour Eiffel”. C'est le garde-champêtre qui était
chargé de le faire fonctionner.
En attendant la chanson de la semaine prochaine, ne vous
laissez pas abattre par la canicule. Prenez donc un petit canon.
Notes
1 – précision pour les plus jeunes d'entre vous :
Les vacanciers (Barrier / Lelou - 1968) Cette chanson de Ricet
barrier a fait un tube sur les antennes de radios qui n'étaient
encore que périphériques.
2 – voir nos commentaires de la chanson n° 291
« Alleluia »
3 - un groupe vocal spécialisé dans la chanson
traditionnelle a carrément revendiqué cette appartenance : Les têtes de chien
Interprètes :Isabelle Maillocheau et Annick
Mousset
Source : Florilège du Pouliguen, de Marcel
Baudry, (éd. Alizés 1999) page 74 - Chanson de l’abbé René
Dérideau; musique transcrite par Fernand Guériff
1
Oui, nous avons au Pouliguen
Un instrument qui marche bien
Tous les jours à midi précis
Il annonce l'heure de Paris
Vous voulez le voir ? Allez sur le port
Auprès du monument aux morts
Il est là, sapré nom de nom
Notre fameux canon
2
Vers le midi tous les baigneurs
Revenant du bain réparateur
Se rendent à table pour déjeuner
Ont l'habitude de se dérider
Boum !
Qu'est ce que c'est ça qui pète si fort ?
Un petit peu plus et j'étais mort !
Ne crains donc rien mon petit mignon
Ce n'est rien c'est le canon
3
Il est tout petit c't'instrument là
Mais dame, il pète, je ne vous dit que ça
Planté sur ses ergots puissants
Il vous lance ça tout drètement
Il ne regarde pas si monsieur le préfet
Est content ou pas de l'effet
Il dit : « mon cher ami peut-on
Ne pas tirer le canon ? »
4
C'est réellement intéressant
D'être relié en un instant
Avec la grande ville de Paris
Qu'est pourtant si loin de notre pays
Aussi dans mon immense bonheur
Je m'écrie ce soir de tout cœur
« Qh'il vive toujours nom de nom
Notre fameux canon »
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