vendredi 24 janvier 2014

40 - En m’en revenant de Lille en Flandres

Si on vous dit que les chansons de menteries sont celles qu'on préfère vous n'êtes pas obligés de nous croire. Mais elles sont tellement répandues dans les traditions de tous les pays qu'on ne pouvait y échapper. D'autant que la prochaine ouverture de la campagne électorale risque de reléguer nos menteries bien en dessous de toutes les affirmations et promesses à venir.

Cette chanson prouve aussi que notre chauvinisme a ses limites. Après avoir chanté sur tous les tons le port de Nantes et ses navires nous voilà revenus de chez les ch'tis. Habituellement le chanteur de menteries commence par un avertissement du genre «  je vais vous dire une chanson qui est pleine de mensonges » à l'intention de ceux qui croient tout ce qu'on leur dit. Sans doute aussi pour éviter de passer pour un simple d'esprit. Ici, les deux premiers vers nous font attendre tout autre chose. L'incipit « m'en revenant » introduit souvent une chanson d'amour, heureux ou malheureux, ou d'aventures galantes. A titre d'exemple vous trouverez à la fin de cet article les paroles d'une chanson portant le même titre qui détaille la rencontre avec une jolie flamande et ce qui s'ensuit. Le second vers est plus fréquent dans ces chansons où on parle d'aller charruer sur les côtes d'Angleterre. La localisation lilloise restera donc un mystère. Le gars Constant a qui on doit cette version a-t-il débuté une chanson et enchaîné sur une autre ?
écouter la chanson et lire la suite

De l'une à l'autre, les chansons de menteries reprennent souvent les mêmes stéréotypes : pommiers plein de prunes, animaux qui travaillent, bœufs dans la pochette, morsure au talon, saignement à la gorge et soins à l'épaule... et toutes sortes d'inversions de rôles (poule qui chante, coq qui pond, etc). La poule qui balaye et le chat qui cuit la soupe se retrouvent dans de nombreuses versions en Haute Bretagne. Le chat qui veut goûter la soupe se brûle les griffes, comme le curé les mains dans la chanson du coq Martin. ()Pourtant certains chanteurs font preuve de beaucoup plus d'imagination...et de suite dans les idées, comme dans ce texte cité par Guéraud où le médecin qui vient soigner trouve à la maison les vaches à faire le lit, les cochons à faire la vaisselle qui tirent leur casquette pour le saluer.
Cette version collectée en Pays de Retz présente beaucoup de points communs avec celle publiée dans le tome 3 des chansons du pays de Guérande, collectée à Prinquiau. Fernand Guériff y précise : «  ces accumulations de coq à l'âne, ces fatras facétieux, nous viennent de loin, immensément populaires au 16ème siècle et bien avant. Au moyen-âge on a connu les fatrasies, au 17ème les galimatias, au 18ème les amphigouris. Ici l'humour disparaît pour faire place à un assaisonnement au gros sel et à la moutarde ».
Bon appétit.


En m’en rev’nant d’Lille en Flandres
Sur les côtes d’Angleterre (bis)
En mon chemin j’ai rencontré
Un pommier plein de melles, bon
Allons ma brunette, allons
Allons danser sur l’gazon

En mon chemin j’ai rencontré
Un pommier plein de melles (bis)
Il m’en tomba une sur l’pied
Qui m’écrasa l’oreille, bon
Allons ma brunette, allons…

Le méd’cin qui m’y pansa, m’y pansa à l’aisselle…
J’pris ma charrette sur mon dos, mes bœufs dans ma pochette…
Je m’en fus chez nous pour voir comment allait l’ménage…
La patronne était au lit, la poule balayait la place…
Le chat dans la cheminée écumait la marmite…
En voulant goûter les choux, il s’y brûla les griffes…
Les souris qui l’y voyaient en dansaient de plaisir…

source : Constant Clavreux, à Port-Saint-Père, le 7 septembre 1896 – noté par Abel Soreau
interprète : Janick Péniguel
catalogue Coirault : les menteries – 11401
catalogue Laforte : les menteries 4-Ma-26


En revenant de Lille en Flandre
Tortillons des jambes, Divertissons nous, Branlons nous les genoux.
J'ai rencontré Une jolie Flamande.
Je lui demande: veux-tu être ma servante?
elle me répond qu'elle en serait contente.
J'la fis monter dans ma plus haute chambre.
Je lui fis faire une poupée qui chante
Et je la mis sur mon beau lit qui branle.
Je lui passai cinq ou six fois la jambe.
Elle me dit: cher ami, recommence.
Je lui réponds: y a plus d'huile dans la lampe.
Elle me dit: j'en ferai bien descendre.
Je lui ai dit: laissons ça pour dimanche.


Recueilli à Paris en 1886 – publié dans « Le gai chansonnier français » et trouvé quelque part sur la toile d'araignée !

2 commentaires:

  1. Gaetan Ryckeboer1 février 2014 à 14:29

    Sauf que... dire que Lille est chez les ch'tis, c'est l'exact équivalent linguistique ou culturel que de dire que Brest est Gallo.

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    1. Merci Gaétan pour cette remarque pleine de bon sens (et d'un peu d'exagération?). D'un point de vue linguistique c'est exact. Sauf qu'aujourd'hui une tendance à l'amalgame fait du « chti » un label régional du Nord-Pas de Calais. Un certain succès cinématographique n'y sans doute pas étranger. Institutions, associations, média... le revendiquent plus ou moins ouvertement. Un exemple ? Vous pouvez trouver sur le net toutes les infos sur les musiques trad. à Lille et ailleurs grâce à un site baptisé « chti-folkeux » ! Ah, on n'est jamais trahi que par les siens !

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