samedi 28 août 2021

382 - Le « Sans Pareil »

 Finies les régates, revenons aux choses sérieuses. On n'est pas là pour s'amuser avec cette évocation des objectifs guerriers de la Royale. Nous voici replongés dans l'ambiance du 17è siècle, époque où la navigation à voile n'est pas une partie de plaisir. Seules comptent les conquêtes navales ou commerciales pour lesquelles les chantiers de marine réalisent leurs plus beaux navires. Pour que personne n'en doute on les affuble de noms ronflants : le Triomphant, le Conquérant, le Soleil royal...ou le Sans pareil. Des appellations qui devraient leur valoir une destinée hors du commun. La réalité est parfois plus cruelle.

Pour écouter la chanson et lire la suite :

Cette chanson a déjà été endisquée (1) au moins deux fois : par le groupe l'Echo (ex Echo des luths) sur leur second CD et par la Godinette sur le CD consacré au canal de Nantes à Brest (2). Tous deux citent la même source pour cette chanson recueillie du coté de Pornic au 19è siècle. Elle est, en effet, dans la liste des mélodies notées par le violoneux Poiraud dont nous avons déjà réinterprété un certain nombre. Pour celle-ci, nous avons choisi une interprétation différente, dans l'intention, histoire de mettre plus en valeur la fin tragique de cette épopée guerrière.

En effet, derrière le prestige de la marine royale et la gloriole des combats, arrivent inévitablement les drames des batailles, les fortunes de mer et leurs conséquences fâcheuses. Peu de chansons, même parmi celles qui évoquent l'issue dramatique de batailles navales, font place au sort de celles qui restent à terre en espérant le retour d'un fils, d'un mari ou d'un amant. C'est sans doute la principale caractéristique de cette chanson qui n'échappe pas pour autant aux bravades et fanfaronnades.

Un peu d'histoire maintenant pour illustrer ces propos. Le Sans Pareil a été lancé en 1667 des chantiers navals de Brest. D'abord baptisé « le Prince », il est rebaptisé « Sans Pareil » en 1671. Il s'illustre dans les combats de la guerre de Hollande, puis va combattre en Méditerranée jusqu'en 1679. Cette année là il revient en Atlantique pour nettoyer la mer des corsaires indésirables, avec ses soixante et quelque canons. Malheureusement, ces engagements répétés ont affaibli la structure du bateau. Mal réparé, l'étoupe qui a servi à le calfater se gorge d'eau et le Sans Pareil finit par sombrer au large de Belle-Ile. Le comte de Tourville, qui le commande, tente d'organiser l'évacuation vers les autres bâtiments de la flotte. Mais l'état de la mer ne facilite pas les choses et comme beaucoup de marins ne savent pas nager on ne récupère finalement que 78 personnes sur les 400 qui composent l'équipage. « Oh que de femmes veuves, que de filles de quinze ans ont perdus leurs amants ».

La fin du Sans Pareil est donc moins glorieuse que ne le laissent imaginer la plupart des couplets. Voilà sans doute pourquoi le dernier de ceux ci tranche curieusement avec ce qui précède.



notes

1 - cette appellation est typique du français du Québec. Mais elle est tellement parlante que nous l'avons définitivement adoptée.

2 – L'Echo « Entre terre et mer » Escalibur CD 835 (1991) – La Godinette « Le canal de Nantes à Brest » CO-le label 02/11 (2004)


interprète : Jean-Louis Auneau

source : quatre vingt chansons du pays de Retz – cahier de chansons du violoneux Poiraud, compilé par Michel Gautier

Pas de référence au catalogue de Patrice Coirault

image: https://commons.wikimedia.org/



A Brest la jolie

A Brest la jolie

Nous nous sommes la - lon lan la

Nous nous sommes embarqués


Dessus le Sans Pareil

beau navire là - lon lan la

beau navire à la mer


Mais quand nous fumes au large

au large la - lon lan la

au large en pleine mer


J'aperçumes un navire

qui venait droit - lon lan la

qui venait droit à nous


Avec des vents largues

Amène jo - li français

Ou je vais t'aborder


Tu veux donc que j'amène

Moi qui ai la - lon lan la

Moi qui ai si beau temps


Toutes mes voiles hautes

Toutes remplies - lon lan la

Toutes remplies de vent


Sera pour mieux nous battre

Tout mettre la - lon lan la

tout mettre à feu et à sang


Oh que de femmes veuves

Que de filles - de quinze ans

Ont perdu leurs amants


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