Finies les régates, revenons aux choses sérieuses. On n'est pas là pour s'amuser avec cette évocation des objectifs guerriers de la Royale. Nous voici replongés dans l'ambiance du 17è siècle, époque où la navigation à voile n'est pas une partie de plaisir. Seules comptent les conquêtes navales ou commerciales pour lesquelles les chantiers de marine réalisent leurs plus beaux navires. Pour que personne n'en doute on les affuble de noms ronflants : le Triomphant, le Conquérant, le Soleil royal...ou le Sans pareil. Des appellations qui devraient leur valoir une destinée hors du commun. La réalité est parfois plus cruelle.
Pour écouter la chanson et lire la suite :
Cette chanson a déjà été endisquée (1) au moins deux fois : par le groupe l'Echo (ex Echo des luths) sur leur second CD et par la Godinette sur le CD consacré au canal de Nantes à Brest (2). Tous deux citent la même source pour cette chanson recueillie du coté de Pornic au 19è siècle. Elle est, en effet, dans la liste des mélodies notées par le violoneux Poiraud dont nous avons déjà réinterprété un certain nombre. Pour celle-ci, nous avons choisi une interprétation différente, dans l'intention, histoire de mettre plus en valeur la fin tragique de cette épopée guerrière.
En effet, derrière le prestige de la marine royale et la gloriole des combats, arrivent inévitablement les drames des batailles, les fortunes de mer et leurs conséquences fâcheuses. Peu de chansons, même parmi celles qui évoquent l'issue dramatique de batailles navales, font place au sort de celles qui restent à terre en espérant le retour d'un fils, d'un mari ou d'un amant. C'est sans doute la principale caractéristique de cette chanson qui n'échappe pas pour autant aux bravades et fanfaronnades.
Un peu d'histoire maintenant pour illustrer ces propos. Le Sans Pareil a été lancé en 1667 des chantiers navals de Brest. D'abord baptisé « le Prince », il est rebaptisé « Sans Pareil » en 1671. Il s'illustre dans les combats de la guerre de Hollande, puis va combattre en Méditerranée jusqu'en 1679. Cette année là il revient en Atlantique pour nettoyer la mer des corsaires indésirables, avec ses soixante et quelque canons. Malheureusement, ces engagements répétés ont affaibli la structure du bateau. Mal réparé, l'étoupe qui a servi à le calfater se gorge d'eau et le Sans Pareil finit par sombrer au large de Belle-Ile. Le comte de Tourville, qui le commande, tente d'organiser l'évacuation vers les autres bâtiments de la flotte. Mais l'état de la mer ne facilite pas les choses et comme beaucoup de marins ne savent pas nager on ne récupère finalement que 78 personnes sur les 400 qui composent l'équipage. « Oh que de femmes veuves, que de filles de quinze ans ont perdus leurs amants ».La fin du Sans Pareil est donc moins glorieuse que ne le laissent imaginer la plupart des couplets. Voilà sans doute pourquoi le dernier de ceux ci tranche curieusement avec ce qui précède.
notes
1 - cette appellation est typique du français du Québec. Mais elle est tellement parlante que nous l'avons définitivement adoptée.
2 – L'Echo « Entre terre et mer » Escalibur CD 835 (1991) – La Godinette « Le canal de Nantes à Brest » CO-le label 02/11 (2004)
interprète : Jean-Louis Auneau
source : quatre vingt chansons du pays de Retz – cahier de chansons du violoneux Poiraud, compilé par Michel Gautier
Pas de référence au catalogue de Patrice Coirault
image: https://commons.wikimedia.org/
A Brest la jolie
A Brest la jolie
Nous nous sommes la - lon lan la
Nous nous sommes embarqués
Dessus le Sans Pareil
beau navire là - lon lan la
beau navire à la mer
Mais quand nous fumes au large
au large la - lon lan la
au large en pleine mer
J'aperçumes un navire
qui venait droit - lon lan la
qui venait droit à nous
Avec des vents largues
Amène jo - li français
Ou je vais t'aborder
Tu veux donc que j'amène
Moi qui ai la - lon lan la
Moi qui ai si beau temps
Toutes mes voiles hautes
Toutes remplies - lon lan la
Toutes remplies de vent
Sera pour mieux nous battre
Tout mettre la - lon lan la
tout mettre à feu et à sang
Oh que de femmes veuves
Que de filles - de quinze ans
Ont perdu leurs amants
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire