samedi 2 juillet 2022

422 - Les souliers rompus

 Les cordonniers ne s'en tirent pas trop mal dans les chansons traditionnelles. Contrairement à leurs confrères les couturiers, injustement méprisés, ils arrivent à séduire les jeunes filles. On sait, par exemple, qu'à la cour du palais, La flamande qui a tant d'amoureux finit par donner la préférence à un petit cordonnier. Nous n'avons pas de précisons sur l'origine sociale de notre danseuse. Mais il se pourrait bien qu'un de ses arguments principaux tienne dans la différence de classe sociale entre l’héroïne et le cordonnier, métier qui ne roule pas sur l'or. L'amour est plus fort que les différences, du moins dans les chansons.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Il existe de nombreuses versions différentes de cette chanson. Si votre mémoire est bonne vous savez que nous avons déjà publié un épisode sur ce thème, à la fois semblable et très différent (Le Zouzou – n° 168, septembre 2016). Il se termine par un développement plus suggestif que le simple baiser ici revendiqué. L'action de « chausser » la jeune fille ne laisse guère de doute.

Pas de sous entendu aussi explicite dans cette version. Certes, au moment de régler la note, l'artisan semble préférer un paiement en nature à ces sous marqués. D'autant que la fille ne propose qu'une seule de ces pièces de cuivre, là où d'autres vont jusqu'à trois ou cinq. Une fois conclue la transaction on retrouve la formule habituelle à d'autres chansons « d'amourettes » : prenez en un, prenez en deux...et plus si affinités.

La valeur du sou marqué nous renvoie à une période où le système décimal n'avait pas encore trouvé sa place. Nous avons trouvé un exemple où ce sou marqué équivaut à quinze deniers, c'est à dire trois fois rien.

L'origine de cette chanson est sans doute fort lointaine. Conrad Laforte (1) la trouve dans des rondeaux du 13è siècle. Ce long voyage dans le temps explique probablement pourquoi l'histoire donne lieu à des développements si variés. En dehors de celle que nous avons déjà publiée souvent assortie de refrains farfelus, il existe aussi des histoires où c'est une épine entrée dans le soulier qu'il faut retirer. Mais revenons à celle ci qui semble la plus répandue. Si son déroulement varie peu, l'endroit où la (ou les) jeune fille(s) ont usé leurs souliers est fort variable :

- Près de chez ma tante, il y a un pré

- dans un vert pré

- Là-bas dessous ces verts pommiers

pour les occasions les plus bucoliques, mais aussi

- Dedans Paris sur le pavé

- A Paris sur le marché

- Sur le pont de Nantes

- En passant sur le pont de Penfao,

cette dernière présentation étant assez répandue en Haute-Bretagne

Comme d'habitude les refrains donnent libre cours aux « falira dondaine faliradondé » et autres « lan ture lure ». Cependant, celui qui a été recueilli dans le Pays de Retz se retrouve ailleurs en France et outre-Atlantique. Il ajoute un aspect plus moralisateur avec ce « Qu'il est difficile d'être amoureux et sage » !

Quoi qu'il en soit, dans les chansons, le cordonnier symbolise les amours de la haute société avec le bas peuple, comme nous le disions en introduction. Il symbolise aussi une certaine proximité avec le corps féminin, même si ce n'est que le pied (amis fétichistes bonjour!). Malgré cela il est moins souvent rejeté que son compère couturier.


Note

1 - Survivances médiévales dans la chanson folklorique – Conrad Laforte – Presses de l'université de Laval (Québec – 1981) page 26/27


interprètes : Christine Dufourmantelle, avec Jade Daslstein-Jidkoff,, Christine Gabillard, Jeannette Lebastard, Isabelle Montoir, Armelle Petit

source : 80 chansons du Pays de Retz – recueil du violoneux Poiraud à Pornic (44) compilé par Michel Gautier

catalogue P. Coirault : le cordonnier et la jeune fille qui a trop dansé (1828 – amourettes)

catalogue C. Laforte : , K-02, le soulier décousu


J'étais aux noces, j'ai tant dansé ) bis

Ah ! Qu'il est malaisé                  )

Que j'en ai rompu mes souliers

Tu n'entends pas l'usage

Ah ! Qu'il est malaisé        ) bis

D'être amoureux et sage )


Que j'en ai rompu mes souliers

Je suis allé chez l'cordonnier


Beau cordonnier, beau cordonnier

Veux tu réparer mes souliers

Je te donn'rai un sou marqué

Un sou marqué n'est pas assez

J'estim'rai mieux un doux baiser

Un, deux, trois si vous le voulez

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