vendredi 22 décembre 2017

229 - M’y promenant à l’ombrage

Un peu de douceur dans ce monde de brutes, voilà qui nous changera des chansons où l'on tue par amour ou par intérêt. Un peu de poésie, pleine de rayons de soleil et de senteurs de roses, voilà qui nous sortira de la grisaille hivernale. Un peu d'amour sincère, voilà qui nous déconnectera des délires médiatiques où tout est prétexte à la marchandisation.
Les belles endormies ont souvent droit de cité dans ce blog. C'est la troisième depuis le début 2017 (1). Le procédé est toujours le même : l'amant cueille une rose et la met dans la main, ou sur le sein de la fille avant de s'en aller. Mais cette fois il est plus délicat ; et la belle s'éveille à temps !
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Les premières publications de ce texte sont signalées au milieu du 18è siècle. Mais son origine est probablement beaucoup plus ancienne. La chanson type présente une coupe régulière avec cinq vers de sept pieds alternant assonances féminine et masculine et finissant sur deux vers de cinq pieds. La notre a subi quelques transformations : il manque un vers au premier couplet et le dernier en compte un de plus. On peut mettre cela sur le compte de la liberté d'interprétation car c'est bien ce qui caractérise ce type de chants. La mémoire ou la perte lors de transmissions y sont peut être aussi pour quelque chose. L'ancienneté de la chanson et la personnalité des interprètes interviennent également dans les déformations. Par exemple, si notre informatrice locale a chanté
Et ce fut mon destin,
les autres textes que nous avons pu consulter sont d'accord pour justifier un acte volontaire du cueilleur de roses :
C'était bien mon dessein
Une version plus complète a été recueillie et publiée par Louisette Radioyes dans le Morbihan, sur les bords de l'Oust (2). Comme dans la plupart des autres versions connues c'est l'amant qui dit :
J'ai mis mon bras gauche sous sa tête
A lui servir d'oreiller
et l'embrasse sans la réveiller, preuve de délicatesse ou bien d'un sommeil vraiment profond.
Cette version morbihanaise contient aussi deux vers en forme de maxime :
Deux heures ne durent qu'une minute
lorsque deux amants s'aiment si tendrement
Enfin, il manque à notre chanson un dernier couplet, présent dans plusieurs autres, où les oiseaux, qui ont toujours un mot à dire dès lors qu'il est question d'amour, chantent dans leur langage :
que les amoureux
sont toujours bien heureux
Voilà qui nous change agréablement de la morale habituelle plutôt négative (cf chanson n° 225).
Que cette belle chanson, très estivale, vous accompagne tout au long des fêtes de fin d'année et à l'année prochaine pour continuer à chanter le répertoire traditionnel.

notes
1 – à réécouter : les chansons n° 186 en février et 211 en août
2 – Traditions et chansons de Haute-Bretagne, T.2 le répertoire de Saint-Congard et ses environs – Louisette Radioyes – GCBPV (1997) page 97

interprète : Jeannette Lebastard
source :  Gisèle Bourreau, enregistrée à Oudon le 21 mars 2003 par Bruno Nourry et Hugo Aribart
catalogue P. Coirault : La beauté sans pareille qui dort d’un profond sommeil (Endormies – N° 1607)
catalogue C. Laforte : Le bouquet de roses (2-D-27)

Nanon, ou M’y promenant à l’ombrage

M’y promenant à l’ombrage
Suivant l’ardeur du soleil
J’aperçois, chose vermeille,
Nanon qui dormait
D’un profond sommeil

Pas à pas j’m’approchis d’elle,
La regardant sommeiller
Son bras gauche dessous sa tête
A lui servir d’oreiller
Et pendant qu’la belle sommeille,
Prends un doux baiser
Sans la réveiller

Et pendant qu’la belle sommeille,
Je fis un tour au jardin
Cueillir trois boutons de rose
Que je lui mis dedans la main
Mais la fraîcheur de la rose
L’éveilla soudain
Et ce fut mon destin

Quand la belle fut éveillée,
Grand dieu quel contentement
Grand dieu quelle heureuse journée
D’y voir ici ces amants
Ah, que l’amour est agréable
Lorsque les amants
S’aiment si tendrement.


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