lundi 7 janvier 2019

279 - A Méan il est arrivé (l'empêchement des bans )

Nous nous sommes quittés avec un refrain qui proclamait : « buvons, nous en allons ». Nous nous retrouvons avec une arrivée. Toute ressemblance avec un récent déménagement (le notre) serait, bien sur, fortuite.
Avec une entrée en matière qui nous annonce l'arrivée d'un navire dans le port de Méan, on s'attend à ce qu'il soit chargé de blé et que des dames aillent le marchander. Pas du tout ! C'est une toute autre histoire qui débute ainsi. Une histoire d'amour doublée d'un suspense insoutenable : les amoureux seront-ils enfin réunis ?
Pour écouter la chanson et lire la suite :


La publication des bans, c'est à dire la publicité préalable au mariage, avant d'être un acte civil était déjà imposée par l’Église comme moyen d'éviter les mariages forcés et trop rapides ou entre parents trop proches. C'est, par exemple, le thème du « Barbier de Séville » de Beaumarchais. Dans notre chanson, c'est bien de cela qu'il s'agit : la fille est en passe d'être mariée contre son gré.
Dans cette version recueillie au 19è siècle par Gustave Clétiez en pays guérandais, la raison du mariage forcé est traitée un peu trop rapidement. Habituellement, le texte de l'empêchement des bans comporte un épisode supplémentaire. Le galant rencontre sa bien aimée qui lui explique que si elle a été fiancée c'est contre son gré
Fille fiancée que je suis, ma mère en est la cause (1)
ou même
Fiancée je la suis, j'n'en sais pas davantage
ce qui montre bien que les parents ne lui ont pas demandé son avis. C'est elle qui demande au garçon d'y mettre empêchement. Il arrive que celui ci fasse durer le suspense  :
Si c'est rendu à ce point là, empêchement n'y mettrais pas
Les mariages forcés ou arrangés étaient-ils plus fréquents chez les gens riches ? C'est probable en raison des intérêts financiers en jeu. La chanson nous décrit souvent un riche galant allant voir sa mie à cheval et avec l'épée au coté.
Pourquoi la chanson est elle localisée à Méan, zone portuaire de Saint Nazaire ? Fernand Guériff, qui l'a publiée dans le premier tome de ses chansons du pays de Guérande, précise : « le nom de ville est interchangeable. On peut dire à Lorient ou à Dinan... ». Parmi toutes les versions qui situent l'action dans un endroit particulier beaucoup semblent dériver d'une forme ancienne populaire au milieu du 18è siècle, selon P. Coirault :
En revenant de St Germain passant par la Rochelle
Toujours est-il que La Rochelle revient fréquemment, mais aussi Bordeaux, Lyon, Saint Quentin, Saint Denis, etc. Mais elle débute aussi régulièrement par des formules du style :
Par un matin me suis levé plus matin que ma tante, (ou que la lune, ou que de coutume...)
L'incipit de cette chanson est pourtant bien moins intéressant que sa conclusion qui aboutit toujours à une sentence justifiant l'empêchement. Le curé se plaint d'être importuné par un insolent ou bien demande s'il est de ses parents avant de découvrir qu'il est le véritable amant de la fille.
S'il y a sept ans que vous fréquentez il est bien temps de vous marier
D'ailleurs il serait plus que temps de régulariser la situation si ces amours durent, comme ici, depuis quinze ans. La chanson se termine avec l'offre d'éléments symboliques : anneaux, rubans... Le ruban blanc est un symbole d'engagement et de fidélité (2).
Un commentaire pour finir ? Cela ne vous aura pas échappé : pour une fois nous avons une chanson d'amour qui finit bien !
NB : cette chanson a aussi été enregistrée sur notre CD « Saint Nazaire en chansons » dont quelques exemplaires sont encore disponibles pour une somme on ne peut plus modique (Pourquoi s'en priver ? Voir page « nos éditions »). Elle y est chantée par Marc Clérivet.

Notes
1 – dans: Angelina Duplessix, chansons et contes de Haute-Bretagne (Dastum, La Boueze, PUR – 2015). Le père est aussi souvent mis en cause. Il lui arrive même de dialoguer avec le garçon. Les autres extraits cités proviennent des collectes de Barbillat, Guéraud , Garneret, Coirault...et de chansons disponibles sur la base Dastumedia.
2 - Aujourd'hui porter un ruban blanc est associé à d'autres causes notamment la défense contre les violences faites aux femmes

interprète : Jeannette Lebastard
source : répertoire recueilli par G. Clétiez – publié par Fernand Gueriff dans le volume 1 du « Trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande », page 128 (1983)
Catalogue P. Coirault : L’empêchement des bans (Traverses - N° 1432)
Catalogue C. Laforte : Les bans (2-B-62)

A Méan il vient d’arriver un fort joli navire (bis)
Les nouvelles y sont apportées
La, la, la, la, la, la, la, la, la
Les nouvelles y sont apportées
Que ma mie vient d’se fiancer

Se fiancer, assurément, malheureuse journée (bis)
Ce s’ra dimanche, le premier ban
La, la, la, la, la, la, la, la, la
Je vais y mettre empêchement

Voici le dimanche arrivé, le curé monte en chaire (bis)
Ecoutez bien, petits et grands…
Je vais vous annoncer les bans

Et son amant qui était là s’approche de la chaire (bis)
Ah, ne publiez pas les bans…
Je viens y mettre empêchement

Il y a quinze ans que je l’aimais et que je l’aime encore (bis)
Il y a quinze ans que vous l’aimez…
Il est juste que vous l’ayez

Ce s’ra demain foire à Méan, que donnerai-je à ma mie (bis)
J’apporterai un ruban blanc…
Nos cœurs seront unis dedans

Que ferez-vous de ce ruban, ma très chère maîtresse (bis)
Il ornera mes blonds cheveux…
Quand nous serons unis tous deux.

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