samedi 30 juillet 2016

162 - Martin s'en revient du marché

Martin est un meunier qui rencontre quelques difficultés économiques : son blé se vend mal (1). De colère il s'en prend à une pauvre bête qui n'y était pour rien. On espère que la SPA nous pardonnera de publier une chanson qui fait un sort aussi cruel à un compagnon domestique. D'autant que le texte ne se prive pas d'insister sur l'utilité d'un chat dans un moulin ou dans un jardin.
L'autre victime de cette chanson c'est encore une fois le clergé dont on se moque assez régulièrement pour sa gourmandise. Quand M. le curé ne se brûle pas la main en trempant son pain dans la sauce (2), il trouve dans son assiette des éléments qui mettent le doute sur la qualité de ce qu'on lui sert. Le lapin ou le lièvre qui ont miaulé sont-ils un aspect de la gastronomie populaire. Malgré le nombre d'histoires qui courent sur ce sujet, la réponse est, heureusement, négative.
Pour écouter la chanson et lire la suite:



Cette chanson a été reprise par Fernand Guériff dans le premier tome du trésor des chansons populaires du pays de Guérande. Elle provient des collectes d'Abel Soreau, qui a noté des chansons un peu partout en Loire-Atlantique et même au delà ; et donc pour celle ci dans la commune d'Assérac.
Cette histoire de pâté de chat semble assez ancienne. Le timbre et la chanson ont été publiés dès le 18ème siècle. Mais le nombre de versions recueillies n'est pas très important et semble localisé dans l'ouest. Par exemple, on en trouve quatre dans le recueil d'Armand Guéraud (3). Dans ses commentaires, Joseph Le Floch note que « ces quatre versions sont bienvenues puisque cette chanson n'était connue que par trois références, dont une canadienne et deux bretonnes ». Elles viennent toutes du sud de la Loire : les Landes Génusson (en Vendée), Vieillevigne et Machecoul (en Loire-Atlantique). Deux d'entre elles délaissent Martin pour le personnage de Mitaine qu'on retrouve dans d'autres chansons qui ont pu croiser celle ci. Le thème de Mitaine et la fille du meunier a pour argument la rencontre d'une fille nommée Margot qu'il veut embrasser. Elle lui demande d'abord de se moucher et en profite pour s'échapper (4).
Pour en revenir aux mésaventures du chat en cuisine, elles sont évoqués dans bien des histoires, menteries ou contes populaires. Dans la chanson, c'est aussi le thème, plus répandu, du pâté gigantesque fait par les dames de Rouen. En le coupant on y trouve un chat cornu. Les félins sont souvent associés à des phénomènes diaboliques. Est ce une raison pour vouloir les mettre à toutes les sauces ?
Enfin, nous connaissons aussi la tromperie décrite dans quelques textes courts, le plus souvent à danser, recueillis en pays gallo, comme celui ci noté par Hervé Dréan à Péaule (Morbihan)
Y’a ‘core dix filles à Malansa’
Elles ont tout équeuté leur chat
Elles l’ont mis sur la grille
Elles ont fait croire aux gars d’Marzan
Que c’était de l’anguille
Pauvre bête ! Et sans aucun intérêt gastronomique ; heureusement pour la survie de l'espèce.

notes
1 – un sujet qui revient dans d'autres chansons – voir dans ce blog le scandale du blé n°128 de novembre 2015
2 – l'histoire d'un coq, qui lui aussi s'appelait Martin !
3 – chants populaires du Comté nantais et du Bas-Poitou (Modal/FAMDT 1995) Ces chansons sont dans le tome 2, page 476 et suivante
4 – dans le même ouvrage de Guéraud, mais cette fois dans le tome 1, page 300

interprète : Roland Guillou
source : Le trésor des chansons populaires du pays de Guérande, volume I, de Fernand Guériff (p. 279) – collecte d' Abel Soreau - informateur : Athanase Ollivier, à Assérac, en 1892
catalogue P. Coirault : Le meunier qui met son chat en pâté (Badines – N° 00307)
catalogue C. Laforte : Le pâté de chat (I, C-13)


Martin s'en revient du marché (bis)
Il n'a pas tout vendu son blé

refrain
J'aurai l'âne et le bât et le sac et le blé
Et le train train train et l'argent du meunier

Il n'a pas tout vendu son blé (bis)
De colère son chat il a tué…

Il en a fait un gros pâté…

A t'invité monsieur l' curé…

De venir manger son pâté…

Plein de gros peils il a trouvés…

De quoi est fait votre pâté ? …

D'un bon gros lièvre, monsieur l' curé…

Qui prend les rats dans les greniers…

Et les souris dans les celliers…

Qui prend les merles dans les poiriers…


Et les moineaux dans les c’risiers…

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