Délaissant pour une fois, nos sources
enregistrées et les publications locales, nous sommes allés
chercher cette chanson dans un recueil publié à Paris en 1910. Dans
Chansons de métiers (1), Paul Olivier a regroupé environ 400
chansons associées au travail « Soit qu'elles se chantent
durant la tâche et s'appliquent à reproduire par la mélodie le
rythme du travail auquel elles s'associent... soit qu'elles se
chantent par pur délassement en dehors du travail dont elles sont la
glorification et la manifestation extérieure ». Les chansons
de la première catégorie sont plutôt rares, hors du milieu
maritime (2). Celle ci est donc bien un divertissement d'après
travail. Olivier la classe à la rubrique ouvriers d'usine et donne
pour origine : Indret. Bien qu'il ne cite pas ses sources,
d'autres collectes effectuées sur le même secteur confirment
l'existence de versions proches.
pour lire la suite et écouter la chanson
L'arsenal d'Indret est sur la commune
d'Indre, mais sur la rive sud de la Loire. Après avoir accueilli des
moines, puis un château, le site accueille en 1777 une fabrique
royale de canons. Depuis 1821 l'arsenal d'Indret se consacre à la
production d'équipements pour la marine, moteurs en particulier. Il
emploie jusqu'à 2000 personnes. Aujourd'hui le site est toujours
occupé par cette activité, reprise par l'entreprise DCNS.
Bref, après leur journée faite, les
ouvriers de l'arsenal sortent en chantant. Car il est bien connu que
l'heure de la sortie, tout au long de l'année, c'est l'meilleur
moment de la journée (3). Les couplets appartiennent à toute
cette série d'histoires où le galant se laisse intimider par les
pleurs de la belle qui, pour s'échapper, prétexte d'avoir à
soigner une mère malade. Ce thème a été chanté sur tous les
tons. Le texte publié ici est donc proche de versions notées au sud
de la Loire (4) par Armand Guéraud. La mélodie devrait vous
rappeler une autre chanson si vous fréquentez ce blog depuis sa
création. Reportez vous à la version du prisonnier de Nantes (n°
27 – octobre 2013), originaire elle aussi du pays de Retz.
Pourtant, cette chanson nous laisse un
peu sur notre faim. On sent qu'il manque un épisode entre l'avant
dernier et le dernier couplet. Habituellement, la belle se moque du
galant avec des propos du genre :
Quand tu tenais la caille
Il fallait la plumer
Mais il ne faut pas
trop en demander à une compilation de chants liés au travail. La
présence de cette chanson parmi toutes celles consacrées à un
métier n'est sans doute là que pour justifier une rubrique
« ouvriers d'usine ». Cette rubrique est complétée par
deux autres chansons : les soudeux d'haricots verts, version de
la fille et des trois jolis mineurs (n° 57 de mai 2014 dans ce blog)
pour la conserverie, et la chanson revendicative Ali, Alo pour
Maschero, bien connue du coté de Dunkerque, sur laquelle des
ouvriers d'usine flamands sont censés « improviser en
travaillant ».
Notes
1 - Chansons de métiers – Paul
Olivier – librairie Charpentier et Fasquelle Paris 1910 –
consultable sur le site de la BNF « Gallica »
2 – Ça se discute ; mais on a
pas la place ici.
3 – faire référence à Sheila dans
un blog sur la chanson traditionnelle, faut le faire ! Allez jusqu'au bout de cet article; un cadeau bonus vous attend.
4 – il est question ici de la
Loire-Atlantique. Nous ne faisons pas de prévisions météorologiques.
Pour les références à Guéraud : voir notre fiche
bibliographique
source : Chansons de
métiers – Paul Olivier – librairie Charpentier et Fasquelle
Paris 1910 – page 250
interprète : Jean-Louis
Auneau
catalogues : Coirault n°
1905 le galant intimidé par les pleurs de la belle – Laforte 1-K-8
l'occasion manquée
Voila ma journée faite
saute de la ri tra la la
Voila ma journée faite
Je vais m'y promener
Je vais m'y promener, voyez
Je vais m'y promener
Dans mon chemin rencontre
Une jeune fille à mon gré
La prends par sa main blanche
Je la mène à danser
Quand elle fut dans la danse
Elle s'est mise à pleurer
J'ai ma mère malade
Faut que j'vais la soigner
Quand elle sera plus malade
Je reviendrai danser
Et moi garçon honnête
Je la laissai aller
Quand elle fut dans la plaine
Elle s'est mise à chanter
Tais toi petite sotte
Je saurai t’attraper
Cette photo, trouvée sur le forum des cabrettaires, est probablement parue dans le magazine "Mademoiselle Age Tendre" en 1963.
Et une seconde à la cabrette cette fois.
Merci à Denis, du blog cabrette coz, qui nous a communiqué ces infos.
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