Pas de pitié pour les maris ! La
chanson traditionnelle réserve parfois un sort funeste aux époux
que l'on voit partir sans regret. Certains finissent grillés dans
leur paillasse ou bouffés par le chat, d'autres sont envoyés à la
tannerie pour faire de leur peau une descente de lit. Sans parler des
victimes de bouillons d'onze heures et autres décoctions guérissant
définitivement de tous les maux. Dans cette chanson, c'est la
médecine officielle qui se charge d'accélérer le processus,
brocardant au passage une profession qui nous paraît aujourd'hui
fort honorable mais dont on se méfiait énormément jadis. Dans
cette affaire, la déclaration d'amour de la veuve n'est rien moins
que suspecte.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Pour être tout à fait juste – et
respecter les règles de la parité – il faut bien reconnaître
qu'il ne manque pas non plus de chansons où l'homme ne fait aucun
cas de sa femme. De l'ivrogne au cabaret en passant par le manieur de
bâton de vert pommier, jusqu'au « veuf joyeux » qui
demande à Satan de barrer les portes de l'enfer pour empêcher sa
moitié de revenir le hanter.
Voici donc une chanson en forme de
revanche, qui est universellement connue, mais qui se présente ici
sous une forme un peu particulière. Nous l'avons extraite d'un
manuscrit compilé au 19è siècle par le ménétrier Poiraud
(violoneux), dans le Pays de Retz et plus particulièrement dans le
secteur de Pornic. Nous manquons de renseignement sur ce M. Poiraud.
Cependant les 80 chansons qu'il nous a transmis représentent un
témoignage intéressant de l'évolution de la tradition.
L'ancienneté de la collecte permet d'y repérer trois types de
chansons :
Celles qui sont restées immuables et
qu'on a pu retrouver pratiquement mot pour mot dans les
enregistrements de ces dernières années.
Celles qui ont totalement disparu, soit
parce qu'elles ne correspondaient plus aux goûts des interprètes,
soit qu'elles ne trouvaient plus d'utilisation (pour la danse par
exemple)
Enfin celles qui ont suivi l'évolution
naturelle de la tradition orale : toujours le même récit mais
avec des adaptations dans la forme.
Cela semble bien le cas avec cette
veuve joyeuse. Dans la plupart des chansons sur ce thème la femme va
chercher de quoi contenter son homme (vin ou médecine) ou le
secourir : médecin, voire prêtre, ce qui déjà moins
encourageant. Dans tous les cas elle tarde à revenir
Je partis sur le dimanche
Je revins le vendredi
ou mieux (ou pire)
Je suis partie à la pentecôte
Et revenue au mois d'avril...
soit juste au moment où il est prêt à
être enseveli. Elle ne regrette guère que le drap qui l'enveloppe.
Les versions où intervient le fameux Duchesne sont nettement moins
nombreuses. Un certain Joseph Du Chesne fut le médecin personnel de
Henri IV, ce qui ne date pas d'hier. Est-ce cet illustre personnage
qui sert de médecin référent dans notre chanson ? Ou bien
est-ce un personnage de fiction ?. Savant ou charlatan, toujours
est-il que son intervention est fatidique. Dès lors comment doit-on
interpréter la supplique :
Ne le faites pas languir
Seule une version collectée par
Millien dans le Morvan a remplacé cette phrase par
Ne le faites point mourir
A contrario, les autres exemples que
nous avons pu consulter finissent régulièrement par :
Faites en autant mesdames
Si vos maris vous ennuient
envoyez chercher Duchêne...
Pas très flatteur pour l'homme de
l'art ! Mais la chanson nous a habitués à la moquerie des
professions élitistes : gens d'église, hommes de lois et
maintenant thérapeutes en tous genres. Etait-ce bien la peine
d'aller chercher un ponte parisien alors que quelques « remèdes
de bonne femme » permettaient d'obtenir le même résultat ?
Une version très proche (géographiquement parlant) de la nôtre
parle de rapporter des pommes de paradis ! Les
ressources de la médecine traditionnelle sont inépuisables. Seul le
résultat compte et en manière de morale un couplet conclut :
Au bout de la quinzaine
Je fis un nouvel ami
Je fis un nouvel ami
interprète : Armelle Petit
source : manuscrit du
ménétrier Poiraud – 80 chansons du Pays de Retz
catalogue P. Coirault : le
mari que l'on aime mieux mort qu'en vie (maumariées - 5521)
Catalogue C. Laforte : I,
F-07 – Mon mari est bien malade
1
Depuis trois mois je suis veuve
De monsieur le trop tôt pris
De monsieur le trop tôt pris
Qui passait ses nuits à boire
et ses journées à dormir
et ses journées à dormir
R
Je l'aimais tant mon mari
Que j'l'aime mieux mort qu'en vie
2
Qui passait ses nuits à boire
et ses journées à dormir
et ses journées à dormir
Il fit tant par ses fredaines
Qu'il se réduisit au lit
3
On envoie chercher Duchesne
Apothicaire à Paris
4
Ah, monsieur l'apothicaire
Ne le faites pas languir
5
Il fit tant par sa science
Qu'en trois jours ce fut fini
6
Et au bout de trois semaines
J'ai trouvé un autre ami
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