C'est
une double transformation qui s'opère avec cette chanson, pas si
ancienne mais déjà bien folklorisée. La première c'est l'adoption
d'un nom, synonyme de mauvaise fée ou méchante sorcière, pour un
personnage légendaire antérieur. La seconde c'est la mise en
musique de l'histoire et sa diffusion par des chanteurs de tradition
orale. Étonnant pour une composition même pas centenaire !
Le
thème de la femme transformée en pierre est bien présent dans la
littérature populaire, les contes et même la bible (1). Qu'un
ecclésiastique soit à l'origine de cette chanson très « païenne »
ne nous surprend donc pas. C'est la façon dont elle s'est diffusée
qui nous intéressera le plus.
Pour
écouter la chanson et lire la suite :
La
chanson de la fée Carabosse a été collectée à une dizaine de
reprises dans tout le département et pas seulement dans le secteur
ou sévissait ce personnage légendaire. Ce texte est une composition
d'un folkloriste que nous avons déjà rencontré avec d'autres
chansons : l'abbé François Thuard, curé de Saillé. La fée
Carabosse a été publiée dans son premier recueil des « Chansons
de Saillé » en 1925. Deux autres livrets l'ont suivi, plus
orientés sur les chansons à caractère religieux. Le timbre choisi,
déjà bien connu (2), a sans doute contribué à populariser ce
récit.
La
légende est connue dans le secteur de Guémené-Penfao et la vallée
du Don. Elle sert à expliquer la présence de massifs rocheux sur le
site de Juzet. Il peut être risqué pour les habitants de se moquer
d'une vieille femme laide et un peu sorcière. Elle se venge en
jetant sa malédiction sur les terrains alentours qui deviennent
stériles. Le secteur comporte beaucoup de landes et de terres au
rendement agricole faible. A l'origine de cette légende on
trouverait la reine des fées de Tréguely qui se serait vengée des
jeunes femmes moqueuses de l'endroit, y rendant impossible la culture
du lin. A partir de quand cette reine des fées a-t-elle été
affublée du pseudonyme de Carabosse ? C'est difficile à dire.
Carabosse est souvent associée à la méchante sorcière de la belle
au bois dormant. Mais cette association est également plus récente
que l'histoire elle même. Dans le conte de Perrault elle ne porte
pas ce nom. Ceci dit, voilà un patronyme bien commode pour faire
ressortir la laideur supposée du personnage.
La
chanson n'a retenu qu'un aspect de la légende puisque c'est contre
elle même que la malédiction se retourne et qu'elle se retrouve
progressivement pétrifiée.
De
la légende à la chanson il y a donc l'intervention d'un lettré qui
savait adroitement tourner la chanson populaire. Nous lui devons
plusieurs chansons rencontrées dans le répertoire d'interprètes de
tradition orale collectés en Loire-Atlantique (3). Cette fréquence
pose donc la question des modes de transmission des chansons
folkloriques sinon traditionnelles. Que ces textes aient été
popularisés par le truchement de l'école, des patronages et autres
mouvements de jeunesse ne fait guère de doute. Il faut donc rester
prudent devant certains textes qui nous paraissent tenir de la
tradition et qui doivent plus à l'habileté ou au talent d'auteurs
eux-même nourris du folklore local. Ce qui n'enlève rien à
l'intérêt de ces chansons dont certaines méritent une écoute
attentive.
La
chanson originale comporte 16 couplets que nous vous délivrons en
intégralité. L'interprétation est ici basée sur celle de M.
Joseph Ruaud, du Dresny, qui n'en avait retenu qu'une partie. Le
reste du texte figure en italique.
notes
1
- la femme de Loth transformée en statue de sel, qui est aussi un
minéral.
2
- Perrine était servante chez monsieur le curé
3
– par exemple : le moulin de Saillé (N° 232 – janvier
2018) la prise de tabac (n°153 – mai 2016) mon parapluie (n° 143
– mars 2016)
interprète :
Jean Ruaud, avec Dominique Juteau, Jean-Louis Auneau,, Francis
Boissard
source :
Chansons de Saillé, de François Thuard, curé de Saillé –
volume 1, page 32 – publié en 1925
D'après
la version chantée en 1988 par Joseph Ruaud, du Dresny (Plessé -
44) – les couplets en italique n'ont pas été chantés
C'est
la fée Carabosse lon la
C'est
la fée Carabosse
Qui
n'est pas loin du Don, Ma di don ma don daine
Qui
n'est pas loin du Don, Ma di don ma don don
En
passant la rivière
E
s'fit mal au talon
E
ne marchait plus guère
Qu'avec
un gros bâton
S'en
fut chercher un remède
Chez
l'pharmacien de R'don
Mais
l'sapristi de remède
Lui
durcit le talon
Il
lui durcit la jambe
Et
le corps jusqu'au menton
Il
lui durcit le visage
la
bouche, le nez et le front
E
devint tout en pierre
De
la tête au talon
Quand
son père vint la voire
Y
n'trouva qu'un perron
Mais
la fée Carabosse
N'est
pas mort' pour de bon
Elle
a l'air d'une pierre
Mais
elle est fée au fond
Le
jour é ne bouge guère
Mais
la nuit ses pieds vont
E
va faire sa toilette
A
l'étang du vallon
Et
puis è saut' les buttes
On
n'peut rien voir pu prompt
Zt
quand le jour se lève
E
se remet d'aplomb
Si
vous voulez la voire
Allez
dans le vallon
Pas
loin d'une colline
Qui n'est pas loin du Don
Qui n'est pas loin du Don
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