vendredi 20 octobre 2017

220 - La femme du bambocheur

Histoire tragique ou tragi-comique ? Toutes les interprétations sont possibles avec cette aventure réaliste qui nous plonge tantôt dans le sordide, tantôt dans le grivois. La femme du bambocheur est elle juste une victime d'un drame de l'alcoolisme ou bien la risée des amateurs de libertinage ?. Subit elle son sort avec résignation ou avec esprit de revanche ? Derrière cette chanson d'allure anodine, il y a débat sur sa portée réelle.
Mais avant d'entrer dans ces détails, parlons un peu de l'interprète de la version que nous avons choisie. Elle vient du répertoire de Lucien Gicquel, chanteur dont vous pourrez découvrir deux autres interprétations dans le récent CD-livret que nous venons de consacrer au pays de Chateaubriant.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


C'est donc un bambocheur que sa femme va chercher à l'auberge. Ce terme, synonyme de fêtard, est plus aimable que ceux employés dans d'autres variantes de cette chanson : riboteur, ivrogne, débauché, libertin...Souvent c'est par sa profession qu'on désigne le mari indigne. On trouve ainsi des roulier, vigneron, facteur, sonneur, ramoneur, savetier, cloutier, cordonnier, et assez souvent un tambour ce qui laisse supposer que la chanson était prisée par les militaires. La pauvre femme est parfois tout simplement une femme de Bordeaux. Mais celle qui a notre préférence est dans une version notée par Achille Millien (1) :
la femme du vieux Lambour
qui a le cul de plâtre
et les fesses de velours
Une autre particularité de cette chanson est l'utilisation d'une très brève ritournelle qui vient ponctuer l'avant dernier vers de chaque couplet. Les lideri, lidera, la hi la, tireli, et autres lalira ou ladirette sont les plus fréquents. Dans l'ouest et en Haute-Bretagne en particulier on trouve très souvent l'expression Nom de nom, comme dans cette version de Lucien Gicquel, qui varie parfois en Nom de d'la, sans que cela corresponde au besoin de l'assonance.
Nous l'avons dit, cette chanson est très répandue. Mais si d'une version à l'autre les paroles varient peu, elle peut prendre un sens tout à fait différent selon le couplet ou s'arrête cette histoire peu morale. Elle change alors complètement de catégorie.
Si l'interprète omet le couplet où les enfants répondent à leur mère, la chanson passe simplement pour une dénonciation de la débauche des maris buveurs et s’apitoie sur le sort de leurs épouses.
Si elle inclut cette réponse, où les enfants prennent leur père comme modèle, on entre dans la dérision et bien souvent dans la chanson paillarde. Un site consacré à ce type de chansons a fait une analyse détaillée de cette « Femme du bambocheur »(2).
Mais la présence assez fréquente d'un dernier couplet ou la femme promet de se venger – ou regrette de ne pas l'avoir fait – en donne une interprétation beaucoup plus féministe.
Voila sans doute pourquoi cette aventure, somme toute assez banale, a connu autant de succès en pouvant s'intégrer indifféremment aux répertoires des complaintes populaires aussi bien qu'à celui des salles de gardes.

notes
1 - Achille Millien, Chansons populaires du Nivernais et du Morvan, tome 3, p. 196
2 – Étude complète à découvrir ici – un extrait: « Cette histoire de La femme d'un libertin et ses variantes les plus connues (telle que La femme du roulier) sont souvent victimes d'interprétations pour le moins contestables. En effet, sous prétexte que la tradition estudiantine les a accaparées, pour en faire les piliers d'un répertoire de corps de garde, elles font désormais figures d'apologies de la débauche masculine; ce qui, au regard d'une lecture attentive du texte, est un contresens total. Loin d'être une invitation au libertinage, cette chanson, empreinte d'un désespoir total, ressemble plutôt à un constat d'échec. Sur toute la ligne; puisque les enfants ne valent pas mieux que leur père. » 

interprète : Barberine Blaise
source : Lucien Gicquel, de Saint-Vincent-des-Landes, enregistré en février 1988 par Patrick Bardoul et Lydie Pécot
catalogue P. Coirault : La femme du roulier (Maumariées – N° 05505)
catalogue C. Laforte : La femme du roulier (II, Q–01)

La femme du bambocheur

Y’a-t-il rien de plus drôle qu’un homme bambocheur (bis)
Car il s’en va d’une auberge en auberge
Sa femme va le chercher, nom de nom
Avec une lanterne

Bonsoir madame l’hôtesse, mon mari n’est-il pas là ? (bis)
Il est là-haut, dans la plus haute chambre
En train d’s’y divertir, nom de nom
Avec notre jeune servante

La femme, la bonne femme, dans la chambre elle monta (bis)
T’y voilà là, mon homme, mon méchant homme
En train d’t’y divertir, nom de nom
Chez nous l’y a personne

Ma femme, ma bonne femme, retourne t’en chez toi (bis)
Retourne t’en apprêter ta cuisine
Et moi pendant c’temps là, nom de d’là
J’y caress’rai Joséphine (les filles)

La femme, la bonne femme, s’en retourne en pleurant (bis)
Elle dit à ses enfants : Vous n’avez plus de père
Il est en train d’s’y divertir, nom de nom
Avec une belle bergère

Ma mère, ma bonne mère, ne pleurez donc point tant (bis)
Car quand nous serons grands
Nous ferons comme notre père
Nous caresserons les filles, nom de d'la
En passant la rivière

Vingt dieux si j’avais su, en passant la rivière
J’les aurais tous noyés, nom de d’là
Les enfants et leur père


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