vendredi 29 septembre 2017

217 - une histoire de mensonges

La chanson de menteries n'est sans doute pas le genre le plus prisé des amateurs de chansons anciennes. Pourtant on en retrouve avec une grande constance (1) dans toutes les collectes, celles du temps passé comme les plus récentes. Sous ses diverses formes elle fait partie du « hit parade » (2) des interprétations presque au même niveau que les trois canards ou la claire fontaine. Alors pourquoi s'en priver. D'autant que toute campagne électorale étant éloignée on ne pourra pas, cette fois, nous accuser de faire du mauvais esprit.
Pour écouter la chanson et lire la suite :


Inutile de donner trop d'explications sur le refrain énigmatique de cette chanson. Vous aurez sans doute reconnu là une déformation d'un refrain bien présent dans plusieurs autres chansons :
J'entends le rossignolet
Peut être faut-il chercher la cause de cette déformation dans l'âge de l'interprète collecté par Fernand Guériff : « un enfant de Trignac ». C'est l'explication la plus plausible, entraînant la répétition d'une formule dont il n'avait pas bien saisi le sens (3).
Même si on retrouve dans ces lignes des traits communs à bien d'autres menteries, son caractère « enfantin » se remarque par quelques expressions qui paraissent plutôt du domaine de la cour de récréation que du monde des adultes. Voyez, par exemple, la finale de la chanson.
La construction de cette menterie est assez différente de celle que nous avions déjà publié en janvier 2014 (chanson n° 40 – m'en revenant de Lille en Flandres) et que vous pouvez donc consulter sur ce blog. Celle ci est sans doute plus classique, qui annonce la couleur d'entrée avec sa formule :
Je vais vous raconter une histoire de mensonges
même si elle n'ajoute pas la suite habituelle :
S'il y'a un mot de vérité je veux qu'on me...(pende, me tonde, y perdre la vie, que ma langue tombe, etc)
Quelques un des clichés les plus courants s'y retrouvent : les mouches au plafond, labourer un champ sans terre, les fruits qui poussent sur un autre arbre, l'oreille qui saigne au pied, etc.
Plus surprenants sont les vers avec l'eau de Javel, le pansement en fil de fer ou encore le jus de chaussettes. Preuve que ce genre bien particulier est ouvert à l'évolution et laisse une certaine liberté à chaque interprète.
Pour ce qui est des mouches qui se tordent de rire au plafond (qu'on appelait jadis le plancher) la chute se traduit généralement par une cuisse cassée. Mais cela semble être une spécialité du pays guérandais que de vouloir les affubler de béquilles. On retrouve cette solution médicale dans d'autres collectes locales. Écoutez par exemple la version à danser le rond interprétée par Jean Rivalant dans notre coffret « Anthologie du patrimoine oral de Loire-Atlantique » paru en 2012.

Notes
1 – Mais non, il ne s'agit pas de Constance Crusson. Vous avez vraiment l'esprit mal tourné !
2 – Que ce terme fait désuet de nos jours. C'est pour ça qu'on l'aime bien.
3 – L'enfant, pas Guériff. Faut vraiment tout vous expliquer aujourd'hui !

interprète : Nicolas Pinel
Source : Fernand Guériff, Tome III, p. 151 - Chansons de Brière, de Saint-Nazaire, et de la presqu'île Guérandaise. Recueilli d'un enfant de Trignac en 1943
catalogue P. Coirault : 11401 – les menteries
catalogue C. Laforte : IV Ma-26 - les menteries

Je vais vous raconter une histoire de mensonges
j'entends signaler
Je vais vous raconter une histoire de mensonges

Mon père m'envoie-t-au champs pour labourer la terre
En arrivant au champ, il n'y a plus de terre
Je rencontre un pommier qu'était couvert de cerises
Je lance mon bâton, il tomba des groseilles
Le garde champêtre m'a vu, il a voulu me battre
Il m'a lancé son chien, son coq m'a mordu
Il m'a mordu au pied, ça saignait à l'oreille
Au lieu de saigner du sang, ça saignait d'l'eau d'Javel
J'allais chez le docteur qu'était tailleur de pierres
Il me fit un pansement avec du fil de fer
Il me fit un sirop avec du jus de chaussettes
En arrivant chez moi, tout le monde était en fête
Les mouches au plafond qui se tordaient de rire
Y'en a une qu'est tombée, elle s'est cassé la quille
Elle a pu remonter avec trente six béquilles
Dans l'étable de mon père il y avait trois vaches
Y'en a une qu'a pété, elle a étouffé l'autre


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