Est-ce que cette chanson ne devrait pas
être remboursée par la sécurité sociale, comme celle des frères
Jacques (1). Elle se traduit systématiquement par une visite à
domicile d'un généraliste qui avoue son impuissance devant l'état
de santé de la jeune fille. Et pour cause, comme nous allons le
voir.
Mais qui est donc ce médecin appelé à
son chevet, qui vient le plus souvent de Nantes, parfois de Paris, et
rarement d'ailleurs quelle que soit l'origine géographique de la
chanson ?
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Même si ce n'est pas vraiment la
saison, nous avons des oranges en promotion sur ce blog. On vous a
déjà chanté l'histoire de la rencontre entre la marchande et le
fils de l'avocat. Reportez vous trois semaines en arrière et relisez
les commentaires de la chanson. Vous verrez que nous ne vous
apprendrons rien de nouveau cette semaine sur la symbolique de la
jambe cassée par une orange. Dans la chanson traditionnelle on ne
parle pas ouvertement de ces choses là. Et pas seulement pour
préserver les oreilles des enfants qui pourraient écouter le texte.
On utilise une métaphore que tout le monde comprend et qui rend le
propos moins trivial.
Donc, l'orange lui est tombée sur le
pied, lui a cassé la jambe et c'est la cause qu'elle est enceinte !
Bien entendu le médecin ne pourra rien faire (d'avouable en tous
cas) pour solutionner le problème. Il fera « tout son
possible » mais préfère s'en remettre à la divine
providence. De tous temps la médecine populaire connaissait des
trucs pour « faire passer ». Mais cela c'est un sujet
tabou.
Revenons en au médecin de Nantes si
présent dans cette chanson et dans quelques autres. Celle où la mie
est à l'article de la mort par exemple. Qui serait donc cet illustre
praticien qui vient au secours des malades ? La ville de Nantes
peut s’enorgueillir de deux médecins célèbres. Le premier c'est
René Laennec qui inventa l’auscultation avec le stéthoscope. Oui
mais...né à Quimper en 1781, orphelin de mère très tôt, il
bénéficia de l'appui d'un de ses oncles, Guillaume Laennec médecin
à Nantes, professeur et directeur de l'école de médecine, qui
semble à l’origine de sa vocation médicale. Pourtant René
Laennec n’a jamais exercé à Nantes. Le second personnage célèbre
c'est Ange Guépin (2), médecin des pauvres et auteur de rapports
sur l'état de santé alarmant de certaines couches de la population
au 19è siècle. Soyons clairs, malgré leur réputation flatteuse
aucun des deux n'est le médecin de la chanson. Une bonne raison pour
cela : elle est d’une facture beaucoup plus ancienne. La
première grande cueillette de chansons populaires et folkloriques a
eu lieu dans la seconde moitié du 19ème siècle, plutôt vers la
fin. La réputation d’un médecin « nantais » a-t-elle
eu le temps de se greffer sur des textes précédents ? C'est
peu probable et il faut sans doute chercher ailleurs l'explication.
Quand à la version de cette chanson
que nous vous proposons, elle vient des collectes considérables
réalisées par Patrick Bardoul dans le pays de Chateaubriant.
L'ensemble de son travail lui vaut de recevoir le « prix Hervé
Le Menn » (3) décerné par l'Entente Culturelle Bretonne
(ECB). Le jury a souhaité, en lui remettant le prix, mettre en
valeur le travail de collecte, de transmission et de mise en valeur
des traditions orales. La remise de ce prix le 6 octobre à
Chateaubriant donnera lieu à quelques festivités dont vous lirez le
détail dans notre rubrique actualités.
Notes
1 – chanson sans calcium (de Blanchot
et Massoulier – 1959). Précision pour les plus jeunes d'entre vous
qui n'ont pas connu cette époque. Ajoutons que deux d'entre eux, les
frères Bellec, avaient des attaches nantaises.
2 – René Laënnec : 1781- 1826
– Ange Guépin : 1805 – 1873
3 - le Prix Hervé Le Menn a été créé
en 1988 par l'Entente Culturelle Bretonne (ECB), une association
fondée en 1954 par Hervé Le Menn, et dont le but est de réaliser
ou de soutenir des projets culturels axés sur la culture bretonne
et, en particulier, sur la langue et la tradition orale.
Interprète : Janick
Péniguel
Source : version recueillie
par Patrick Bardoul auprès de Marie Thébaud à Châteaubriant (44),
en juillet 1987
Catalogue P. Coirault :
0322 - La fille blessée par une orange
Catalogue C. Laforte : I,
G-06 – la rose blanche
Quand j'étais fille à marier (bis)
Don daine la la, oh, j'étais bien
galante, là
Don daine la la, oh, j'étais galante
Tous les amants venaient m'y voir (bis)
Don daine la la, Ils venaient vingt z'à
trente, là
Don daine la la, Ils venaient vingt z'à
trente
Oh, le plus jeune m'a t'apporté une
belle pomme d'orange
Elle m'y tomba dessur un pied, elle m'y
cassa la jambe
Il faut avoir le médecin pour guérir
ma jambe
Il faut avoir le médecin, le médecin
de Nantes
Bon médecin, bon médecin,
guérirez-vous ma jambe
Ah, je ferai tout mon possible et Dieu
par sa puissance.
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