vendredi 12 décembre 2014

84 - Le coucher de la mariée

Poursuivant l'exploration du filon de chansons du pays de Guérande recueillies par Gustave Clétiez, en voici une qui nous paraît tout à fait originale. Cette chanson énigmatique, recueillie en 1860, ne correspond à aucune chanson identifiée aux catalogues malgré un thème et une forme parfaitement conformes aux modèles traditionnels. Sa mélodie rappelle l'incipit de certaines versions de « j'ai un coquin de frère » (1) . Ses vers sont de même longueur (six pieds), mais l'articulation féminines-masculines (F6F6 M6M6) ne suit pas le même système. Pour le contenu, elle pourrait être classée sous différentes rubriques du catalogue Coirault : soit 52 « les noces », soit 54 « soucis et inconvénients », soit 55 « maumariées », mais aucune des chansons qui s'y trouvent ne correspond à celle ci.
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A noter que le motif du bouquet de soucis se retrouve souvent dans la chanson « que les amants sont insouciants de se mettre en ménage » (2). Les exemples de ce type opposent souvent les premiers temps du mariage, avec le au lit couvert de roses, et le quotidien des soucis. Dans le langage des fleurs, le souci, seul, exprime l'ennui ; associé aux roses il est le symbole des douces peines de l'amour. En bouquet il peut contenir des reproches de jalousie.
Le souci a une caractéristique remarquable: il fleurit toute l'année. Déjà les romains l'appelaient fleur des calendes, c'est à dire de tous les mois. Une façon pour la chanson d'opposer la période faste des amours aux soucis quotidiens du ménage. Une façon de traduire poétiquement ce qu'expriment plus crûment d'autres textes sur l'embarras du ménage.
Les fleurs de soucis suivent le soleil et ne sont pas ouvertes toute la journée. Ce qui traduit la douleur, la mélancolie, le chagrin...mais aussi une forme de fidélité.

Notes
1 – j'ai un coquin de frère : Coirault 4619 / le berger charmant : Laforte 2.F–38
2 - que les amants sont insouciants de se mettre en ménage : Coirault 5420 / Adieu de la mariée à ses parents : Laforte II-P-01

Le coucher de la mariée
Publiée dans le Folklore du mariage, p. 189, tome 2 du trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande
interprètes : Nolwen Le Dissez (chant) Hugo Arribart (guitare)


Madame la mariée

Madame la mariée (bis)
Quand vous aurez soupé,
Ils vont mèn’ront coucher

Dans un’ chambre carrée,
Vous et votre mari,
Vous passerez la nuit.

La bell’ rentr’ dans sa chambre
S’assit au pied du lit,
Attendant son mari.

Et son mari qui entre,
Il cherche au pied du lit
Un bouquet de soucis

“Des soucis, lui dit-elle,
Des soucis, j’en ai guère.
Des soucis, j’en ai plus.
Je les ai tous perdus.

Fermez port’s et fenêtres,
Les rideaux de mon lit.
Mes beaux jours sont finis.

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