vendredi 17 février 2017

188 – Charmante Catin

A mi parcours entre la Saint Valentin - fête des fleuristes autant que celle des amoureux – et la Sainte Aimée voici un texte tout à fait d'actualité. Cette magnifique chanson d'amour au langage printanier a été entendue souvent chez les chanteurs de tradition, en Bretagne ou ailleurs.
Ce dialogue entre un Monsieur et une fille du peuple s'inscrit dans la lignée des bergeries qui ont fleuri (1) tout au long du 18ème siècle. Bergères, meunières, jardinières...rêvant au prince charmant y sont courtisées par un Monsieur, noble ou bourgeois, qui leur propose d'échapper à leur condition et de trouver l'amour. Ces chansons sont fort nombreuses mais peu atteignent l'intérêt poétique et mélodique de celle ci.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Les échanges entre ces jeunes filles et leurs amoureux ne finissent pas toujours aussi bien. Les fins heureuses (2) sont même minoritaires tant est grande la propension des bergères à se payer la tête des séducteurs. Pour sauver la morale elles préfèrent souvent leur berger ou leur garçon jardinier, et renvoient l'importun...sur les roses. Ici ce sont, œillets, jasmin et giroflée qui ponctuent le dialogue. Une progression bien choisie car si l’œillet peut avoir plusieurs sens dans le langage des fleurs, les deux autres symbolisent la passion et la fidélité !
Mme Bliguet, qui avait chanté cette chanson à Pierre Guillard, se prénommait elle même Aimée. Elle ne nous parle que d'une « jeune beauté ». Mais si le titre générique de la chanson peut aujourd'hui surprendre en raison du sens péjoratif donné à « catin », il n'est rien d'autre ici qu'un diminutif affectueux de Catherine. Pour avoir recherché d'autres versions de cette chanson nous avons pu constater que Catin n'est pas la seule à en avoir les honneurs. Nous avons rencontré : Cadin, Cadette, Badin, Eugénie, Louise, Olympe et Isabeau ; liste non définitive.
Entré chez la fleuriste pour acheter un bouquet, le prince charmant est tombé amoureux des beaux yeux bleus de la vendeuse. Ce serait la version modernisée de cette romance. Même si on aura sans doute du mal à entendre aujourd'hui un :
vos beaux yeux remplis de feu j'en deviens amoureux (3)
de même que :
voudrais-tu en ce jour y accomplir nos amours
qui se chante parfois :
venir dans ma cour pour y rester quelques jours
et beaucoup plus si affinités. C'est donc logiquement par un mariage que finira la chanson, l’héroïne plébéienne devenant :
dame d’honneur... femme d’un grand seigneur
Que de beaux sentiments amoureux !. Mais il nous faut maintenant vous avertir : si vous souhaitez rester dans cette ambiance idéale ne lisez pas le paragraphe suivant.
Bon, on vous aura prévenu. Force est de constater qu'un argument imparable vient emporter la décision de la jardinière :
voilà un diamant qui vaut mille francs
Le dernier couplet n'est qu'un touchant adieu au jardin dont la valeur sentimentale est loin atteindre celle du diamant. Pour preuve cette version, unique certes, où la jeune fille résiste à son amoureux :
Car tous les amants et tous les serments durent peu de temps
celui que je veux épouser sera mon jardinier
Il est vrai que dans cette version franc-comtoise (4) le séducteur n'a pas de diamant à offrir et se contente de promettre : donnes moi ton cœur, je ferai ton bonheur.
Vous trouvez cette conclusion un peu cynique ? Mais peut on reprocher à la jardinière d'avoir la tête sur les épaules quand on voit les conséquences de l'inconduite des belles de nos deux chansons précédentes, prêtes à suivre le premier godelureau ou militaire de passage ?

notes
1 – Facile le jeu de mots !
2 – « happy end » en langage hollywoodien
3 – texte de la version notée par Albert Poulain à Saint Just (35)
4 - publiée par Jean Garneret dans « chansons populaires Comtoise, volume 3 » (1985)

interprètes : Nolwenn Le Dissez et Hugo Aribart
source : collectage de Pierre Guillard chez Aimée Bliguet, à Teillé (44), le 21 février 1986 - version complétée par une version recueillie par Charles Quimbert auprès de Thérèse Voland
catalogue P. Coirault : 3918 la charmante Catin
Catalogue C. Laforte : III,A-4, la fille d'un jardinier

Charmante Catin

Que fais-tu là, jeune beauté, que fais-tu auprès de tes bouquets (bis)
J’ai cueilli la fleur de mille couleurs pour mon serviteur
La belle, voudrais-tu m’en donner, de tes fleurs, de tes bouquets

La belle, de tes charmants œillets, voudrais-tu m’en faire un bouquet (bis)
Entrez, mon beau monsieur, vous en choisirez de beaux et de bien faits
Laquelle est-elle, à vos yeux, la fleur qui vous plaira le mieux

Mais ce n’est pas ton jasmin que j’admire dans ton jardin
Mais ce n’est pas ta giroflée qui, ici, m’a l’mieux charmé
Ce sont tes beaux yeux, couleurs des cieux, qui me plaisent le mieux
La belle, voudrais-tu en ce jour y accomplir nos amours

Mais oui, la belle, je t’épous’rai, là, si tu voulais m’aimer (bis)
Tiens, voilà un diamant qui vaut mille francs, je t’en fais le présent
Et je te ferai dame d’honneur, la femme d’un grand seigneur

Auparavant de tout quitter, mon jardin, je veux saluer (bis)
Adieu jasmin, adieu romarin, je vous quitte enfin
Adieu toutes les fleurs du printemps que je quitte pour suivre mon amant (bis).


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