samedi 22 janvier 2022

401 - Ma fille, veux tu un bouquet

Encore une chanson qui devrait être remboursée par la Sécurité Sociale. En ces temps ou la santé semble être une préoccupation majeure, l'écouter ne peut donc pas faire de mal. Car, si il est beaucoup questions de maux et de remèdes dans les chansons traditionnelles c'est plus rarement pour soigner les affections du corps que celles de l'âme, ou du cœur. Elle court, la maladie d'amour, depuis les temps les plus anciens. Voyons un peu si les recettes de bonne femme en vigueur dans ces temps là peuvent encore nous être d'une quelconque utilité.

Pour écouter la chanson et lire la suite

Comment guérir la mélancolie d'une jeune personne en mal d'amour. La chanson nous propose un diagnostic par tâtonnements. Mais rien n'y fait. Les moyens utilisés sous forme de cadeaux et autres propositions ne sont pas à même d'apporter un soulagement. On s'en doute depuis le début et cette énumération de divers expédients n'a pour but que de faire durer un peu le suspense. Encore qu'il n'y en ait guère puisque le seul vrai remède ne fait pas mystère. Plusieurs chansons de tradition sont bâties sur le même principe. Celle ci dresse un catalogue de présents sensés calmer l'impatience de l'amoureuse qui ne peut que répondre à sa mère qu'elle ne comprend rien à sa situation. Une autre propose des médecines à base de plantes pour un mal tantôt situé au front ou au talon. Parfois la proposition est inversée ; c'est la fille elle même qui questionne son entourage pour trouver une solution à son mal. Tout ça pour en arriver à la même conclusion.

Attention, une fois trouvé le remède, de ne pas en abuser. Dépasser la dose prescrite peut conduire à d'autres symptômes dont nous avons déjà vu les effets. Il faut alors quérir le médecin de Nantes ou de Paris pour une jeune fille qui se serait « cassé la jambe ». Reportez vous, par exemple, à la chanson n°266 (d'octobre 2018) pour les précisions thérapeutiques.

A notre modeste niveau, cette chanson a aussi une histoire. Elle a servi à illustrer notre intervention dans une exposition organisée par les Archives Départementales de Loire-Atlantique (1). Faute de pouvoir trouver dans le répertoire local une version complète de cette énumération, nous avons dérogé à nos habitudes en allant chercher ailleurs les paroles adéquates. Nous n'avons d'ailleurs pas eu à voyager trop loin puisque c'est dans le département, quasi limitrophe, de la Mayenne qu'Eugène Rolland avait noté pour nous cette version. Suivant les indications de Rolland, nous l'avons aussi complétée en puisant à une source bien plus ancienne, publiée fin 17è siècle par la famille Ballard (2). C'est la musique que nous avons emprunté à cette dernière puisqu'en Mayenne les paroles étaient chanté sur l'air de Cadet Roussel.

Les recherches sur l'origine de cette chanson nous ont réservé une autre surprise. Elle a déjà été enregistrée dans les années cinquante, avec la même mélodie, par...Mathé Altéry ! (3) De nombreux artistes ont participé à la réalisation de disques de folklore pour un public jeune. Avouez quand même que cataloguer celle-ci dans le répertoire enfantin est un peu osé. Passe encore si le dernier couplet propose comme remède un ami, ou un mari. La version populaire est bien plus réaliste ; c'est un amant dont la fille a besoin. Dans les chansons où l'on recherche un remède pour le front, c'est un garçon qui fera l'affaire, assonance oblige.


notes

1 - les « chants du tiroir », atelier de répertoire de chants, cadrant avec le thème de l'expo 2021 des Archives Départementales consacrée aux pharmaciens et apothicaires

2 – Emprunts au second recueil de chansons populaires publié par Eugène Rolland en 1886 et à ) Brunettes ou petits airs tendres, édité par Ballard en 1703

3 - La preuve ici 


interprètes : Liliane Berthe, avec Christine Dufourmantelle, Christine Gabillard, Armelle Petit

source : assemblage de deux versions publiées par Eugène Rolland - Fonds Jules-Antoine Le Fizelier, collecte en Mayenne (53), sans autre précision

catalogue P. Coirault : Ma fille, veux-tu un bouquet ? (Amoureuses - N° 00907)

catalogue C. Laforte : Le remède au bobo de la fille (IV, Ea-09)



- Ma fille, veux-tu un bouquet - Bis

De marjolaine ou de muguet - Bis

- Non, non, non, ma mère, non

Ce n’est point là ma maladie ;

Gay, gay, quelle mère j’ay

Qui n’entend pas le bobo de sa fille ;

Gay, gay, quelle mère j’ay

Qui n’entend pas le bobo que j’ay !


Ma fille, veux-tu un bonnet de fine toile de Cambray ?

Ma fille, veux-tu un d’vantiau qui soit de lin ou de coupiau ? 1

Ma fille, voulez-vous un corset qui vous fera le corps bien fait ?

Ma fille, voulez-vous des bas qui soient de fil ou de soie ?

Ma fille, veux-tu un mary qui soit bien fait, qui soit joly ?

ou

Ma fille veux-tu un amant, qui soit aimable et bien plaisant ?


Couplet final


- Ma fille, veux-tu un mari - Bis

Qui soit bien fait, qui soit joli ? - Bis

- Oui, oui, oui, ma mère, oui

C’est bien là ma maladie ;

Gay, gay, quelle mère j’ay

Qui entend bien le bobo de sa fille ;

Gay, gay, quelle mère j’ay

Qui entend bien le bobo que j’ay !


NB : le coupiau est du « lin en déchet » (selon une annotation d’E. Rolland)

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