La chanson de menteries n'est sans
doute pas le genre le plus prisé des amateurs de chansons anciennes.
Pourtant on en retrouve avec une grande constance (1) dans toutes les
collectes, celles du temps passé comme les plus récentes. Sous ses
diverses formes elle fait partie du « hit parade » (2)
des interprétations presque au même niveau que les trois canards
ou la claire fontaine. Alors pourquoi s'en priver. D'autant
que toute campagne électorale étant éloignée on ne pourra pas,
cette fois, nous accuser de faire du mauvais esprit.
Pour écouter la chanson et lire la
suite :
Inutile de donner trop d'explications
sur le refrain énigmatique de cette chanson. Vous aurez sans doute
reconnu là une déformation d'un refrain bien présent dans
plusieurs autres chansons :
J'entends le rossignolet
Peut être faut-il chercher la cause de
cette déformation dans l'âge de l'interprète collecté par Fernand
Guériff : « un enfant de Trignac ». C'est
l'explication la plus plausible, entraînant la répétition d'une
formule dont il n'avait pas bien saisi le sens (3).
Même si on retrouve dans ces lignes
des traits communs à bien d'autres menteries, son caractère
« enfantin » se remarque par quelques expressions qui
paraissent plutôt du domaine de la cour de récréation que du monde
des adultes. Voyez, par exemple, la finale de la chanson.
La construction de cette menterie est
assez différente de celle que nous avions déjà publié en janvier
2014 (chanson n° 40 – m'en revenant de Lille en Flandres) et que
vous pouvez donc consulter sur ce blog. Celle ci est sans doute plus
classique, qui annonce la couleur d'entrée avec sa formule :
Je vais vous raconter une histoire
de mensonges
même si elle n'ajoute pas la suite
habituelle :
S'il y'a un mot de vérité je veux
qu'on me...(pende, me tonde, y perdre la vie, que ma langue tombe,
etc)
Quelques un des clichés les plus
courants s'y retrouvent : les mouches au plafond, labourer un
champ sans terre, les fruits qui poussent sur un autre arbre,
l'oreille qui saigne au pied, etc.
Plus surprenants sont les vers avec
l'eau de Javel, le pansement en fil de fer ou encore le jus de
chaussettes. Preuve que ce genre bien particulier est ouvert à
l'évolution et laisse une certaine liberté à chaque interprète.
Pour ce qui est des mouches qui se
tordent de rire au plafond (qu'on appelait jadis le plancher) la
chute se traduit généralement par une cuisse cassée. Mais cela
semble être une spécialité du pays guérandais que de vouloir les
affubler de béquilles. On retrouve cette solution médicale dans
d'autres collectes locales. Écoutez par exemple la version à danser
le rond interprétée par Jean Rivalant dans notre coffret
« Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique »
paru en 2012.
Notes
1 – Mais non, il ne s'agit pas de
Constance Crusson. Vous avez vraiment l'esprit mal tourné !
2 – Que ce terme fait désuet de nos
jours. C'est pour ça qu'on l'aime bien.
3 – L'enfant, pas Guériff. Faut
vraiment tout vous expliquer aujourd'hui !
interprète : Nicolas Pinel
Source : Fernand Guériff, Tome
III, p. 151 - Chansons de Brière, de Saint-Nazaire, et de la
presqu'île Guérandaise. Recueilli d'un enfant de Trignac en 1943
catalogue P. Coirault :
11401 – les menteries
catalogue C. Laforte : IV
Ma-26 - les menteries
Je vais vous raconter une histoire de
mensonges
j'entends signaler
Je vais vous raconter une histoire de
mensonges
Mon père m'envoie-t-au champs pour
labourer la terre
En arrivant au champ, il n'y a plus de
terre
Je rencontre un pommier qu'était
couvert de cerises
Je lance mon bâton, il tomba des
groseilles
Le garde champêtre m'a vu, il a voulu
me battre
Il m'a lancé son chien, son coq m'a
mordu
Il m'a mordu au pied, ça saignait à
l'oreille
Au lieu de saigner du sang, ça
saignait d'l'eau d'Javel
J'allais chez le docteur qu'était
tailleur de pierres
Il me fit un pansement avec du fil de
fer
Il me fit un sirop avec du jus de
chaussettes
En arrivant chez moi, tout le monde
était en fête
Les mouches au plafond qui se tordaient
de rire
Y'en a une qu'est tombée, elle s'est
cassé la quille
Elle a pu remonter avec trente six
béquilles
Dans l'étable de mon père il y avait
trois vaches
Y'en a une qu'a pété, elle a étouffé
l'autre
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