Et
si, pour une fois, on vous offrait une chanson d'amour qui finit
bien. En plus cette aventure nous offre un peu de suspens et
d'action. Elle est très connue dans toute la Haute-Bretagne (et bien
au delà). Vous pourrez en entendre plus de trente versions rien que
dans les archives sonores sur le site dastumedia.
Cette
histoire de garçon qui se place comme jardinier dans un couvent fait
penser à l'un des contes du Décaméron de Boccace. Mais la fin en
est différente. Histoire d'amour intemporelle, elle est sans doute
très ancienne, mais a trouvé des échos dans tous les siècles (1)
et son thème reste très actuel. L'amour finit par triompher des
oppositions parentales, que ce soit par la persévérance ou, comme
ici, par la ruse.
Pour
écouter la chanson et lire la suite
Nous
avons choisi d'utiliser une version collectée par Hervé Dréan dans
l'estuaire de la Vilaine. Elle est complétée par un couplet
provenant d'une autre informatrice également enregistrée dans la
même commune de Marzan. Mais la chanson a été entendue aussi bien
dans le pays d'Ancenis que dans le pays de Retz. Bref, sans être un
standard du répertoire traditionnel, elle est tout de même assez
répandue.
Avant
de nous intéresser à l'histoire elle même, relevons deux détails
« techniques ». Le premier c'est que la narration débute
à la première personne pour se poursuivre comme un récit ordinaire
à partir du troisième couplet. Cette forme n'est pas la plus
répandue mais encore assez fréquente. Difficile de connaître la
raison de ce changement. Second détail : dans notre version,
comme dans quelques autres, le premier couplet est plus court.
Habituellement, il comporte deux vers d'introduction tels que :
Il
faut jouer du violon
pour
l'amour d'un jeune garçon
ou
encore
Par
un beau soir de violon
C’est
l’amour d’un jeune garçon
...exemples
trouvés dans nos archives sonores. La formule la plus logique, et
peut être originelle, pourrait être celle recueillie par Vincent
D'Indy dans le Vivarais :
Je
vais chanter au son du violon
Les
amours d'un joli garçon
Et
d'une jeune demoiselle
Dont
je ne vous nomme pas le nom...
C'est
une autre constante que l'anonymat des deux protagonistes, sur
lesquels on apprend parfois bien des choses
C'était
la fille d'un négociant
Et
le garçon d'un fabricant
dans
la version berrichonne recueillie par Barbillat et Touraine (2). Le
garçon est parfois « un jeune tambour » (noté par
Albert Poulain à Pipriac) et souvent un « jeune homme de
qualité », « un riche galant », ou « le
fils d'un baron ». Mais pour justifier la méfiance des parents
de la fille il est aussi présenté comme « un coureur de
métier », un amuseur de filles pour reprendre les termes d'une
autre chanson.
Pourtant,
cette fois, l'affaire paraît sérieuse. Malgré la précaution
inutile de l'enfermement c'est l'amour qui l'emporte après bien des
péripéties. L'habileté du garçon qui sait s'attirer les bonnes
grâces de la mère abbesse nous entraîne dans une fuite à l'heure
propice de minuit. L'histoire pourrait s'arrêter là et laisser la
suite à notre imagination. On sait juste que le lendemain personne
n'a pu les retrouver. Nous irons donc chercher la fin dans d'autres
versions. Elles sont peu nombreuses à donner les épisodes suivants
et nous apprennent généralement qu'un carrosse attendait les jeunes
gens à la porte du couvent ; ce qui confirme le statut social
du galant. Épisode suivant : le mariage, car il faut que la
morale soit sauve. La conclusion, nous ne l'avons trouvée que dans
deux versions, dont celle chantée à Pierre Guillard par Mme Ménoret
à Oudon (44) :
C'est
au bout d'un an et demi
Que
Dieu leur a donné un fils
Comme
c'est le fruit du mariage
Cela
les a rendu contents
C'aurait-il
pas été dommage
De
laisser la belle au couvent
morale
de l'histoire confirmée presque mot pour mot par une autre version
notée dans le Queyras par Julien Tiersot. On vous avait prévenus :
ça finit bien ; presque trop !
Pour
info : Une version de cette chanson a été interprétée par
Hervé Dréan sur son premier CD « coureurs de nuit ». Ce
disque n'est plus disponible mais vous pouvez toujours obtenir le
second « deux hommes de chêne » à cette adresse.
notes
1
- L'histoire d'une jeune sœur s'enfuyant nuitamment avec son amant
dans les années 1930 nous a été racontée dans une station
balnéaire de la côte de Jade. In-tem-po-rel ! Puisqu'on vous
le dit.
2
– et enregistrée par le groupe Malicorne dans les années 70
interprète :
Francis Boissard
source :
Anne-Marie Rialland et Alphonse Olivier, de Marzan enregistrés par
Hervé Dréan entre 1978 et 1983. Publié dans le tome 2 d'Instants
de mémoire, pages 60 à 65 (Musique sauvage - 2011)
catalogue
P. Coirault : 1203, le jardinier du couvent
catalogue
C. Laforte : II, C-10 - le jardinier du couvent
L'autre
jour dedans la ville
Dans
la ville en me promenant
J’ai
rencontré une fillette
De
mes amour, j'en ai parlé
Elle
me dit en souriant :
Prenez
bien garde à mes parents
Car
si mon père, si ma mère
Le
savaient que j’avais un aimant
Ils
me feraient sans plus attendre
m’y
enfermer dans un couvent
Le
bon papa n’a pas manqué
Dans
un couvent il l’a enfermée
A
cinq à six lieues de la ville
Où
la belle fut recommandée :
Prenez
bien garde à ma fille
Car
son amant veut l’enlever
Le
beau garçon au courant de métier
S’habille
en garçon jardinier
A
la porte de mère l'abbesse
S'en
va demander à loger
Bien
le bonsoir mère abbesse
Coucheriez
vous un jardinier
La
mère abbesse fut bien étonnée
De
voir un si beau jardinier
Mais
entrez donc mon beau jeune homme
Entrez
donc dans notre logis
Vous
cueillerez les fleurs d'automne
Celles
que notre jardin produit
Le
beau galant, tout confus d’amour
Travaille
au jardin nuit et jour
Espérant
voir(e) sa maîtresse
Soit
le soir ou bien le matin
Par
un beau jour, elle s’y promène
Avec
l’abbesse dans son jardin
Le
beau galant s'avance quelques pas
Et
la jeune sœur lui dit tout bas :
Venez
ce soir à la fenêtre
Celle
qui fait le coin du jardin
Je
laisserai la porte ouverte
Nous
partirons de grand matin
Vers
les dix heures, les onze heures ou minuit
Quand
tout le monde fut bien dormi
Il
a traversé les couloirs, les allées et les avenues
Il
a emmené sa maîtresse
Sans
que personne ne l'avait vu
Le
lendemain au point du jour
On
s'aperçoit de ce beau tour
On
a appelé la belle
Mais
personne n'a plus répondu
Car
son amant l'a emmenée
Et elle ne viendra jamais plus.
Et elle ne viendra jamais plus.
Ma version favorite c'est l'interprétation ďu groupe francophone Acadien 1755
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