Parmi les chants utilisés à bord des
voiliers, certains nous sont parvenus, édités par les collecteurs
et repris abondamment par les groupes de chants de marins. D'autres
sont passés à peu près inaperçus et n'ont pas connu la même
vogue auprès des amateurs de chants à reprendre en chœur. La jolie
Marie-Rose fait partie de cette seconde catégorie. Sans doute d'une
composition plus récente que la plupart des chants de travail dont
elle reprend le rythme et les thèmes, elle mérite d'être mieux
connue. Elle évoque, d'une manière romancée, les relations entre
le port de Nantes et les Antilles.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
L'original de cette chanson se trouve
sur le disque « chants des marins nantais » édité par
le Chasse marée en 1992. Il y est interprété par Marcel Canonnet
(1), qui l'avait apprise dans sa jeunesse.
Nous ne connaissons pas l'origine de ce
chant, qui n'a pas eu la popularité de certains chants de marins. On
suppose qu'il a été composé sur un long-courrier nantais, par un
matelot, dans le style d'autres chants à virer plus connus (2).
Le début du texte fait immédiatement
penser à l'histoire des navires chargés de blé qui se situe tantôt
à Bordeaux, tantôt à Nantes ou dans de nombreux autres ports de la
façade atlantique. Cette fois c'est de l'autre coté de l'océan que
débute l'histoire qui nous propose un voyage retour vers la
métropole. La jolie Marie-Rose n'est pas montée à bord pour
marchander du blé mais pour suivre le capitaine qui va l'épouser.
Une fin heureuse (3) pour cette chanson, ce qui n'est pas le cas le
plus fréquent. Profitons en, et vive la mariée. Mais les deux
derniers couplets nous ramènent à la dure réalité des gens de
mer. Les campagnes sont longues et les séparations souvent dures à
supporter. Deux ans pour un tour du monde, c'est loin des
performances immortalisées par Jules Verne ; mais pas si
irréaliste dans le contexte de la marine à voile : de
plusieurs mois pour le simple transport de marchandises ou les
campagnes de pêche jusqu'à bien plus d'un an pour les marins
engagés sur les baleiniers ! Il arrivait parfois que les
capitaines (et uniquement eux) voyagent avec leur épouse. Est-ce
bien elle que la chanson qualifie d'apprenti timonier ? Cette
histoire sentimentale n'est pas sensée décrire la réalité.
Quand aux liens évidents entre Nantes
et les Antilles, on les retrouve jusque dans une chanson emblématique
de ces îles : « Adieu foulards, adieu madras ».
Certaines des versions publiées font apparaître un couplet –
rarement entendu dans les versions modernes - qui fait référence à
une nantaise :
Madame de Nantes bien
intrigante
Elle fait l'amour
toujours pour de l'argent
Tandis qu'nous à la
Martinique
Nous le baillons à qui
fait plaisir
Mais c'est une autre
histoire que nous reprendrons peut-être une prochaine fois. Le
commerce avec l'Amérique en général et les Antilles en particulier
a fait la richesse du port de Nantes : sucre, coton,
épices...malgré le coté obscur de la traite, sujet trop longtemps
caché jusque dans les chansons, à une exception près (4).
notes
1 – Marcel Canonnet, (1902 – 2004)
fut dessinateur industriel dans la navale, grand défenseur de l'idéal laïc et militant pour de
nombreuses causes. Plus
d'informations ici
2 - nous nous basons sur les
commentaires de Michel Colleu dans le livret qui accompagne le CD du
Chasse-Marée.
3 – happy end, en grand-breton. Mais
pourquoi utiliserions nous des termes étrangers ?
4 – voir la chanson n° 25 de ce blog
« il était une barque » (octobre 2013)
interprète : Jeannette
Lebastard
source : chanson recueillie
par Raphaël Garcia à Château-Thébaud (44), auprès de Marcel
Canonnet le 9 février 1991
A Fort-de-France était mouillé, ohé,
hisse, ohé
Un beau navire trois-mâts carré,
belle fleur de rose
Un beau navire trois-mâts carré, la
jolie Marie-Rose
L’capitaine à terre est allé, ohé,
hisse, ohé
Une jeune fille a rencontré, belle
fleur de rose…
Des sourires ils ont échangés …
Et longtemps ils ont bavardé …
Dans le canot ont embarqué …
La fille a passé la coupée …
Les marins l’ont prise, enlevée …
Toutes les voiles ont déferlées …
Et le beau trois-mâts a vogué …
Tout l’océan a traversé …
En Bretagne il est arrivé …
Au port de Nantes s’est embossé …
Les amants se sont mariés …
Les cloches de Nantes ont sonné …
Et tous les marins ont dansé …
Ils ont crié : vive la mariée …
Puis l’équipage a embarqué …
Avec l’apprenti timonier …
Un tour du monde a commencé …
Ils reviendront dans deux années …
Elle reviendra dans deux années, la
jolie Marie-Rose.
Notre ami Marcel n'a jamais été maire de Château-Thébaud !...
RépondreSupprimerGrand défenseur de l'idéal laïc il a beaucoup oeuvré pour la Liberté, l'Egalité et la Fraternité...
Désolés pour cette information inexacte. Merci pour cette précision. C'est rectifié.
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