Le choc des titres : après notre dernier post plutôt alarmiste, voici une chanson qui proclame le bonheur de vivre sans souci. La situation est grave, mais pas au point de se mettre à picoler. C'est pourtant la solution qu'a trouvé l'auteur de cet hymne à la boisson. De la naissance à la mort, une vie entière sous le signe de Bacchus en dépit du reste ! Si on en croit la fréquence des collectages et les adaptations de ce texte, la recette a dû plaire. Consommez avec modération, bien sur, et chantez sans modération.
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S'agissant d'une chanson traditionnelle, la référence à son auteur vous a peut-être interpellée. Il n'empêche que toute chanson a bien débuté dans l'esprit créatif d'un chanteur, qu'il en ait assumé ou pas la paternité. «L'enfant sans souci » est probablement né dans une de ses sociétés bacchiques, se réunissant pour manger, boire et chanter, confréries populaires aux 18 et 19è siècles. En effet, la chanson ne semble pas très vieille. Le répertoire de Patrice Coirault n'en mentionne aucun témoignage dans les recueils anciens.
Cette chanson est bien connue en Haute-Bretagne. Vous en trouverez plusieurs exemples sur la base dastumedia. Dans notre secteur, elle a été enregistrée notamment chez deux éminents interprètes : Antoinette Perrouin, de Couffé et Francis Lemaitre à Sion-les-Mines. Notre interprétation est d'ailleurs un mix de ces deux collectages.
Dans le texte originel, la petite amie du buveur devait s'appeler Isabeau (ou Elisabeau). C'est le prénom habituel. Il s'est transformé ici, peut être sous l'influence d'un trait d'humour d'Antoinette Perrouin, en « Elise Lebeau ». Connaissant le caractère de la chanteuse, rien d'étonnant à ce qu'elle se soit permis ce trait qui devait faire référence à une personne connue.
Pour le reste, la chanson aurait pu intégrer un nombre de couplets supplémentaires puisque le déroulement de la vie de l'ivrogne est décrit par décades. Il manque, en particulier, un couplet fréquemment entendu ailleurs, qui fait intervenir le clergé :
A cinquante ans le curé me demande
De confesser mes fautes et mes péchés
Non cher curé point de confesse à faire
Les pots de liqueurs seront mes confesseurs
A titre indicatif, nous faisons suivre le texte de notre version d'un montage intégrant des couplets en provenance d'autres régions et même d'outre Atlantique. Ça peut toujours servir.
Enfin, rappelons que cette chanson figure aussi en bonne place sur notre CD « chants des plaisirs de la table », interprétée par Mathieu Hamon.
Interpréte : Hugo Aribart
sources : assemblage de deux version - Antoinette Perrouin, à Couffé, enregistrée par Pierre Guillard, et Francis Lemaître à Sion-les-Mines , enregistré par Patrick Bardoul le 30 janvier 1992
Catalogue Patrice Coirault : La vie de l’ivrogne II (Beuveries et ripailles – N° 10908)
Catalogue Conrad Laforte : L’enfant Sans-souci (II, Q-20)
1. Quand je suis né, je suis né en automne
Mon père ma mère m’avaient toujours bien dit
Qu’en m’baptisant dans le jus de la tonne
L’on me donna le nom de sans souci
2. A quatorze ans l’on m’envoie t’à l’école
Je caressais la p’tite Elise Lebeau
Elle me disait que j’avais la rougeole
Mais ce n’était que le jus du tonneau
3. A dix-huit ans je m’y fis une maîtresse
Je l’ai perdue, j’ai pas pu la r’trouver
Car je crois bien que c’est à la bouteille
Que j’ai confié toutes mes amitiés
4. A vingt-cinq ans mon père il m’y marie
Avec une femme qu’avait beaucoup de bien
Je lui ai dit : ma très sincère amie
Je ferai de ton bien ce que j’ai fait du mien
5. A quarante ans mes enfants m’y demandent
De partager leur bien d’avec le mien
Je leur ai dit : pas de partage à faire
Les cabaretiers seront mes héritiers
6. A soixante ans sur le bord de ma fosse
J’ai bien vécu, je peux mourir content
Vers l’autre monde qu’on m’y roule en carrosse
Car de mon vivant je n’ai jamais eu l’temps.
D'autres couplets de diverses provenances
(Bretagne, Berry, Bourgogne, Vivarais, Italie, Canada...)
Quand je suis né c'était un jour d'automne
Par un temps frais tout près d'un cabaret
Je fus baptisé du bon jus de la tonne
C'est ce que mon père m'avait toujours promis
A un an ma bonne et tendre mère
me nourrissait avec le lait de son sein
Mais maintenant je tiens déjà le verre
Lors que je vois qu'il est plein de bon vin
À quatorze ans on m'envoie à l'école
Pour y apprendre à parler le latin
Moi je n'appris qu'à vider les bouteilles
Et ne pas mettre d'eau dedans mon vin
Quand j'eus quinze ans j'ai fait une maîtresse
Qui s'appelait la charmante Isabeau
Elle me disait que j'avais la rougeole
Mais ce n'était que le jus du tonneau
A dix huit ans j'ai perdu ma maîtresse
Cherchant l'amour sans pouvoir la trouver
Je l'ai cherché dans le fonds des bouteilles
Où j'avais mis toutes mes amitiés
Quand j'ai eu trente ans mon père m'y marie
Avec une femme qui avait beaucoup de biens
Je me suis conduit en bon père de famille
Et j'ai fait du sien comme j'avais fait du mien
A 35 ans ma femme elle était morte
Au désespoir de m'y voir toujours saoul
Au cabaret caressant la bouteille
Le verre en mains voilà tout mon chagrin
À quarante ans à la mort de ma femme
je suis tuteur du bien de mes enfants
et je le protège en allant boire bouteille
et je le conserve au frais au cabaret
À cinquante ans mes enfants me demandent
De partager leurs biens d'avec des miens
Non mes chers enfants point de partage à faire
Le cabaretier sera mon héritier
À soixante ans le curé vient me dire
De confesser mes fautes mes péchés
Monsieur le curé point de confesse à vous faire .
Un p'tit pot de liqueur sera mon confesseur
Quand j'ai eu cent ans sur le bord de la fosse
J'ai bien vécu j'ai bien passé mon temps
Après ma mort qu'on me mène en carosse
De mon vivant je n'en ai pas eu le temps
Au cabaret on boit on rit on chante
Sans nul souci on y passe son temps
Puis quelque fois on bise la servante
Au cabaret, après boire en passant
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