Pour
notre plus grand plaisir, certaines chansons traditionnelles
exploitent un filon qui a fait la renommée du théâtre « de
boulevard » avec son triangle infernal : le mari, la
femme, l'amant. Quand, en plus, ce dernier rôle est tenu par un
ecclésiastique, personnage dont il est assez mal vu de se moquer
ouvertement, il s'ajoute à la gaudriole une forme de satire sociale
qui ne peut guère s'exprimer autrement.
Notre
chanson est localisée dans le bourg d'Escoublac (Escoubia) qui n'est
plus aujourd'hui qu'un quartier de la grande station balnéaire de la
Baule. La saison estivale vient juste de se terminer. Gageons qu'à
l'époque où a été composée cette saynète le front de mer était
beaucoup moins fréquenté.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
Au théâtre, le retour précipité du cocu, généralement ponctué d'un
« ciel mon mari ! », se traduit par un jeu de
cache-cache dont l'accessoire principal est la penderie. Dans la
société rurale des siècles précédents, penderies, placards et
dressing-room n'avaient pas encore été inclus dans l'habitation. En
revanche chaque maison disposait, en guise d'ameublement principal,
d'un coffre. La maie fait bien souvent office de fourre tout,
de la garde robe au vaisselier, du moins avant que des meubles
spécialisés ne remplissent ces fonctions. La maie sert parfois de
table aussi bien que de buffet. Ce qui explique qu'elle soit d'une
taille conséquente et permette d'y cacher un adulte.
Le
père trouve au moins un allié dans cette chanson. Le petit enfant
est tout fier de dénoncer la présence de l'intrus. Cette situation
ne nous est pas inconnue. On la retrouve, de manière dramatique
cette fois, dans la chanson de l'empoisonnement du mari (cf chanson
n°224 en novembre 2017).
La
vengeance du mari trompé se porte sur le religieux, tantôt présenté
comme moine ou comme curé. Ceci prouve bien que ce sont les travers
des hommes d'église qui sont principalement dénoncés. D'autres
corporations sont régulièrement visées dans ces chansons, en
particulier les meuniers ou les tailleurs dont le caractère débauché
est souvent rapporté.
Dans
d'autres versions de cette chanson quand ce n'est pas le petit enfant
qui vend la mèche, c'est le chien qui flaire une présence
étrangère. Mais à chaque fois l'aventure se termine par une
transaction pécuniaire. Après avoir flanqué une trouille mémorable
au moine, le mari est en position de force pour rentabiliser sa
situation de cocu.
Si
les amants sont généralement issus de ces mêmes milieux, d'une
chanson à l'autre les maris appartiennent toujours à des
corporations d'un milieu social très modeste : cordonnier ou
sabotier le plus souvent. En matière de métiers peu valorisants, le
folklore anglo-saxon nous offre une chanson similaire avec un taupier
(the molecatcher). Surprenant l'amant de sa femme il veut lui aussi
le faire payer. Mais devant la modicité de la somme l'amant se
console en se disant que chaque visite ne lui a finalement pas coûté trop cher. Pas très moral ! Mais ce sera, pour aujourd'hui
notre façon de protester contre le brexit.
interprètes :
Annick Mousset et Isabelle Maillocheau
source :
Fernand Guériff – le trésor des chants populaires folkloriques du
pays de Guérande, tome 3, page 158 - « chanté par Mme
Villais, d'Escoublac, d'après sa grand-tante Mahé, et par la mère
Morin, fermière ».
catalogue
P. Coirault : 9209 le curé dans la maie
C'est
au bourg d'Escoubiâ, p'tit cordonnier l'y a (bis)
Il
a t'une femme qui n'est pas à lui (ou : qui est trop jolie)
Les
curés et les moines sont tout le temps chez lui
Par
un lundi matin le p'tit cordonnier s'en va (bis)
Prit
une paire de bottes, la mit dans son bissâ (bis)
Pour
lui jouer un tour, est revenu le même jour (bis)
« Ouvre
moi la porte femme promptement !
J'ai
la goutte à la jambe et la fièvre me prend ! »
N'est
pas sitôt rentré, demande le curé (bis)
« Le
curé mon père, il est dans la maie,
En
place ordinaire où ma mère le met
Liez,
liez mes bœufs, liez les promptement (bis)
Je
par à Guérande, vendre la maie et tout dedans
J'en
trouve six pistoles, ou je fous le feu dedans
Y'a
pas de feuilles sur l'arbre qui tremblaient plus fort
Que
le pauvre moine qui respirait la mort
« Ouvre
moi la porte, p'tit cordonnier joli,
J'irai
plus voir femme qui aura mari
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