vendredi 6 mars 2015

95 – La fille du Pouliguen

Nous avons déjà chanté les filles du Pouliguen (1). Cette fois une seule d'entre elles a les honneurs de la chanson. Mais la fille peut être aussi bien originaire de Saint-Martin-de-Ré - comme dans cette autre version recueillie par Fernand Guériff en pays guérandais (2) - ou de la localité voisine de celle de l’interprète. Ce thème, très populaire également en Morbihan, a été décliné sous de multiples variantes.
La chanson met en scène une fille et deux garçons dont l'un s'écrie « grand Dieu, que je suis malheureux ». Cette expression de l'amant qui s'est fait doubler par un autre prétendant est présente dans toutes les versions, dont les autres détails peuvent varier.
L’histoire est cependant toujours la même et la mélodie similaire, en mode majeur ou mineur. C’est un exemple de chanson amoureuse où la fille prend l’initiative, ce qui n’est pas si rare dans la chanson de tradition orale, souvent étonnamment peu conventionnelle de ce point de vue, si l’on songe à l’ancienneté des compositions.
Le second acteur est ici un marinier. C'est le cas dans beaucoup d'autres versions, à l'exception d'un sabotier, d'un terrassier et d'un grenadier...
pour écouter la chanson et lire la suite  



Les principales variantes concernent donc la localisation et aussi le dénouement. La scène se passe dans diverses localités et jusqu'à Paris ainsi que Bordeaux (3) et dans d'autres endroits plus difficiles à situer (4)
Quand au dénouement, s'il fait place le plus souvent au chagrin et à la résignation, il entraîne parfois l'amant malheureux à l'expression d'un profond ressentiment.
La chanson notée dans les Alpes par Tiersot (à Sallanches pour être précis) se termine par ce couplet vindicatif :
« Viendra-t-un jour, j'en aurai ma vengeance :
Chaque officier suivra son régiment,
Et toi la belle tu n'auras point d'amant. »
Dans la version gaillarde sinon paillarde intitulée « A Gennevilliers », l'amant rejeté, à défaut de s'en prendre à la fille :
« J'ai bien envie de lui casser la gueule
Mais elle est femme, et je respecterai
Son sexe et c'est à l'homm' que j'm'en prendrai.»
c'est en duel sur le pré que l'affaire sera réglée :
« Sur le terrain, provoqua son rival,
Et dans le corps, son épée a passé,
Si bien passé qu'il en a trépassé. »

Notre version reproduit l'interprétation de Félix Aoustin, ancien ouvrier des chantiers navals de Saint-Nazaire, qui tenait une partie de son répertoire des marins et ouvriers qu’il côtoyait à Saint-Nazaire. Il fait partie des figures majeures des archives sonores disponibles à Dastum 44. L'original de cette chanson se trouve dans le double CD « Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique, que nous avons publié en 2012 (voir page éditions)

notes
1 – chanson n° 48 de ce blog, il y a tout juste un an
2 – Fernand Guériff, trésor des chansons populaires folkloriques du pays de Guérande, tome 1 page 178
3 – plusieurs fois cité. Y'aurait-il une raison ?
4 – Au pigeon blanc, dans une version des Mauges – auprès de mon cœur dans une version mayennaise, etc

source : Félix Aoustin, enregistré à Saint-Joachim, le 25 septembre 1982, par Raphaël Garcia
interprétation : Annick Mousset et Françoise Bourse (chant) Hervé Dréan (guitare)
catalogues : Coirault : L’ancien amant qui écoute à la porte (N° 03608)
Laforte : Elle a ravi le cœur d’un marinier (2-E-42)

La fille du Pouliguen

Au Pouliguen, il y a une jolie brune (bis)
Elle est si belle et parfaite en beauté
Qu’elle a charmé le cœur d’un marinier

Beau marinier, monte-moi dans ta chambre (bis)
S’il faut t’y rendre, je t’y monterai
Un anneau d’or, au doigt j’t’y passerai

Mais quand la belle fut montée dans la chambre (bis)
Ce ne fut rien que des embrassements
Entre la belle et son nouvel amant

Son autre amant qu’est à la porte qu’écoute (bis)
Levant les yeux et regardant les cieux
Disant : grand dieu, que je suis malheureux

Faudrait-il donc, pour l’amour d’une brune (bis)
L’avoir aimé depuis l’âge de quinze ans
Et à présent la voir changer d’amant

Je ferai faire un beau bouquet de roses (bis)
Tout alentour garni de jasmin
Que je verrai pour passer mon chagrin

Va-t’en, chagrin, va-t’en, mélancolie (bis)
Va-t’en, chagrin, ne reviens plus chez moi
Puisque ma mie m’a refusé la foi.


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