Voilà quelque temps déjà que nous
n'avions pas publié de chanson de bergères. En voici une dont la
rareté ajoute à la beauté. Elle fait partie de ces textes en forme
de dialogue entre une bergère et un monsieur qui, comme souvent dans
ce type de chansons, se prend un râteau, pour reprendre une
expression autant imagée que populaire.
Notre source c'est Félix Aoustin,
grand chanteur de Saint-Joachim dans la Brière dont le répertoire
nous est parvenu grâce aux collectes de Raphaël Garcia. Les
informations qu'il a recueillies prouveraient que cette histoire
était connue d'autres chanteurs du même secteur. En revanche on ne
la trouve nulle part ailleurs dans notre zone géographique.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Il existe des dizaines de chansons sur
ce thème de la relation entre une bergère et un monsieur. Elles
sont construites en forme de dialogue. Quelques unes se concluent par
l'acceptation des propositions du galant. La plupart aboutissent à
un rejet qui va du refus poli au lâcher du chien, en passant par
toutes sortes d'argumentations ironiques, sentimentales ou
moralisatrices. Le propos de ces chansons est d'opposer deux
extrêmes. Les personnages tout d'abord : l'un est un bourgeois,
fortuné et plutôt citadin, l'autre est tout en bas de l'échelle
sociale, exerçant l'occupation la moins qualifiée et peu
valorisante de gardienne de troupeaux. L'autre opposition est celle
des sentiments, de l'amour avec la raison matérialiste et l'argent.
Établir une classification des
« bergères » et repérer des chansons types est une
tâche ardue tant les situations décrites sont similaires. Cependant
on retrouve des variantes qui se caractérisent par des arguments,
des aventures ou des détails qui dénotent une origine commune.
La Belle Clarisse est donc peu
courante. Mais dire que nous n'avons trouvé aucune autre trace de
cette chanson serait inexact. Patrice Coirault l'a référencée dans
son répertoire des chansons françaises, sur la base d'une
publication au 19ème siècle. C'est la seule autre version à notre
connaissance. Elle se trouve dans le « Folklore du Poitou »
de Léon Pineau (1) qui indique l'avoir notée d'une certaine Cécile
Compaing. La bergère ne s'y prénomme plus Clarisse, mais Clérite !
Les deux versions, celle d'Aoustin et
celle de Pineau ont bien la même origine. Si les différences
semblent l'emporter sur les ressemblances, les arguments et le thème
sont identiques. Des expressions en commun le confirment : les
fleurs de lys / les habits de toile sous l'ormeau /
que ces habits soient pris, j'en aurais du mépris / les bêtes
sauvages vous consoleront / fâchez vous ou ne vous fâchez pas...
Ce texte de tradition orale apparaît,
par certains côtés, très littéraire. De là à conclure qu'il ait
pu être d'abord édité, il y a un pas que nous ne franchirons pas.
De même nous ne nous prononcerons pas sur ses origines. Le fait
qu'on ne l'ait retrouvé que dans l'ouest (Bretagne, Poitou) n'est
pas une preuve suffisante. Le parcours de ces chansons de leur
création jusqu'à nous est l'un des intérêts de la tradition.
L'autre, le principal, c'est de pouvoir les chanter. Alors, ne nous
en privons pas.
Notes
1 – Le Folklore du Poitou, de Léon
Pineau, publié chez Leroux à Paris en 1892 – réédité en 1977 à
Poitiers par la librairie « le bouquiniste »
Interprètes :
Nolwenn Le Dissez (chant) et
Hugo Aribart (guitare)
source :
Félix Aoustin, de Saint-Joachim, enregistré en mai 1991 par
Raphaël Garcia
catalogue P.
Coirault : La bergère aux
habits de toile (Bergères et monsieur repoussé ou agréé - N°
04211)
En te souhaitant, ma petite Clarisse
Que tes beaux yeux me sont à fleur de
lys
Il n’est que toi seule dans le monde
Capable de charmer mon cœur
Accepte-moi dans ta personne
Je s’rai ton serviteur
Mon bon monsieur, vous me badinez
Je n’ai pas de beauté là qui puisse
vous charmer
Je suis une simple bergère
Par-dessus tout, j’ai mon honneur
Et je me trouve un peu grossière
Pour un seigneur
Belle Clarisse, tu refuses ton bonheur
Sur cette terre, tu ne vis qu’en
langueur
Chez moi tu serais demoiselle
T’aurais les clés de mon château
Tu n’as qu’un pauvre habit de toile
Sous ces ormeaux
Et dans ma compagnie
T’en aurais de plus beaux
Mon beau monsieur, j’en veux pas
d’vos habits
Sont trop d’un haut prix, j’en
aurais le mépris
J’aime bien mieux là rester nue
Garder mon troupeau sagement
Être comme la brebis tondue
Là sous le vent
Que d’être vêtue
De ces vains ornements
Petite Clarisse, adieu donc pour
toujours
De mes amours, t’en auras le retour
Je vais aller dans un bois sombre
Où chantent les p’tits oisillons
Et là où les bêtes sauvages
Là, me consoleront
Allez-y, allez-y pas
Allez au trépas, pour moi j’m’en
soucie pas
Ne faites pas la guerre civile
Car, avec moi, on gagne rien
Ah, monsieur, laissez-moi tranquille
A aimer mon chien
Monsieur, je vous prie
De cesser l’entretien.
très belle chanson que j'ai eu le plaisir de découvrir à la bogue
RépondreSupprimermarie annick