Marie-Margoton 2 : le retour. Ce
refrain entêtant vous rappelle sans doute une chanson publiée
récemment (1). Nous vous avions alors promis d'y revenir. C'est
fait.
Certes l'été est propice aux
rediffusions, mais cette Marie-Margoton n'a rien à voir avec
Angélique marquise des anges ou la Septième compagnie au clair de
lune. C'est une tout autre chanson que nous vous proposons cette
semaine. Un thème que vous avez déjà probablement entendu, mais
avec un parfum très local, et, en vedette principale, une habituée
des chansons traditionnelles : l'anguille.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
L'avantage du double sens contenu dans
cette chanson c'est qu'il est tellement évident qu'il nous dispense
de toute explication. Pas besoin de faire un dessin. Plutôt que de
nous attarder sur l'histoire c'est sa diffusion qui va nous
intéresser.
Cette chanson est très répandue,
particulièrement dans tout l'ouest et sud de la France, mais aussi
de l'autre côté de l'Atlantique. Elle se caractérise aussi par
l'existence de nombreuses sources anciennes, imprimées dès le début
du 17è siècle. Malgré cette ancienneté les couplets entendus
encore aujourd'hui présentent peu de variantes, restant fidèles à
l'histoire originelle. Dans un tel cas, c'est souvent le refrain qui
est sujet au changement. L'anguille dans la gerbe semble démentir
cette norme. Une très grande majorité des refrains entendus sont bâtis sur le modèle :
Tradéri tradéri tra la laire
On trouve quelques exemples d'autres
refrains. En particulier ceux du type :
Ah venez voir mesdames ce que
j'avons trouvé
qui est celui d'une des plus anciennes
publications de la chanson.
Mais celui qui surprend le plus et fait
l'originalité de notre interprétation, c'est cette rengaine de
Marie-Margoton. Ce qui étonne, en fait, c'est qu'il est presque
impossible de déterminer son origine. Même s'il est moins fréquent,
on l'entend dans des versions recueillies de ci de là, aussi bien en
Haute-Bretagne qu'en Vendée, en Mayenne, en Basse ou
Haute-Normandie. Il accentue encore le caractère grivois de la
chanson.
Ce n'est pas la première chanson que
nous publions avec un rôle joué par l'anguille. Ce n'est évidemment
pas pour ses qualités gustatives (2). L'insaisissable anguille est
déjà la vedette de deux chansons précédentes : « le père
Boniface » (n° 179, décembre 2016) où l'animal caché sous
la soutane perturbe le sermon du curé et « petites coquines »
(n°199, mai 2017) où la pêche à l'anguille est déconseillée aux
jeunes filles. Sans compter que son aspect serpentiforme la rattache
aussi au péché originel dans l'imaginaire collectif. Comme on a
déjà pu le voir, l'influence religieuse n'est jamais très loin,
même dans les chansons gaillardes.
Dans notre région, c'est l'anguille
qui fait l'objet de la dispute mère-fille et du jugement. Pourtant
il existe des versions où une andouille a remplacé l'animal ;
moins remuant mais tout aussi grivois. Dans certaines versions,
occitanes le plus souvent, la métaphore animalière est abandonnée
et c'est un garçon, toujours rencontré dans un champ de blé, qui
oppose les deux générations. Mère et fille se disputant les amours
d'un bellâtre, ça peut faire un bon sujet de roman. Mais on ne nous
otera pas de l'idée que la version imagée de la querelle est bien
plus intéressante.
Tout double sens mis à part, pour les
personnes qui s'intéresseraient de près à la vie de cet animal
voyageur, nous rappelons que notre CD « plaisirs de la table »
(3) comporte aussi une chanson sur les civelles, spécialité du pays
nantais, hélas aujourd'hui hors de prix. De sa jeunesse à ses
aventures galantes, l'anguille est donc bien une vedette de la
culture populaire locale.
Notes
1 – chanson n° 312 en octobre 2019
2 - ce qui est bien dommage. L'anguille
fumée vaut bien le saumon industriel et la truite d'élevage. Peut
être que la difficulté de préparation en cuisine ne joue pas en sa
faveur.
3 – la rubrique « nos
éditions » est la troisiième en partant de la gauche. Faute
de pouvoir nous retrouver sur les différentes festivités de
l'année, annulées pour les raisons que l'on sait, vous pouvez
toujours commander et vous faire livrer.
interprètes : Liliane
Berthe, Christine Dufourmantelle et Armelle Petit
source : Marie-Edith
Rialland, de la Chapelle des Marais, enregistrée le 26 mai 2016 par
Hugo Aribart
catalogue P. Coirault :
L'anguille dans la gerbe (11802- grivoises)
catalogue C. Laforte :
L'anguille adjugée à la jeune (I, H-08)
C'étaient la mère et la fille
Toutes deux s'en allaient glaner
Elles ont trouvé une anguille
Dans une gerbe de blé.
Marie Margoton tire lire
Prend garde à ta tire lirelire
Marie Margoton tire la
Prend garde à ton tire lirela
Elles ont trouvé une anguille,
Dans une gerbe de blé.
La fille la voudrait toute,
La mère en veut la moitié.
"Sacré garce! dit la mère,
Un procès est à juger!"
Et devant monsieur le juge,
l'affaire fut vite terminée
C'est la fille qui aura l'anguille,
La mère: la gerbe de blé!
"Sacré garce ! s'écrie la mère,
Ce procès est mal jugé,
Car vous autres, jeunes filles,
En avez tant que vous voulez.
Et nous autres pauvres vieilles,
Un p'tit bout que par charité."
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