vendredi 16 janvier 2015

88 - Le Saint Boniface

Les chansons de marins célèbrent les exploits de la marine au long cours, des vaisseaux de guerre aux cap horniers. Les couplets consacrés au cabotage sont moins nombreux et ,hélas, souvent liés à des événements tragiques. Encore que notre chanson de la semaine traite la tragédie du Saint Boniface sous forme de dérision !
Malgré nos recherches, nous n'avons pu trouver trace de ce caboteur dont la réputation n'était guère meilleure que celle du navire école de la semaine passée. Rien ne permet d'ailleurs d'affirmer que le Saint Boniface ait réellement existé et que cette chanson ne soit pas une simple fiction. Nous lançons donc un appel aux marins chevronnés pour nous aider à retrouver des informations sur le caboteur Saint Boniface, disparu au large du Cotentin. Deux torpilleurs et un aviso envoyés sur zone n'ont jusqu'ici rien trouvé, si on en croit la chanson !
pour écouter la chanson et lire la suite

Le texte de cette aventure maritime a été vendu sur feuille volante à Guérande en 1929. Si on se réfère aux paroles, le navire en question daterait donc des années1880/90. La propulsion à vapeur, inaugurée en 1819 pour les navires maritimes, s'est généralisée vers la fin du siècle. La marine à voile, malgré son déclin, a encore servi jusqu'à la première guerre mondiale. La voile est restée en service plus longtemps pour le cabotage en raison des coûts importants du charbon par rapport au tonnage transporté. Le Saint Boniface aurait donc fait partie des navires modernes à sa construction, mais la chanson ne laisse aucune illusion sur son état final, avec des termes fort imagés.
Toujours d'après la chanson le Saint Boniface transportait du blé chargé au Havre, à destination de Saint Nazaire. Jusqu'aux années vingt, le long des côtes de France, les principales marchandises transportées étaient le charbon, les grains, les minerais. Depuis le moyen âge les grains ont beaucoup voyagé par mer. La fameuse chanson des navires de blé que trois dames s'en vont marchander est là pour nous le rappeler. Sur nos côtes deux autres marchandises ont constitué une part importante de ce trafic : le vin, descendu sur la Loire d'Anjou ou du Pays Nantais, et le sel. Avant que la concurrence des salines de l'est et du sud ne provoquent leur déclin, les marais salants de Guérande et de la baie de Bourgneuf exportaient sur toute la façade atlantique et bien plus loin que les seuls ports français. Le sel de Guérande s'est bien rattrapé depuis.
Nous avons sorti cette chanson de l'oubli et des notes de Fernand Guériff, pour un concert donné au musée de la marine en bois à Montoir de Bretagne. Un petit musée captivant qui retrace bien l'histoire locale jusqu'aux chantiers navals nazairiens.
De nombreux caboteurs furent construit à Montoir, à l'embouchure du Brivet, au temps de la marine en bois. Par la suite, cette activité donna naissance aux futurs chantiers de l'Atlantique ou chantiers de « Penhoet », célèbres pour avoir lancé au vingtième siècle des paquebots, comme le France ou le Queen Mary 2, des supertankers et, aujourd'hui encore, des navires de croisières.


source : Feuille volante, vendue à Guérande lors des fêtes historiques en 1929 - publié par F. Gueriff - tome 3 du Trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande – pages 353 – éd. Dastum 44 et Parc naturel régional de Brière
paroles trad. - musique : J. Juteau
interprètes : Janig Juteau & Martine Lehuédé (chant) Jean-Louis Auneau (concertina)

Le Saint Boniface

S'en est allée dans la nuit claire
Porter son blé à Saint Nazaire
La vieille baille au père Angot
Vire-Ho !
Avait pour nom Saint Boniface
Et quarante sur la carcasse
Etait connue dans tous les ports
pare à Tribord

Pour conserver rivets sur tôle
Lorsque son flanc raclait un môle
Etait poilue comme un coco
Vire-Ho !
Avait des trous dans sa chaudière
Comme en a la gueule à Jean-Pierre
qu'a la vérole à Chandernagor
pare à Tribord

Beau soir de mai tout doux tout calme
Et la lune ainsi qu'à Las Palme
Brillait au ciel comme un douro
Vire-Ho !
Allait la baille lourd chargée
Crachant plus noire sa fumée
Que si le diable était à bord
pare à Tribord

Havre quittait sans vent ni vague
Avant d'arriver à la Hague
disparut dans l'incognito
Vire-Ho !
Ont du sauter chaudière et coque
Et s'emplir d'eau comme une moque
La baille emportant biens et corps
pare à Tribord

Durant trois jours lents comme barges
Ont exploré côtes et large
Deux torpilleurs, un aviso
Vire-Ho !
Casquettes bleues ont rencontré
Ohé ! La baille est assurée
Les armateurs sont des cochons

parez garçons

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