vendredi 31 mars 2017

194 - Le bouquet de saulde

On connaissait les chansons à faire pleurer la mariée ; en voici une pour faire pleurer les délaissées. Cette coutume, déjà notée par plusieurs historiens locaux, a encore été rapportée à Patrick Bardoul lors d'un collectage, dans les années 80, en la commune de Ruffigné. Le plus extraordinaire c'est que cela donnait lieu à des réjouissances, puisque cette chanson est un air de danse en rond.
La chanson en elle même n'est pas spécifique à cette occasion. Même si son thème se rapporte à l'abandon d'une jeune fille et à sa fin dramatique, l'analogie s'arrête là.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Le saulde n'est que l'orthographe ancienne du saule. Dans son ouvrage sur le folklore du mariage en Loire-Atlantique (1), Joseph Stany-Gauthier précise que « dans les temps anciens le saule était l'attribut des cœurs déçus, des délaissés » Cette coutume particulière a été décrite pour la première fois par Joseph Chapron dans son Dictionnaire des coutumes, des croyances et langage du Pays de Châteaubriant (2). Voici ce qu'il en dit :
« Quand une jeune fille, ayant été demandée en mariage ou seulement courtisée par un garçon, était abandonnée ou délaissée par ce même garçon, la coutume était, il y a encore naguère, d'aller fleurir sa maison d'une haute branche de saule, la plus belle du têtard, la veille même du mariage de ce garçon avec une autre jeune fille ». La coutume valait aussi pour un garçon dont la demande avait été repoussée. Les jeunes du village en faisaient une fête avec cortège, lampions et pétarades. Ils chantaient une chanson spéciale à cette circonstance. «on s'arrêtait aux carrefours et sur les places, pour danser des rondes autour du bouquet ; la dernière ronde avait lieu devant la maison de la personne à qui il était destiné...Quand l'abandonné était insouciant du délaissement, ou avait bon caractère, sa famille donnait à boire à tous ceux qui avaient pris part à la fête ».
Comme vous pourrez le lire par ailleurs, nous participons activement à l'édition d'un CD/livret sur les traditions orales du pays de Chateaubriant, dont la parution est annoncée pour la rentrée scolaire. C'est un vaste répertoire de chants, danses, contes et autres formulettes parmi lesquels nous devons faire des choix, faute de place. Cette chanson ne pourra pas y figurer. C'est pourquoi nous avons choisi de vous la présenter en la réinterprétant.
La chanson elle même utilise des formules présentes dans plusieurs chansons types : «ceux qui vous l'ont dit belle ont dit la vérité », « mange, beau poisson mange »...La mélodie et le refrain ont servi à d'autres chansons traditionnelles. Ce qui nous permet de vérifier une fois de plus que paroles et refrains ne sont pas indissociables.

notes
1 – Folklore de la Loire-Inférieure : de la naissance à la mort par Joseph Stany-Gauthier, conservateur du musée d'art populaire breton de Nantes en 1957
2 – Dictionnaire des coutumes, croyances, langage du pays de Chateaubriant, par Joseph Chapron de Chateaubriant – publié en 1924, réimprimé en 1984 (Laffite reprints)

interprètes : Jean-Louis Auneau avec Daniel Lehuédé, Francis Boissard et Dominique Juteau
sources : collecte Patrick Bardoul à Ruffigné en 1981 et ouvrages cités


La chanson du bouquet de saulde

Falira la la, c'est une jeune fille (bis)
Falira don dé, qui veut se marier (bis)

Falira la la, son amant va la voir
Falira don dé, le soir après souper

Falira la la, il la trouva seulette
Falira don dé, sur son lit qui pleurait

Falira la la, qu'avez vous donc la belle
Falira don dé, qu'avez vous à pleurer

Falira la la, c'est que l'on m'a dit Pierre
Falira don dé, que vous alliez me quitter

Falira la la, ceux qui vous l'ont dit belle
Falira don dé, ont dit la vérité

Falira la la, pliez moi mes chemises
Falira don dé, et mes mouchoirs dressés

Falira la la, venez me reconduire
Falira don dé, jusqu'au bord du rocher

Falira la la, tant qu'elle a pu le voir
Falira don dé, elle l'a regardé

Falira la la, quand elle ne l'a plus vu (e)
Falira don dé, dans la mer s'est jetée

Falira la la, mange, beau poisson mange
Falira don dé, tu as de quoi manger

Falira la la, tu as la plus belle fille
Falira don dé, qu'il y a dans l'évéché

Falira la la, elle a des cheveux jaunes
Falira don dé, et des sourcils dorés

Falira la la, elle a la bouche vermeille
Falira don dé, comme la rose au rosier

Falira la la, tu as la mer à boire
Falira don dé, et ma mie à manger



2 commentaires:

  1. Pas de catalogage Coirault/Laforte pour cette chanson ?

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  2. Bonne question ! Ce texte présente des analogies avec plusieurs chansons-type mais ne peut être, à notre avis, raccrochée à aucune en particulier. L'expression « ceux qui ont dit ça la belle ont dit la vérité » est présente au moins dans deux chansons de départs pour l'armée. La première c'est « le départ pour le Piémont » (le portrait) réf. Coirault 3008. Une autre chanson débute de la même manière, c'est « l'amant au cheval sellé bridé » (la belle Françoise) réf. Coirault 3019. Mais dans les deux cas le sujet est différent.
    Ça fait toujours plaisir de voir qu'on n'est pas les seuls à s'intéresser au sujet !

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