C'est la fille de la meunière qui
dansait avec les gars...Pardonnez nous cette entrée en matière un
peu désuète mais bien en rapport avec le sujet du jour. Et que tous
ceux qui n'ont jamais eu à subir un groupe folklorique exécutant la
gigouillette nous écrivent. Ils ont gagné.
Nous voici donc à nouveau dans le
domaine des moulins, ce qui n'a rien d'étonnant, vu le nombre de
chansons dont l'action se situe dans le milieu de la meunerie. Une
profession honorable, mais souvent sujette aux sarcasmes dans les
chansons traditionnelles. Les maris y sont souvent voleurs, badineurs
ou débaucheurs, et leurs femmes volages. Dans la famille meunier
c'est aujourd'hui le tour de la fille.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Nous avons laissé précédemment un
meunier en proie à ses angoisses (1) ; tout particulièrement
aux conséquences des relations entretenues par sa meunière avec
certains membres du clergé. Ce n'était rien en comparaison de
l'attrait exercé autant par un beau parleur que par les charmes
supposés de Paris la grande ville. Voici donc une chanson d'amour
doublée d'une réflexion sur les causes de l'exode rural, bâtie sur
le thème si répandu du dialogue entre un « monsieur »
et une fille du peuple.
C'est tout à fait involontairement que
cette chanson aborde la question du dépeuplement des campagnes. Un
sujet qui depuis les débuts de la révolution industrielle jusqu'aux
« trente glorieuses » a vu s'inverser complètement le
rapport entre la France rurale et les grandes villes. Ce n'est pas
tant le désir de mener une vie plus plaisante dans la capitale que
des conditions économiques défavorables qui sont à l'origine de
cette grande migration. Des arguments qu'on peut reproduire
aujourd'hui pour ces milliers d'africains qui abandonnent, non sans
regrets, leurs terres natales pour tenter l'aventure de la
Méditerranée en radeau.
Là n'est donc pas le fond de
l'histoire. Il est plus rare dans ce type de chanson dialoguée, que
la jeune fille cède aux sollicitations du galant. Fut-il marquis,
chevalier ou fils du roi lui-même ces aventures aboutissent souvent
au rejet du solliciteur par une bergère qui préfère sa modeste
condition ou son amoureux sincère aux promesses du bellâtre de
passage. Pour une fois le galant arrive à ses fins. Cela mérite
bien de faire sonner trompettes, violons et tambours. Mais peut être
est ce justement parce qu'elle enfreint les codes habituels et se
laisse séduire que la chanson a choisi pour personnage principal la
fille de la meunière ?
La chanson entretient une ambiguïté
sur le type du moulin. On y parle de meunière dans son moulin
là-haut ce qui sous entend la situation élevée d'un moulin à vent
placé sur une butte. Pourtant c'est sur le bord de la rivière que
ce situe l'action. Ne serait-il pas plus juste de chanter dans son
moulin à eau ? Évidement, le fait que ce texte ait été
collecté en presqu’île guérandaise laisse peu de chances à la
force motrice d'une rivière ; tous les moulins y fonctionnent
avec la force du vent. Ce détail n'a que peu d'importance dans le
contexte de la chanson, mais, bon, faut bien causer de quéqu'chose
quand même !.
Cette chanson a été recueillie dans
bien d'autres régions, ce qui nous a permis de s'en inspirer pour
compléter le texte noté par Fernand Guériff en reconstituant un
couplet supplémentaire (2).
Notes
1 – Meunier tu dors – chanson n°
259
2 – c'est le troisième
interprète : Roland
Guillou
source : Fernand Gueriff –
Le trésor des chants populaires folkloriques du pays de Guérande,
tome 3, page 93 – chanté le 26 juillet 1949 par Mme Jourdan à
Trescalan (la Turballe)
catalogue P. Coirault : à
comparer avec : 3913 – sommes nous pas éloignés de Paris
(coupe 10 12 8 8 8 M)
M'y promenant le long de ces ruisseaux
J'aperçois la meunière dans son
moulin là-haut
Je lui ai dit d'un air si doux
Meunière que tu as les yeux doux
Mon petit cœur marions-nous
Mon beau monsieur, las ! Si mes
yeux sont doux
c'est pour mon amoureux, mais ce n'est
pas pour vous
Vous m'avez l'air un peu badin
Laissez donc tourner mon moulin
Monsieur passez votre chemin
La belle tu n'as pas beaucoup
d'agrément
Dans ton pauvre village on ne s'amuse
pas souvent
Viens donc avec moi à Paris
Tu y seras bien mieux qu'ici
Viens avec moi ma douce amie
Mon bon monsieur par vos discours
trompeurs
Vous avez réussi à y gagner mon cœur
Puisque mon village vous déplaît
Je quitte mon moulin sans regrets
Tout droit à la ville je m'en vais
Sonnez trompettes, violons et tambours
Car J'emmène avec moi la meunière des
amours
Que l'on prépare un grand festin
Sans en oublier le bon vin
Pour la meunière du moulin
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire