On connaissait les chansons à faire
pleurer la mariée ; en voici une pour faire pleurer les
délaissées. Cette coutume, déjà notée par plusieurs historiens
locaux, a encore été rapportée à Patrick Bardoul lors d'un
collectage, dans les années 80, en la commune de Ruffigné. Le plus
extraordinaire c'est que cela donnait lieu à des réjouissances,
puisque cette chanson est un air de danse en rond.
La chanson en elle même n'est pas
spécifique à cette occasion. Même si son thème se rapporte à
l'abandon d'une jeune fille et à sa fin dramatique, l'analogie
s'arrête là.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Le saulde n'est que
l'orthographe ancienne du saule. Dans son ouvrage sur le
folklore du mariage en Loire-Atlantique (1), Joseph Stany-Gauthier
précise que « dans les temps anciens le saule était
l'attribut des cœurs déçus, des délaissés » Cette coutume
particulière a été décrite pour la première fois par Joseph
Chapron dans son Dictionnaire des coutumes, des croyances et langage
du Pays de Châteaubriant (2). Voici ce qu'il en dit :
« Quand une jeune fille, ayant
été demandée en mariage ou seulement courtisée par un garçon,
était abandonnée ou délaissée par ce même garçon, la coutume
était, il y a encore naguère, d'aller fleurir sa maison d'une haute
branche de saule, la plus belle du têtard, la veille même du
mariage de ce garçon avec une autre jeune fille ». La coutume
valait aussi pour un garçon dont la demande avait été repoussée.
Les jeunes du village en faisaient une fête avec cortège, lampions
et pétarades. Ils chantaient une chanson spéciale à cette
circonstance. «on s'arrêtait aux carrefours et sur les places, pour
danser des rondes autour du bouquet ; la dernière ronde avait
lieu devant la maison de la personne à qui il était
destiné...Quand l'abandonné était insouciant du délaissement, ou
avait bon caractère, sa famille donnait à boire à tous ceux qui
avaient pris part à la fête ».
Comme vous pourrez le lire par
ailleurs, nous participons activement à l'édition d'un CD/livret
sur les traditions orales du pays de Chateaubriant, dont la parution
est annoncée pour la rentrée scolaire. C'est un vaste répertoire
de chants, danses, contes et autres formulettes parmi lesquels nous
devons faire des choix, faute de place. Cette chanson ne pourra pas y
figurer. C'est pourquoi nous avons choisi de vous la présenter en la
réinterprétant.
La chanson elle même utilise des
formules présentes dans plusieurs chansons types : «ceux qui
vous l'ont dit belle ont dit la vérité », « mange, beau
poisson mange »...La mélodie et le refrain ont servi à
d'autres chansons traditionnelles. Ce qui nous permet de vérifier
une fois de plus que paroles et refrains ne sont pas indissociables.
notes
1 – Folklore de la Loire-Inférieure :
de la naissance à la mort par Joseph Stany-Gauthier, conservateur du
musée d'art populaire breton de Nantes en 1957
2 – Dictionnaire des coutumes,
croyances, langage du pays de Chateaubriant, par Joseph Chapron de
Chateaubriant – publié en 1924, réimprimé en 1984 (Laffite
reprints)
interprètes : Jean-Louis
Auneau avec Daniel Lehuédé, Francis Boissard et Dominique Juteau
sources : collecte Patrick
Bardoul à Ruffigné en 1981 et ouvrages cités
La chanson du bouquet de saulde
Falira la la, c'est une jeune fille
(bis)
Falira don dé, qui veut se marier
(bis)
Falira la la, son amant va la voir
Falira don dé, le soir après souper
Falira la la, il la trouva seulette
Falira don dé, sur son lit qui
pleurait
Falira la la, qu'avez vous donc la
belle
Falira don dé, qu'avez vous à pleurer
Falira la la, c'est que l'on m'a dit
Pierre
Falira don dé, que vous alliez me
quitter
Falira la la, ceux qui vous l'ont dit
belle
Falira don dé, ont dit la vérité
Falira la la, pliez moi mes chemises
Falira don dé, et mes mouchoirs
dressés
Falira la la, venez me reconduire
Falira don dé, jusqu'au bord du rocher
Falira la la, tant qu'elle a pu le voir
Falira don dé, elle l'a regardé
Falira la la, quand elle ne l'a plus vu
(e)
Falira don dé, dans la mer s'est jetée
Falira la la, mange, beau poisson mange
Falira don dé, tu as de quoi manger
Falira la la, tu as la plus belle fille
Falira don dé, qu'il y a dans l'évéché
Falira la la, elle a des cheveux jaunes
Falira don dé, et des sourcils dorés
Falira la la, elle a la bouche
vermeille
Falira don dé, comme la rose au rosier
Falira la la, tu as la mer à boire
Falira don dé, et ma mie à manger
Pas de catalogage Coirault/Laforte pour cette chanson ?
RépondreSupprimerBonne question ! Ce texte présente des analogies avec plusieurs chansons-type mais ne peut être, à notre avis, raccrochée à aucune en particulier. L'expression « ceux qui ont dit ça la belle ont dit la vérité » est présente au moins dans deux chansons de départs pour l'armée. La première c'est « le départ pour le Piémont » (le portrait) réf. Coirault 3008. Une autre chanson débute de la même manière, c'est « l'amant au cheval sellé bridé » (la belle Françoise) réf. Coirault 3019. Mais dans les deux cas le sujet est différent.
RépondreSupprimerÇa fait toujours plaisir de voir qu'on n'est pas les seuls à s'intéresser au sujet !