Un peu de douceur dans ce monde de
brutes, voilà qui nous changera des chansons où l'on tue par amour
ou par intérêt. Un peu de poésie, pleine de rayons de soleil et de
senteurs de roses, voilà qui nous sortira de la grisaille hivernale.
Un peu d'amour sincère, voilà qui nous déconnectera des délires
médiatiques où tout est prétexte à la marchandisation.
Les belles endormies ont souvent droit
de cité dans ce blog. C'est la troisième depuis le début 2017 (1).
Le procédé est toujours le même : l'amant cueille une rose et
la met dans la main, ou sur le sein de la fille avant de s'en aller.
Mais cette fois il est plus délicat ; et la belle s'éveille à
temps !
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Les premières publications de ce texte
sont signalées au milieu du 18è siècle. Mais son origine est
probablement beaucoup plus ancienne. La chanson type présente une
coupe régulière avec cinq vers de sept pieds alternant assonances
féminine et masculine et finissant sur deux vers de cinq pieds. La
notre a subi quelques transformations : il manque un vers au
premier couplet et le dernier en compte un de plus. On peut mettre
cela sur le compte de la liberté d'interprétation car c'est bien ce
qui caractérise ce type de chants. La mémoire ou la perte lors de
transmissions y sont peut être aussi pour quelque chose.
L'ancienneté de la chanson et la personnalité des interprètes
interviennent également dans les déformations. Par exemple, si
notre informatrice locale a chanté
Et ce fut mon destin,
les autres textes que nous avons pu
consulter sont d'accord pour justifier un acte volontaire du
cueilleur de roses :
C'était bien mon dessein
Une version plus complète a été
recueillie et publiée par Louisette Radioyes dans le Morbihan, sur
les bords de l'Oust (2). Comme dans la plupart des autres versions
connues c'est l'amant qui dit :
J'ai mis mon bras gauche sous sa
tête
A lui servir d'oreiller
et l'embrasse sans la réveiller,
preuve de délicatesse ou bien d'un sommeil vraiment profond.
Cette version morbihanaise contient
aussi deux vers en forme de maxime :
Deux heures ne durent qu'une minute
lorsque deux amants s'aiment si
tendrement
Enfin, il manque à notre chanson un
dernier couplet, présent dans plusieurs autres, où les oiseaux, qui
ont toujours un mot à dire dès lors qu'il est question d'amour,
chantent dans leur langage :
que les amoureux
sont toujours bien heureux
Voilà qui nous change agréablement de
la morale habituelle plutôt négative (cf chanson n° 225).
Que cette belle chanson, très
estivale, vous accompagne tout au long des fêtes de fin d'année et
à l'année prochaine pour continuer à chanter le répertoire
traditionnel.
notes
1 – à réécouter : les
chansons n° 186 en février et 211 en août
2 – Traditions et chansons de
Haute-Bretagne, T.2 le répertoire de Saint-Congard et ses environs –
Louisette Radioyes – GCBPV (1997) page 97
interprète : Jeannette
Lebastard
source : Gisèle
Bourreau, enregistrée à Oudon le 21 mars 2003 par Bruno Nourry et
Hugo Aribart
catalogue P. Coirault : La
beauté sans pareille qui dort d’un profond sommeil (Endormies –
N° 1607)
catalogue C. Laforte : Le
bouquet de roses (2-D-27)
Nanon, ou M’y promenant à l’ombrage
M’y promenant à l’ombrage
Suivant l’ardeur du soleil
Suivant l’ardeur du soleil
J’aperçois, chose vermeille,
Nanon qui dormait
D’un profond sommeil
D’un profond sommeil
Pas à pas j’m’approchis d’elle,
La regardant sommeiller
Son bras gauche dessous sa tête
A lui servir d’oreiller
A lui servir d’oreiller
Et pendant qu’la belle sommeille,
Prends un doux baiser
Sans la réveiller
Sans la réveiller
Et pendant qu’la belle sommeille,
Je fis un tour au jardin
Je fis un tour au jardin
Cueillir trois boutons de rose
Que je lui mis dedans la main
Que je lui mis dedans la main
Mais la fraîcheur de la rose
L’éveilla soudain
L’éveilla soudain
Et ce fut mon destin
Quand la belle fut éveillée,
Grand dieu quel contentement
Grand dieu quel contentement
Grand dieu quelle heureuse journée
D’y voir ici ces amants
D’y voir ici ces amants
Ah, que l’amour est agréable
Lorsque les amants
S’aiment si tendrement.
Lorsque les amants
S’aiment si tendrement.
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