Pour bien commencer l'année, il
faut s'y prendre au mois de janvier. C'est ce que proclame une de
vos chansons préférées de ce blog (1). Les plus appréciées ne
sont pas toujours les mélodies les plus élaborées. Celle ci, dont
le timbre ne vous est sans doute pas inconnu, devrait vous en
convaincre.
Les énumérations de jours ou de mois
servent de base à plusieurs chansons. La Perdriole est sans doute la
plus connue : « au premier mois de l'année que
donnerai-je à ma mie... ». Il n'existe cependant qu'un seul
exemple de texte détaillant les douze mois de l'année à raison
d'un couplet pour chacun. Nos archives sonores en présentent des
traces, souvent incomplètes. C'est donc une reconstitution que nous
vous proposons pour débuter cette nouvelle année.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Nous nous sommes mis en quatre pour
reconstituer cette chanson. D'abord en utilisant les collectes
réalisées par Pierre Guillard chez Mmes Madeleine Hardy, au Cellier
et Aurélie Renaud, à Nozay. Mais les textes fournis par ces deux
informatrices étaient incomplets, oubliant des phrases et des
couplets entiers, pas toujours pour les mêmes mois. Nous avons donc
reconstitué les manques en nous basant sur deux versions imprimées.
La première est celle publiée par Armand Guéraud dans l'ouvrage de
référence « chants populaires du comté nantais et du bas
Poitou ». Le texte recueilli par Arthur Rossat en Suisse
romande et publié en 1930, nous a permis de boucher quelques trous
et préciser certaines formulations.
Cette chanson est un véritable défi
pour la mémoire ce qui explique sans doute les oublis chez des
informatrices âgées. Pour l'anecdote notons que Mme Renaud, dont la
chanson est très fragmentaire, avait quand même retenu deux mois
entiers (avril et décembre) et qu'elle est la seule à nous donner
l'intégralité d'un texte cohérent pour le mois de décembre. Ce
couplet avait dû la marquer !
En écoutant la chanson, vous avez donc
reconnu l'air du roi Dagobert, sur lequel elle a été bâtie. Un
« air de cor de chasse », comme aiment à le souligner
certains musicologues qui affichent leur mépris pour la chanson
populaire. Ou bien encore, une « musique si simplette que pour
12 vers elle n'a besoin que de 4 notes et de 2 phrases »(2). Ce
timbre sous les titres de La fanfare, la Julie, le roi Dagobert a été
publié dans la clé du caveau (air 209 dans l'édition de
1811). Cette pratique d'utiliser des timbres simples pour des
chansons longues ou compliquées a au moins le mérite d'en faciliter
la diffusion. Car c'est la manière dont cette chanson s'est répandue
dans la tradition qui nous intéresse.
Les sources écrites ont joué, ici, un
rôle plus important qu'à l'habitude. Patrice Coirault (2) a relevé
deux sources principales. La plus récente est une feuille volante
illustrée, imprimée chez Pellerin à Epinal en 1890. La plus
ancienne est un cahier de colportage, venant de chez Gouriet,
imprimeur parisien qui exerçait à l'époque révolutionnaire. Ce
détail a son importance pour certains couplets comme nous allons le
voir.
En effet, si les couplets semblent
suivre la logique saisonnière des travaux des champs et de la
météorologie, il en est un qui dénote. Mars, dieu guerrier, nous
vaut un couplet aux accents patriotiques qui nous permet d'échapper
aux rigueurs du carême. Dans notre version, nous nous préparons à
la guerre. C'est ce qui ressort de l'image d'Epinal publiée fin 19è
siècle, donc en pleine période revancharde :
Chaque combattant / joint son
régiment / dessous ses drapeaux / se range à propos
qu'on retrouve dans les chansons
collectées dans nos contrées, alors que le texte de Gouriet,
pendant la révolution, insiste sur la fin de la guerre :
Tous les combattants / sont tous
très contents / de voir leurs drapeaux / qui sont au repos
Le reste du texte appelle moins de
commentaires. Seul le mois de février nous donne l'occasion de
rappeler qu'Argus (ou Argos) était un géant dans la mythologie
grecque. Surveillant en permanence grâce à ses cent yeux se
relayant par moitié, il serait à l'origine des yeux sur les plumes
de paon !
Balayer d'une seule traite une année
entière aurait été fastidieux. C'est pourquoi nous nous
contenterons aujourd'hui du premier semestre. Nous reviendrons une
prochaine fois avec les six mois suivants. Eh oui ! C'est la
première fois que nous publions un feuilleton.
Notes
1 – la chanson des pommes de terre
(n° 72 – septembre 2014) est aussi sur notre CD « plaisirs de
la table ».
2 – extrait de l'étude de Patrice
Coirault sur ce sujet, dans son ouvrage « la formation de nos
chansons folkloriques ».
Interprète : Jean-Louis
Auneau
Sources orales : 1 - Madeleine
Hardy – Le Cellier – enregistrée le 18/12/1988 par Pierre
Guillard -2 – Aurélie Renaud – Nozay - enregistrée le
3/07/1991 par Pierre Guillard
Sources écrites : Armand
Guéraud, « chants populaires du comté nantais et du bas
Poitou » édition critique de Joseph Le Floc'h (FAMDT éditions
– 1995) p. 444 – Arthur Rossat, « chansons populaires
recueillies dans la Suisse romande » tome 2 (Sté suisse des
traditions populaires - Lausanne 1930)
catalogue Coirault : 10015,
Janvier près d'un bon feu
catalogue Laforte : IV,
Ca-11, Les mois
Janvier
près d'un bon feu
Il
fait bon jouer quelque jeu
On
n'y voit que frimas
Que
neige glaçons et verglas.
Chacun
sous son toit
Chante
rit et boit
Buvant
de bon vin
Chassons
le chagrin
Et les tendres amantsRaniment leurs doux sentiments,
Et
l'objet de leurs vœux
Est
souvent sensible à leurs feux
Fait courir les masques au bal.
Par leurs déguisements
Philis va tromper son amant ;
Les ruses d'amour
S'emploient en ce jour,
Rendant superflus
Les yeux des Argus
Tout est en liberté,
Les masques furent inventés
Pour cacher nos défauts;
Ils furent inventés à propos.
Mars couvert de lauriers
Rappelle nos braves guerriers.
La générale bat,
Soldats, soyez prêts aux combats!
Chaque combattant
Suit son commandant,
Tous les généraux
Rangent leurs drapeaux;
A chaque rang qui part
On tir' le canon du départ,
Pour saluer les amis
Ceux qui soutiennent la patrie.
Ramène bergers et troupeaux ;
Tout renaît dans les champs,
Avec le retour du printemps!
Les rossignolets
Parmi ces bosquets
Chantent leurs chansons
Sur ces verts gazons;
Tout germe et refleurit
Chaque oiseau refait son nid
Filles, préparez-vous
A vous choisir des époux.
Mai nous produit des fleurs
Des plus ravissantes couleurs ;
Les bois sont enchantés,
Feuillages remplis de beautés ;
Tout charme, tout rit
Et tout reverdit,
Et mille doux fruits
Charment à plaisir.
Dedans ce riant cours
De fleurs revenues à l'amour,
Et dedans ce beau jour
La terre est fertile pour tous.
Juin,
apprêtez les foins
Il
faut y porter tous nos soins
Allons
jeune Isabeau
Il
faut promener le râteau
Courage,
faucheur
Donnez
au faneur
L'ouvrage
à foison
Coupez
le gazon
Le
généreux Pierrot
Va
prêter la main à Margot
Dans
ces aimables lieux
Il
fait bon passer deux à deux
à
suivre
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