vendredi 10 mars 2017

191 - Les avantages du chemin de fer

Décidément, ce blog, créé pour valoriser la chanson traditionnelle, fait la part belle aux auteurs de chansons populaires sortis de l'anonymat. Encore qu'en écoutant cette chanson on se demande si son auteur n'aurait pas mieux fait d'y rester. C'est tout à fait par hasard, en recherchant d'autres sources sur le site de la BnF, que nous sommes tombés sur un opuscule signé « Jean Robineau, du Val de Morière en Touvois (Loire-Inférieure) », publié en 1863. Il regroupe quelques chansons d'intérêt purement local. Toutes ont été composés sur des timbres, c'est à dire des airs préexistants. Vous reconnaîtrez sans peine celui ci.
Autre surprise, si le titre évoque les progrès de la technique, c'est la chasse qui en devient rapidement l'argument principal. Sur le fonds comme sur la forme c'est assez confus. Nous vous la proposons uniquement à titre de curiosité.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Cinq chansons au total ont donc été regroupées sous le titre « Chansons composées par Jean Robineau » et confiées à l'imprimerie Bourgeois, rue du Pas périlleux, à Nantes. Pour les nantais (et les autres) précisons que cette rue ne figure pas sur les plans de la ville. Et pour cause : après plusieurs changements de nom elle s'appelle aujourd'hui rue de Beauregard. Rien à voir non plus avec la maison du pas périlleux, roman de Marc Elder dont l'action se situe dans une ruelle proche du quai de la Fosse.
Refermons cette parenthèse pour nous intéresser à un ajout de cet imprimeur à la dernière page :
Ces chansons ont été imprimées d'après la copie de l'auteur, celui ci n'y ayant rien voulu changer.
Même si cette formule devait être employée pour l'impression des chansons sur feuilles volantes en particulier, on sent bien que le professionnel a saisi toute la portée artistique de ces compositions et cherche à se dédouaner pour préserver sa réputation ! On n'est jamais trop prudent. Jean Robineau n'a rien voulu changer aux vers qui font deux pieds de trop (ou de moins), aux rimes qui n'en sont pas (licence poétique !?). L'ensemble donne la curieuse impression que le sieur Robineau a simplement voulu se faire plaisir en faisant éditer quelques œuvres pour mettre un pied (en trop ou en moins) dans le monde de la littérature. L'auteur précise qu'il est âgé de 62 ans et atteint de la cataracte ; Ce qui n'est pas une excuse. Bref, faute d'être passé à la postérité, il nous a quand même légué quelques témoignages sur la vie locale au moment où les grandes inventions du 19ème siècle viennent apporter des bouleversements à l'économie campagnarde.
L'arrivée du chemin de fer dans les campagnes, rompant l'isolement et facilitant les communications a donné un coup de fouet à certaines activités en leur offrant des débouchés. Les enjeux du développement ont conduit chaque commune à vouloir être raccordée au réseau ferré. D'où la création jusqu'aux années 1920 de nombreuses lignes d'intérêt local. Faute de rentabilité, un grand nombre d'entre elles ont été fermées par la suite. A l'époque où Robineau a signé ses chansons ces lignes n'existaient pas encore. C'est donc en se basant sur son expérience de voyage entre Paris et Nantes qu'il envisage l'avenir pour les producteurs de volaille. En attendant l'accès au marché des poulets et chapons, la chanson dérive sur les vicissitudes de la chasse entre source de revenus pour les paysans et loisir pour les citadins. On devine avec le dernier couplet une implication toute personnelle !
Comble de malchance pour lui, la commune de Touvois ne fut jamais raccordée au chemin de fer, la gare la plus proche restant jusqu'en 1935 celle de Legé, terminus d'un chemin de fer à voie étroite la reliant à Nantes.
Et pour en finir avec l'anecdote, voici les titres des autres chansons écrites par Jean Robineau :
Chanson des campagnes de Russie et d'Autriche
Chanson sur la bienséance du bourg de Legé et de ses contrées
Chanson de toutes les productions de la Vendée
Chanson de tous les avantages que peut produire le drainage et de la différence de nos Agriculteurs à écrire au cabinet et des bons laboureurs à conduire leur harnais

interprète : Jean-Louis Auneau
source : Chanson composée par Jean Robineau, du val de morière en Touvois (Loire-Inférieure) publiée en 1863 – ouvrage déposé à la Bibliothèque nationale
non cataloguée

Chanson des avantages du chemin de fer
air : Tra la la

Le dix sept août dernier
Bon matin me suis levé
A quatre heures et demie
Je me décide à partir
De Paris me dit on
Où vont partir les wagons
On franchira les airs
Sur nos beaux chemins de fer

A l'instant j'ai demandé
Où va-t-on ce soir coucher
Aussitôt on me répond
A Nantes nous coucherons
J'ai fait ma décision
J'ai monté sur les wagons
Bientôt sans y penser
A Nantes j'suis arrivé

Mes amis m'ont prié
De vouloir leur raconter
Si dans les wagons cités
On peut bien y voyager
On y est bien à couvert
Et on peut écrire en vers
Par les chemins de fer
On franchirait l'univers

Consolons nous campagnards
Aux wagons nous aurons part
D'nos poulets, d'nos chapons
Les prix augmenteront
Messieurs les parisiens
Ont trouvé un bon moyen
Pour manger du gibier
S'il est permis d'chasser

Vous formez un bon projet
Le gibier sera plus frais
Mais pour avoir ce moyen
Messieurs comprenez le bien
Ce n'est que la chasse du paysan
Qui est changé pour votre argent
Car le pauvre paysan
Vend pour avoir de l'argent

Dans nos campagnes à loisir
Les bourgeois pour leur plaisir
Les bécasses et les perdrix
Dans leur cuisine font rôtir
Si le paysan ne chasse pas
De gibier vous n'aurez pas
A Nantes et à Paris
On ne mangerait pas de perdrix

Cependant c'est les fermiers
Qui nourrissent le gibier
Souvent un plaisant bourgeois
Le détruit sans avoir droit
Sans port d'arme on est pris
On confisque le fusil
Sans pouvoir contredire

Une amende il faut subir

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire