samedi 22 septembre 2018

265 - La meunière du moulin


C'est la fille de la meunière qui dansait avec les gars...Pardonnez nous cette entrée en matière un peu désuète mais bien en rapport avec le sujet du jour. Et que tous ceux qui n'ont jamais eu à subir un groupe folklorique exécutant la gigouillette nous écrivent. Ils ont gagné.
Nous voici donc à nouveau dans le domaine des moulins, ce qui n'a rien d'étonnant, vu le nombre de chansons dont l'action se situe dans le milieu de la meunerie. Une profession honorable, mais souvent sujette aux sarcasmes dans les chansons traditionnelles. Les maris y sont souvent voleurs, badineurs ou débaucheurs, et leurs femmes volages. Dans la famille meunier c'est aujourd'hui le tour de la fille.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Nous avons laissé précédemment un meunier en proie à ses angoisses (1) ; tout particulièrement aux conséquences des relations entretenues par sa meunière avec certains membres du clergé. Ce n'était rien en comparaison de l'attrait exercé autant par un beau parleur que par les charmes supposés de Paris la grande ville. Voici donc une chanson d'amour doublée d'une réflexion sur les causes de l'exode rural, bâtie sur le thème si répandu du dialogue entre un « monsieur » et une fille du peuple.
C'est tout à fait involontairement que cette chanson aborde la question du dépeuplement des campagnes. Un sujet qui depuis les débuts de la révolution industrielle jusqu'aux « trente glorieuses » a vu s'inverser complètement le rapport entre la France rurale et les grandes villes. Ce n'est pas tant le désir de mener une vie plus plaisante dans la capitale que des conditions économiques défavorables qui sont à l'origine de cette grande migration. Des arguments qu'on peut reproduire aujourd'hui pour ces milliers d'africains qui abandonnent, non sans regrets, leurs terres natales pour tenter l'aventure de la Méditerranée en radeau.
Là n'est donc pas le fond de l'histoire. Il est plus rare dans ce type de chanson dialoguée, que la jeune fille cède aux sollicitations du galant. Fut-il marquis, chevalier ou fils du roi lui-même ces aventures aboutissent souvent au rejet du solliciteur par une bergère qui préfère sa modeste condition ou son amoureux sincère aux promesses du bellâtre de passage. Pour une fois le galant arrive à ses fins. Cela mérite bien de faire sonner trompettes, violons et tambours. Mais peut être est ce justement parce qu'elle enfreint les codes habituels et se laisse séduire que la chanson a choisi pour personnage principal la fille de la meunière ?
La chanson entretient une ambiguïté sur le type du moulin. On y parle de meunière dans son moulin là-haut ce qui sous entend la situation élevée d'un moulin à vent placé sur une butte. Pourtant c'est sur le bord de la rivière que ce situe l'action. Ne serait-il pas plus juste de chanter dans son moulin à eau ? Évidement, le fait que ce texte ait été collecté en presqu’île guérandaise laisse peu de chances à la force motrice d'une rivière ; tous les moulins y fonctionnent avec la force du vent. Ce détail n'a que peu d'importance dans le contexte de la chanson, mais, bon, faut bien causer de quéqu'chose quand même !.
Cette chanson a été recueillie dans bien d'autres régions, ce qui nous a permis de s'en inspirer pour compléter le texte noté par Fernand Guériff en reconstituant un couplet supplémentaire (2).

Notes
1 – Meunier tu dors – chanson n° 259
2 – c'est le troisième

interprète : Roland Guillou
source : Fernand Gueriff – Le trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande, tome 3, page 93 – chanté le 26 juillet 1949 par Mme Jourdan à Trescalan (la Turballe)
catalogue P. Coirault : à comparer avec : 3913 – sommes nous pas éloignés de Paris (coupe 10 12 8 8 8 M)


M'y promenant le long de ces ruisseaux
J'aperçois la meunière dans son moulin là-haut
Je lui ai dit d'un air si doux
Meunière que tu as les yeux doux
Mon petit cœur marions-nous

Mon beau monsieur, las ! Si mes yeux sont doux
c'est pour mon amoureux, mais ce n'est pas pour vous
Vous m'avez l'air un peu badin
Laissez donc tourner mon moulin
Monsieur passez votre chemin

La belle tu n'as pas beaucoup d'agrément
Dans ton pauvre village on ne s'amuse pas souvent
Viens donc avec moi à Paris
Tu y seras bien mieux qu'ici
Viens avec moi ma douce amie

Mon bon monsieur par vos discours trompeurs
Vous avez réussi à y gagner mon cœur
Puisque mon village vous déplaît
Je quitte mon moulin sans regrets
Tout droit à la ville je m'en vais

Sonnez trompettes, violons et tambours
Car J'emmène avec moi la meunière des amours
Que l'on prépare un grand festin
Sans en oublier le bon vin
Pour la meunière du moulin


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