Décidément, ce blog, créé pour
valoriser la chanson traditionnelle, fait la part belle aux auteurs
de chansons populaires sortis de l'anonymat. Encore qu'en écoutant
cette chanson on se demande si son auteur n'aurait pas mieux fait d'y
rester. C'est tout à fait par hasard, en recherchant d'autres
sources sur le site de la BnF, que nous sommes tombés sur un
opuscule signé « Jean Robineau, du Val de Morière en Touvois
(Loire-Inférieure) », publié en 1863. Il regroupe quelques
chansons d'intérêt purement local. Toutes ont été composés sur
des timbres, c'est à dire des airs préexistants. Vous reconnaîtrez
sans peine celui ci.
Autre surprise, si le titre évoque les
progrès de la technique, c'est la chasse qui en devient rapidement
l'argument principal. Sur le fonds comme sur la forme c'est assez
confus. Nous vous la proposons uniquement à titre de curiosité.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Cinq chansons au total ont donc été
regroupées sous le titre « Chansons composées par Jean
Robineau » et confiées à l'imprimerie Bourgeois, rue du Pas
périlleux, à Nantes. Pour les nantais (et les autres) précisons
que cette rue ne figure pas sur les plans de la ville. Et pour
cause : après plusieurs changements de nom elle s'appelle
aujourd'hui rue de Beauregard. Rien à voir non plus avec la maison
du pas périlleux, roman de Marc Elder dont l'action se situe dans
une ruelle proche du quai de la Fosse.
Refermons cette parenthèse pour nous
intéresser à un ajout de cet imprimeur à la dernière page :
Ces chansons ont été imprimées
d'après la copie de l'auteur, celui ci n'y ayant rien voulu changer.
Même si cette formule devait être
employée pour l'impression des chansons sur feuilles volantes en
particulier, on sent bien que le professionnel a saisi toute la
portée artistique de ces compositions et cherche à se dédouaner
pour préserver sa réputation ! On n'est jamais trop prudent.
Jean Robineau n'a rien voulu changer aux vers qui font deux pieds de
trop (ou de moins), aux rimes qui n'en sont pas (licence
poétique !?). L'ensemble donne la curieuse impression que le
sieur Robineau a simplement voulu se faire plaisir en faisant éditer
quelques œuvres pour mettre un pied (en trop ou en moins) dans le
monde de la littérature. L'auteur précise qu'il est âgé de 62 ans
et atteint de la cataracte ; Ce qui n'est pas une excuse. Bref,
faute d'être passé à la postérité, il nous a quand même légué
quelques témoignages sur la vie locale au moment où les grandes
inventions du 19ème siècle viennent apporter des bouleversements à
l'économie campagnarde.
L'arrivée du chemin de fer dans les
campagnes, rompant l'isolement et facilitant les communications a
donné un coup de fouet à certaines activités en leur offrant des
débouchés. Les enjeux du développement ont conduit chaque commune
à vouloir être raccordée au réseau ferré. D'où la création
jusqu'aux années 1920 de nombreuses lignes d'intérêt local. Faute
de rentabilité, un grand nombre d'entre elles ont été fermées par
la suite. A l'époque où Robineau a signé ses chansons ces lignes
n'existaient pas encore. C'est donc en se basant sur son expérience
de voyage entre Paris et Nantes qu'il envisage l'avenir pour les
producteurs de volaille. En attendant l'accès au marché des poulets
et chapons, la chanson dérive sur les vicissitudes de la chasse
entre source de revenus pour les paysans et loisir pour les citadins.
On devine avec le dernier couplet une implication toute personnelle !
Comble de malchance pour lui, la
commune de Touvois ne fut jamais raccordée au chemin de fer, la gare
la plus proche restant jusqu'en 1935 celle de Legé, terminus d'un
chemin de fer à voie étroite la reliant à Nantes.
Et pour en finir avec l'anecdote, voici
les titres des autres chansons écrites par Jean Robineau :
Chanson des campagnes de Russie et
d'Autriche
Chanson sur la bienséance du bourg de
Legé et de ses contrées
Chanson de toutes les productions de la
Vendée
Chanson de tous les avantages que peut
produire le drainage et de la différence de nos Agriculteurs à
écrire au cabinet et des bons laboureurs à conduire leur harnais
interprète : Jean-Louis
Auneau
source : Chanson composée
par Jean Robineau, du val de morière en Touvois (Loire-Inférieure)
publiée en 1863 – ouvrage déposé à la Bibliothèque nationale
non cataloguée
Chanson des avantages du chemin de fer
air : Tra la la
Le dix sept août dernier
Bon matin me suis levé
A quatre heures et demie
Je me décide à partir
De Paris me dit on
Où vont partir les wagons
On franchira les airs
Sur nos beaux chemins de fer
A l'instant j'ai demandé
Où va-t-on ce soir coucher
Aussitôt on me répond
Aussitôt on me répond
A Nantes nous coucherons
J'ai fait ma décision
J'ai monté sur les wagons
Bientôt sans y penser
A Nantes j'suis arrivé
Mes amis m'ont prié
De vouloir leur raconter
Si dans les wagons cités
On peut bien y voyager
On y est bien à couvert
Et on peut écrire en vers
Par les chemins de fer
On franchirait l'univers
Consolons nous campagnards
Aux wagons nous aurons part
D'nos poulets, d'nos chapons
Les prix augmenteront
Messieurs les parisiens
Ont trouvé un bon moyen
Pour manger du gibier
S'il est permis d'chasser
Vous formez un bon projet
Le gibier sera plus frais
Mais pour avoir ce moyen
Messieurs comprenez le bien
Ce n'est que la chasse du paysan
Qui est changé pour votre argent
Car le pauvre paysan
Vend pour avoir de l'argent
Dans nos campagnes à loisir
Les bourgeois pour leur plaisir
Les bécasses et les perdrix
Dans leur cuisine font rôtir
Si le paysan ne chasse pas
De gibier vous n'aurez pas
A Nantes et à Paris
On ne mangerait pas de perdrix
Cependant c'est les fermiers
Qui nourrissent le gibier
Souvent un plaisant bourgeois
Le détruit sans avoir droit
Sans port d'arme on est pris
On confisque le fusil
Sans pouvoir contredire
Une amende il faut subir
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire