vendredi 28 mars 2014

48 - Les filles du Pouliguen

Les chansons qui vantent les mérites des filles d’une ville, d'un village ou d’un simple hameau constituent un corpus non négligeable dans le vaste répertoire traditionnel. Une variante du blason populaire, ou l'art de se moquer, gentiment, de ses voisins.
Ne nous attardons pas trop sur les dizaines ou autres chansons de neuf qui rengainent sur un caractère supposé, comme : « les filles de Redon qui tapent du pied quand l’amour les prend » popularisé par les Tri Yann, les filles du Haut Bergon (1) qui reviennent à la maison « sans culottes et sans boutons » ou les « nau gojatas a Castelnau » qui voulaient danser mais pas les garçons !
D'autres refrains à danser donnent un peu plus de détails. Ce sont les filles de St Chély qui tuent les mouches à coup de fusil, celles de la Chapelotte, bigotes qui ont le bon dieu jusqu’au fond le leur culottes...
Une chanson, connue dans plusieurs régions, relate la démarche des filles qui vont trouver le curé pour qu’il intercède en leur faveur auprès des garçons. En était-il vraiment besoin ? La réponse est sans équivoque « de ces filles nous ne voulons pas... ». De Plonéour à St Martin cette chanson se prête si bien à l’adaptation locale qu’il suffit de changer le nom du patelin. L’incipit est souvent le même : « Trifouilly (2) est un petit bourg qui a des filles aux alentours...des petites et des grandes, bonnes à marier, personne ne les demande »
Quand à notre chanson de la semaine...
Lire la suite et écouter la chanson
 ... elle est surtout connue dans le secteur compris entre Loire, Vilaine et Oust. Les paroles en sont très proches du Pouliguen à Fégréac, deux communes du 44. Ces deux versions ont d’ailleurs été enregistrées à la suite sur le CD « chants à la marche en Loire-Atlantique (3). Louisette Radioyes (4) en a noté deux autres versions pour la commune de St Martin sur Oust dans le 56. La seconde ne diffère de la première que par une visite supplémentaire chez le cordonnier.
Quel est l’origine et l’objectif de ces chansons ? Elles font partie à leur manière du blason populaire, c’est à dire des noms, des formules ou couplets rimés qui qualifient les habitants d'une commune, d'un village ou d'un hameau. Ces stéréotypes moqueurs sont en général donnés par les habitants des communes voisines. On imagine mal, en effet, que ce soient les habitants du Pouliguen qui aient eu envie de railler leurs compatriotes ; même s’agissant de jeunes gens dédaignés par certaines d’entre elles. Bien des folkloristes, collecteurs de chansons se sont également intéressés à ces blasons, partie du patrimoine culturel immatériel au même titre que les chansons, les contes et les comptines.

Et puisque nous en sommes à évoquer les illustres musicologues, sachez que ce blog va bientôt s’enrichir d’une documentation iconographique exceptionnelle. Dès mardi prochain (retenez bien la date) les passionnés de musicologie pourront y découvrir deux photos rares : L’une de Patrice Coirault consultant le catalogue de la Redoute, l’autre de Conrad Laforte se promenant avec une chanson en laisse.
À bientôt.

Notes
1 - Haut Bergon : village de la commune de Missillac (44)
2 - commune jumelée avec Pétaouchnok et Tataouine les bains
3 - chants à la marche en Loire-Atlantique – édité par Dastum 44 en 2003 – en promo dans la rubrique éditions
4 - Traditions et chansons de haute-Bretagne - Tome 2, Le répertoire de Saint-Congard et ses environs (1997)

Les filles du Pouliguen

Le Pouliguen est un p’tit bourg
Qui a des filles tout alentour
Des couturières, des ravaudeuses de bas
Qui sont plus fières que des marchandes de soie

Elles s’en vont le sam’di soir
Faire leur lessive de six liards
Six liards d’eau chaude et six liards de savon
Ces demoiselles vont laver leurs jupons

Vous les voyez l’dimanche matin
En train d’cirer leurs brodequins
Mouchoir de laine et robe de haut goût
Ces demoiselles bien souvent n’ont pas l’sou

Toutes s’en vont chez l’perruquier
C’est pour se faire bien friser :
Monsieur, de grâce, faites-nous donc crédit
L’argent est rare, nous vous dirons merci

De crédit nous n’en faisons plus
Monsieur le maire l’a défendu
Vendez vos robes et vos beaux jupons blancs
Mesdemoiselles, vous aurez de l’argent.

source : livre « Florilège du Pouliguen », de Marcel Baudry (Ed. Jean-Marie Pierre – 1985)
interprète : Jean-Louis Auneau
catalogue P. Coirault : Les coquettes auxquelles ont refuse le crédit (Satiriques – N° 11307)

catalogue C. Laforte : Faites-moi crédit (4-Ha-03)

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire