Si certaines coutumes des mariages semblent venir du fond des âges (1), d'autres, présentes dans les collectes anciennes, ont disparu avec l'évolution des mœurs. Le folklore du mariage d'aujourd'hui n'a plus grand chose à voir avec les pratiques des temps passés. Plus étonnant: certaines chansons recueillies à diverses époques ne sont déjà plus que des souvenirs de rituels pour les personnes qui les ont chantées. C'est le cas avec cette chanson du bouquet, pourtant pas si ancienne puisqu'entendre au milieu du siècle dernier.
Pour écouter la chanson et lire la suite:
Fernand Gueriff a consacré un tome complet de ses collectes aux traditions du mariage (2). Cet ouvrage est basé sur ses observations en Presqu'ile Guérandaise. Mais c'est au Cellier, commune des bords de Loire où il était réfugié pendant la guerre, qu'il a noté celle-ci. Son informateur, Francis Savary, cultivateur et vigneron, avait 72 ans en 1943. Il lui précise que “Cette romance se chantait aux noces par les invités du marié, sauf le dernier couplet, chanté par la mariée et ses demoiselles”. Et Guériff ajoute en commentaire que les paroles sont “d'une grandiloquence naïve; mais la mélodie remarquable ne déparerait pas la partition du Roi d'Ys, de Lalo”.
Cette chanson, comme bien d'autres liées aux coutumes du mariage, n'est déjà plus d'actualité au moment où le chanteur la communique au collecteur. Les rituels se sont sans doute simplifiés au cours du temps et certaines coutumes abandonnées pour faire place à une certaine modernité. Les chansons qui s'y rapportent ne sont donc plus interprétées qu'à titre de souvenir. Difficile de savoir quand telle ou telle coutume à disparu d'autant que les usages ont pu varier selon les époques mais aussi les endroits. Ainsi, nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer le présent d'un oiseau à la mariée (chanson n° 117 en août 2015), coutume notée au moins en deux endroits en Loire-Atlantique. La présente chanson est associée à l'offrande du bouquet, qui a pu prendre des formes différentes d'un lieu à l'autre.
Cette chanson du bouquet intervenait généralement au moment où les amies de la mariée lui tournaient un compliment avec l'appui de quelques couplets. Les plus connus sont la fameuse “chanson de la mariée” attribuée à l'abbé Gusteau (3). La chanson de l'oiseau, dont nous venons de parler, entre dans la même catégorie. Avec celle-ci ce sont donc plutôt les amis du marié qui entrent en scène. Mais la formule est convenue et laisse peu de place à l'improvisation puisque la mariée et les demoiselles d'honneur doivent répondre au dernier couplet. On est loin des chansons de circonstance bricolées par les ami(e)s des mariés, autre forme d'intervention toujours en vigueur dans les mariages.
Comme le souligne Gueriff, le texte est l'œuvre d'un lettré. La composition n'a rien de populaire, même si elle est du domaine traditionnel. Cet épisode avec offrande du bouquet à la mariée ou, en retour, d'un gâteau par la mariée, remonte à des temps lointains. L'auteur (2) y voit la survivance de coutumes qui existaient peut-être déjà chez les romains. C'est assez dire si leur sens originel nous échappe. Il existe pourtant des usages qui ont résisté plus longtemps et que nous pratiquons encore sans en connaitre l'origine: la soupe à l'oignon par exemple.
Les chansons que nous publions sont faites pour être chantées. C'est une évidence. Pourtant, pour une fois, nous ne vous conseillerons pas d'essayer de placer celle-ci au prochain mariage où vous serez invités. Vous risquez le bide ! Contentez vous d'écouter les autres invités entonner la danse des canards; et souffrez en silence !
Pour compléter ce tour d'horizon des coutumes de mariage vous pourrez aussi consulter quelques autres chansons déjà publiées sur notre blog:
N° 84 – décembre 2014 - le coucher de la mariée
N° 85 – décembre 2014 - voici le jour aimable (chanson du marié)
N° 117 – août 2015 - chanson de la mariée (l'oiseau)
N° 194 – avril 2017 - le bouquet de saulde
N° 238 – mars 2018 - j'sommes venus vous inviter (de facture plus récente)
notes
1 – une formule habile pour dire qu'on ne sait absolument pas de quand ça date. En matière d'ancienneté tout est relatif; n'importe quel collecteur de chansons et de traditions pourra vous le confirmer.
2 – Le folklore du mariage; Coutumes et chants du pays de Guérande – tome 2 du “Trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande” (Dastum 44 /Parc naturel régional de Brière – 2005) – un bel ouvrage et peu onéreux; voir rubrique “nos éditions”
3 – voir à son sujet les commentaires de la chanson n° 49, d'avril 2014 (le jardinier français)
interprète: Liliane Berthe
source: Chanté à Fernand Gueriff par Francis Savary, cultivateur vigneron à la Grande Funerie, commune du Cellier, en 1943 - publiée dans Nantes et le Pays de la Mée – cahier 1984 de l'Académie de Bretagne, dans un article intitulé: « Cueillette Musicale au Pays de la Mée »
non cataloguée
Amis ne soyez point surpris
Qui vient frapper à votre porte,
C’est au sujet de ma douce amie,
Pour elle que l’amour m’y transporte !
Je suis venu dans ce beau jour
Pour m’unir à cette conquête
A la voix d’un amant si doux
Viens donc, tu seras ma maîtresse.
Avec tous mes garçons d’honneur,
Je viens à travers ces bocages,
De ma main t’offrir une fleur,
Viens donc en recevoir le gage,
Après t’avoir toujours promis
Que je serai toujours fidèle
Eh bien, je le suis aujourd’hui.
Ce sera pour signaler mon zèle.
Eh quoi, si je verse des pleurs,
Crois-tu donc que je t’abandonne ?
Ce serait pour moi un malheur,
Si je t’abandonnais, ma bonne.
Mais si tu ranimes tes pleurs,
Crois-tu donc que je t’abandonne ?
Ce serait pour moi un honneur
Si nous les versions ensemble.
Le ministre de Jésus-Christ
Qui s’y prépare à son autel
Il va de sa main nous bénir,
Nous unir d’amour éternelle.
En voyant ce bel anneau d’or,
Viens donc recevoir cette alliance
Avec la couronne d’honneur
Je conserverai ta constance.
- Mon cher amant, viens dans mes bras.
Mouche toi pour essuyer tes larmes
Je suis l’objet de tes appâts.
Viens mettre fin à mes alarmes.
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