Histoire tragique ou tragi-comique ?
Toutes les interprétations sont possibles avec cette aventure
réaliste qui nous plonge tantôt dans le sordide, tantôt dans le
grivois. La femme du bambocheur est elle juste une victime d'un drame
de l'alcoolisme ou bien la risée des amateurs de libertinage ?.
Subit elle son sort avec résignation ou avec esprit de revanche ?
Derrière cette chanson d'allure anodine, il y a débat sur sa portée
réelle.
Mais avant d'entrer dans ces détails,
parlons un peu de l'interprète de la version que nous avons choisie.
Elle vient du répertoire de Lucien Gicquel, chanteur dont vous
pourrez découvrir deux autres interprétations dans le récent
CD-livret que nous venons de consacrer au pays de Chateaubriant.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
C'est donc un bambocheur que sa femme
va chercher à l'auberge. Ce terme, synonyme de fêtard, est plus
aimable que ceux employés dans d'autres variantes de cette chanson :
riboteur, ivrogne, débauché, libertin...Souvent c'est par sa
profession qu'on désigne le mari indigne. On trouve ainsi des
roulier, vigneron, facteur,
sonneur, ramoneur, savetier, cloutier, cordonnier, et assez souvent
un tambour ce qui laisse supposer que la chanson était prisée par
les militaires. La pauvre femme est parfois tout simplement une femme
de Bordeaux. Mais celle qui a notre préférence est dans une version
notée par Achille Millien (1) :
la femme du
vieux Lambour
qui a le cul de
plâtre
et les fesses
de velours
Une
autre particularité de cette chanson est l'utilisation d'une très
brève ritournelle qui vient ponctuer l'avant dernier vers de chaque
couplet. Les lideri,
lidera, la hi la, tireli,
et autres lalira
ou ladirette
sont les plus fréquents. Dans l'ouest et en Haute-Bretagne en
particulier on trouve très souvent l'expression Nom
de nom,
comme dans cette version de Lucien Gicquel, qui varie parfois en Nom
de d'la,
sans que cela corresponde au besoin de l'assonance.
Nous l'avons dit,
cette chanson est très répandue. Mais si d'une version à l'autre
les paroles varient peu, elle peut prendre un sens tout à fait
différent selon le couplet ou s'arrête cette histoire peu morale.
Elle change alors complètement de catégorie.
Si l'interprète
omet le couplet où les enfants répondent à leur mère, la chanson
passe simplement pour une dénonciation de la débauche des maris
buveurs et s’apitoie sur le sort de leurs épouses.
Si elle inclut
cette réponse, où les enfants prennent leur père comme modèle, on
entre dans la dérision et bien souvent dans la chanson paillarde. Un
site consacré à ce type de chansons a fait une analyse détaillée
de cette « Femme du bambocheur »(2).
Mais la présence
assez fréquente d'un dernier couplet ou la femme promet de se venger
– ou regrette de ne pas l'avoir fait – en donne une
interprétation beaucoup plus féministe.
Voila sans doute
pourquoi cette aventure, somme toute assez banale, a connu autant de
succès en pouvant s'intégrer indifféremment aux répertoires des
complaintes populaires aussi bien qu'à celui des salles de gardes.
notes
1 - Achille
Millien, Chansons populaires du Nivernais et du Morvan, tome 3, p.
196
2 –
Étude complète à découvrir ici – un extrait: « Cette
histoire de La femme d'un libertin et ses variantes les plus connues
(telle que La femme du roulier) sont souvent victimes
d'interprétations pour le moins contestables. En effet, sous
prétexte que la tradition estudiantine les a accaparées, pour en
faire les piliers d'un répertoire de corps de garde, elles font
désormais figures d'apologies de la débauche masculine; ce qui, au
regard d'une lecture attentive du texte, est un contresens total.
Loin d'être une invitation au libertinage, cette chanson, empreinte
d'un désespoir total, ressemble plutôt à un constat d'échec. Sur
toute la ligne; puisque les enfants ne valent pas mieux que leur
père. »
interprète :
Barberine Blaise
source : Lucien Gicquel, de
Saint-Vincent-des-Landes, enregistré en février 1988 par Patrick
Bardoul et Lydie Pécot
catalogue P. Coirault : La
femme du roulier (Maumariées – N° 05505)
catalogue C.
Laforte : La femme du
roulier (II, Q–01)
La femme du bambocheur
Y’a-t-il rien de plus drôle qu’un
homme bambocheur (bis)
Car il s’en va d’une auberge en
auberge
Sa femme va le chercher, nom de nom
Avec une lanterne
Bonsoir madame l’hôtesse, mon mari
n’est-il pas là ? (bis)
Il est là-haut, dans la plus haute
chambre
En train d’s’y divertir, nom de nom
Avec notre jeune servante
La femme, la bonne femme, dans la
chambre elle monta (bis)
T’y voilà là, mon homme, mon
méchant homme
En train d’t’y divertir, nom de nom
Chez nous l’y a personne
Ma femme, ma bonne femme, retourne t’en
chez toi (bis)
Retourne t’en apprêter ta cuisine
Et moi pendant c’temps là, nom de
d’là
J’y caress’rai Joséphine (les
filles)
La femme, la bonne femme, s’en
retourne en pleurant (bis)
Elle dit à ses enfants : Vous
n’avez plus de père
Il est en train d’s’y divertir, nom
de nom
Avec une belle bergère
Ma mère, ma bonne mère, ne pleurez
donc point tant (bis)
Car quand nous serons grands
Nous ferons comme notre père
Nous caresserons les filles, nom de
d'la
En passant la rivière
Vingt dieux si j’avais su, en passant
la rivière
J’les aurais tous noyés, nom de d’là
Les enfants et leur père
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