vendredi 7 avril 2023

437 - Sans souci

 Le choc des titres : après notre dernier post plutôt alarmiste, voici une chanson qui proclame le bonheur de vivre sans souci. La situation est grave, mais pas au point de se mettre à picoler. C'est pourtant la solution qu'a trouvé l'auteur de cet hymne à la boisson. De la naissance à la mort, une vie entière sous le signe de Bacchus en dépit du reste ! Si on en croit la fréquence des collectages et les adaptations de ce texte, la recette a dû plaire. Consommez avec modération, bien sur, et chantez sans modération.

pour écouter la chanson et lire la suite

S'agissant d'une chanson traditionnelle, la référence à son auteur vous a peut-être interpellée. Il n'empêche que toute chanson a bien débuté dans l'esprit créatif d'un chanteur, qu'il en ait assumé ou pas la paternité. «L'enfant sans souci » est probablement né dans une de ses sociétés bacchiques, se réunissant pour manger, boire et chanter, confréries populaires aux 18 et 19è siècles. En effet, la chanson ne semble pas très vieille. Le répertoire de Patrice Coirault n'en mentionne aucun témoignage dans les recueils anciens.

Cette chanson est bien connue en Haute-Bretagne. Vous en trouverez plusieurs exemples sur la base dastumedia. Dans notre secteur, elle a été enregistrée notamment chez deux éminents interprètes : Antoinette Perrouin, de Couffé et Francis Lemaitre à Sion-les-Mines. Notre interprétation est d'ailleurs un mix de ces deux collectages.

Dans le texte originel, la petite amie du buveur devait s'appeler Isabeau (ou Elisabeau). C'est le prénom habituel. Il s'est transformé ici, peut être sous l'influence d'un trait d'humour d'Antoinette Perrouin, en « Elise Lebeau ». Connaissant le caractère de la chanteuse, rien d'étonnant à ce qu'elle se soit permis ce trait qui devait faire référence à une personne connue.

Pour le reste, la chanson aurait pu intégrer un nombre de couplets supplémentaires puisque le déroulement de la vie de l'ivrogne est décrit par décades. Il manque, en particulier, un couplet fréquemment entendu ailleurs, qui fait intervenir le clergé :

A cinquante ans le curé me demande

De confesser mes fautes et mes péchés

Non cher curé point de confesse à faire

Les pots de liqueurs seront mes confesseurs

A titre indicatif, nous faisons suivre le texte de notre version d'un montage intégrant des couplets en provenance d'autres régions et même d'outre Atlantique. Ça peut toujours servir.

Enfin, rappelons que cette chanson figure aussi en bonne place sur notre CD « chants des plaisirs de la table », interprétée par Mathieu Hamon.


Interpréte : Hugo Aribart

sources : assemblage de deux version - Antoinette Perrouin, à Couffé, enregistrée par Pierre Guillard, et Francis Lemaître à Sion-les-Mines , enregistré par Patrick Bardoul le 30 janvier 1992

Catalogue Patrice Coirault : La vie de l’ivrogne II (Beuveries et ripailles – N° 10908)

Catalogue Conrad Laforte : L’enfant Sans-souci (II, Q-20)


1. Quand je suis né, je suis né en automne

Mon père ma mère m’avaient toujours bien dit

Qu’en m’baptisant dans le jus de la tonne

L’on me donna le nom de sans souci


2. A quatorze ans l’on m’envoie t’à l’école

Je caressais la p’tite Elise Lebeau

Elle me disait que j’avais la rougeole

Mais ce n’était que le jus du tonneau


3. A dix-huit ans je m’y fis une maîtresse

Je l’ai perdue, j’ai pas pu la r’trouver

Car je crois bien que c’est à la bouteille

Que j’ai confié toutes mes amitiés


4. A vingt-cinq ans mon père il m’y marie

Avec une femme qu’avait beaucoup de bien

Je lui ai dit : ma très sincère amie

Je ferai de ton bien ce que j’ai fait du mien


5. A quarante ans mes enfants m’y demandent

De partager leur bien d’avec le mien

Je leur ai dit : pas de partage à faire

Les cabaretiers seront mes héritiers


6. A soixante ans sur le bord de ma fosse

J’ai bien vécu, je peux mourir content

Vers l’autre monde qu’on m’y roule en carrosse

Car de mon vivant je n’ai jamais eu l’temps.


D'autres couplets de diverses provenances

(Bretagne, Berry, Bourgogne, Vivarais, Italie, Canada...)


Quand je suis né c'était un jour d'automne

Par un temps frais tout près d'un cabaret

Je fus baptisé du bon jus de la tonne

C'est ce que mon père m'avait toujours promis


A un an ma bonne et tendre mère

me nourrissait avec le lait de son sein

Mais maintenant je tiens déjà le verre

Lors que je vois qu'il est plein de bon vin


À quatorze ans on m'envoie à l'école

Pour y apprendre à parler le latin

Moi je n'appris qu'à vider les bouteilles

Et ne pas mettre d'eau dedans mon vin


Quand j'eus quinze ans j'ai fait une maîtresse

Qui s'appelait la charmante Isabeau

Elle me disait que j'avais la rougeole

Mais ce n'était que le jus du tonneau


A dix huit ans j'ai perdu ma maîtresse

Cherchant l'amour sans pouvoir la trouver

Je l'ai cherché dans le fonds des bouteilles

Où j'avais mis toutes mes amitiés


Quand j'ai eu trente ans mon père m'y marie

Avec une femme qui avait beaucoup de biens

Je me suis conduit en bon père de famille

Et j'ai fait du sien comme j'avais fait du mien


A 35 ans ma femme elle était morte

Au désespoir de m'y voir toujours saoul

Au cabaret caressant la bouteille

Le verre en mains voilà tout mon chagrin


À quarante ans à la mort de ma femme

je suis tuteur du bien de mes enfants

et je le protège en allant boire bouteille

et je le conserve au frais au cabaret


À cinquante ans mes enfants me demandent

De partager leurs biens d'avec des miens

Non mes chers enfants point de partage à faire

Le cabaretier sera mon héritier


À soixante ans le curé vient me dire

De confesser mes fautes mes péchés

Monsieur le curé point de confesse à vous faire .

Un p'tit pot de liqueur sera mon confesseur


Quand j'ai eu cent ans sur le bord de la fosse

J'ai bien vécu j'ai bien passé mon temps

Après ma mort qu'on me mène en carosse

De mon vivant je n'en ai pas eu le temps


Au cabaret on boit on rit on chante

Sans nul souci on y passe son temps

Puis quelque fois on bise la servante

Au cabaret, après boire en passant

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